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Doit-on renoncer à l'idée des deux États pour la Palestine?

Il ne faut pas voir dans ce texte un argument en faveur de l'État unique. On peut de part et d'autre parvenir à la nation civique sans devoir faire partie d'un même État. Les deux États contiendront des minorités de l'autre peuple. L'un et l'autre devront apprendre à respecter les droits collectifs de ces minorités et à traiter leurs membres comme des citoyens à part entière.
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Il n'existe pas de modèle d'organisation politique qui puisse s'appliquer à tous les peuples sans exception. Si, à une certaine époque, on ne jurait que par l'État-nation unitaire, à notre époque, plusieurs croient que le fédéralisme est une panacée et qu'il peut résoudre tous les problèmes, y compris ceux qui se posent au sein de sociétés plurinationales. J'estime pour ma part qu'il existe une variété de modèles possibles: l'État-nation unitaire (qui peut être adapté à des sociétés comme la Corée, l'Islande ou le Portugal), l'État unitaire multinational avec dévolution de pouvoirs à ses nations constitutives (la Grande-Bretagne), le fédéralisme territorial (les États-Unis, l'Allemagne), le fédéralisme multinational (l'Espagne, l'Inde, le Nigeria, le Canada?), la confédération d'États souverains (les 27 États membres de l'Union européenne, l'union confédérale Québec - Canada?) ou la fédération d'États souverains (les États membres de la zone euro).

Il en va de même pour la Palestine. Il n'existe pas de modèle unique. Certains promeuvent le modèle de deux États souverains et d'autres promeuvent le modèle de l'État unique. Ces derniers regroupent autant ceux qui le conçoivent comme une république de citoyens disposant chacun d'un vote, que ceux qui le conçoivent comme un État binational. D'autres encore, comme Abdalhadi Alijla, défendent le consociationalisme fédératif. Je n'ai pour ma part pas d'objection de principe à l'égard du modèle de l'État unique pour la Palestine, mais il faudrait que ce soit (i) un État binational (ii) rassemblant la totalité des membres de ces deux peuples fondateurs vivant dans la région et (iii) et que ces deux peuples jouissent pleinement du droit à l'autodétermination interne.

Je partage toutefois le point de vue de Michael Lerner qui, dans Embracing Israel/Palestine: A Strategy to Heal and Transform the Middle East, soutient que le chemin le plus court pour parvenir à l'État unique est peut-être de passer par le modèle des deux États. Mais, comble de paradoxe, il soutient également que le chemin le plus court pour passer au modèle des deux États est peut-être de préconiser l'application du principe « un citoyen un vote » pour l'ensemble des citoyens palestiniens et israéliens. Non pas que cette idée soit nécessairement en soi une bonne solution dans le contexte actuel. C'est plutôt que les citoyens israéliens accepteraient en fin de compte plus facilement le modèle des deux États s'ils étaient confrontés à l'éventualité de voir disparaître leur identité israélienne dans un nouvel État où ils risquent d'être rapidement minoritaires. Tel est l'argument de Lerner, mais c'est aussi une position qui a été défendue par Henry Siegman et Robert Wright.

Si je dis que le chemin le plus court pour parvenir à l'État unique est peut-être de passer par le modèle des deux États, c'est parce que l'État unique n'est pas une bonne solution dans le contexte actuel. Comme je l'ai dit plus haut, l'État unique devrait ne pas impliquer seulement des citoyens égaux, mais aussi des peuples égaux jouissant du droit à l'autodétermination interne. En vertu du droit international, le droit à l'autodétermination interne est le droit qu'a un peuple de se développer économiquement, socialement et culturellement, ainsi que le droit de déterminer son statut politique à l'intérieur d'un État. Or, l'État d'Israël ne semble pas disposé à accepter cela. L'État unique prend davantage la forme du Grand Israël.

Je ne m'objecte donc pas en principe à l'idée d'un État unique binational, mais je crois qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Et surtout, comme je l'écrivais dans le Huffington Post du 27 juillet dernier (Le projet d'un État unique: une caution utopique pour le Grand Israël?), ceux qui rêvent à l'État unique risquent de voir leur rêve réalisé sur le mode d'un cauchemar. Car ce qui dans la réalité politique concrète ressemble le plus au modèle de l'État unique, ce n'est pas un État binational incluant des citoyens et des peuples égaux, c'est l'État du Grand Israël annexant une grande partie du territoire de la Cisjordanie et une bonne partie de la bande de Gaza. Il m'a semblé que la perspective du Grand Israël nous forçait à mettre la pédale douce sur l'idée de l'État unique, parce que l'évocation de cette dernière idée revenait dans le contexte actuel à se donner des raisons d'accepter l'annexion. En effet, en vantant les mérites de l'État unique, on commence à rendre acceptable sa manifestation concrète la plus éventuellement plausible, à savoir le Grand Israël.

L'État unique?

Sur la base des mêmes faits empiriques, à savoir la main mise grandissante d'Israël en Cisjordanie et à Gaza, certains parviennent au contraire à poser un diagnostic fatal contre le modèle des deux États. L'implantation des colonies est tellement avancée que, selon eux, on est forcé de constater l'échec de la solution des deux États. Voir à ce propos les textes d'Emile Nakhleh The Two-State Option is Dead: Time for New Thinking, Inter Press Service (3 mai 2014) et de Rachel Shabi, The death of the Israël-Palestine two-state solution brings fresh hope, The Guardian (23 Octobre 2012). D'autres estiment que, de toute façon, l'État unique est à toutes fins utiles déjà réalisé. Voir George Bisharat, Israel and Palestine: A true one-state solution, Washington Post (3 Septembre 2010). Certains intellectuels arabes, tels Ali Abunimah et Mehdi Hasan, envisagent eux aussi favorablement l'État unique.

Bien entendu, plusieurs intellectuels juifs défendent toujours le modèle des deux États. C'est notamment le cas de Henry Siegman, Noam Chomsky, Norman Finkielstein, Michael Lerner, Bernard Avishai et Uri Avnery. Mais il y a des intellectuels juifs qui, bien qu'ils soient très critiques à l'égard de l'État d'Israël, tels Jacob Cohen, Gideon Levy et Miko Peled, estiment qu'on ne peut revenir en arrière et qu'il faut se résoudre à travailler en faveur du modèle de l'État unique. J'avoue ressentir un malaise à voir ces intellectuels formuler des critiques sévères sur les gestes passés de l'État d'Israël, tout en donnant le feu vert à ce qui semble être la prochaine étape dans cette saga, à savoir l'annexion du territoire palestinien dans son ensemble. On fait un grand mea culpa à l'égard des gestes passés, mais en ce qui concerne ce qui est en train de se produire, on baisse les bras, ce qui revient à laisser Israël resserrer son emprise sur la Palestine. Pire, au moment où la communauté internationale pourrait se mobiliser pour mettre enfin en pratique la solution des deux États, ceux qui annoncent la mort de cette idée contribuent en fait à démobiliser les leaders de ce monde qui pourraient faire la différence. Dans le présent contexte, laisser entendre que la solution des deux États est dépassée revient même à aider l'État hébreu à réaliser son projet funeste du Grand Israël.

Mon inquiétude à l'égard du modèle de l'État unique pour la Palestine est aussi qu'on veuille aller trop vite. De la même manière que pour venir à bout des nationalismes de droite en Europe, on est allé trop vite en créant l'union monétaire avec l'Euro comme devise unique, on risque aussi d'aller trop vite en forçant tout de suite les deux peuples à cohabiter au sein d'un même État.

Deux États civiques

Si certains estiment que la solution des deux États est impraticable, c'est peut-être parce qu'ils présupposent que cela devrait entraîner le rapatriement des 400 000 colons vivant en Cisjordanie pour qu'ils reviennent vivre en Israël. Mais les colons juifs de Cisjordanie peuvent, s'ils le désirent, faire partie de l'État de la Palestine en tant que minorité nationale, tout comme c'est le cas pour la minorité nationale des Palestiniens en Israël. Après tout, la minorité israélienne en Palestine ne représente pas plus de 15% de la population de Palestine. Personne ne préconise de déplacer la minorité palestinienne vivant en Israël, et ce, bien que celle-ci représente 20% de la population actuelle de l'État d'Israël. Alors pour quelle raison devrions-nous exiger que les Israéliens quittent le territoire de la Palestine libre? Il faut dire et répéter que le projet des deux États ne doit pas être celui de deux entités ethniquement pures puisque, dans l'optique de ce qui est proposé, les deux États comporteraient des minorités. Le partisan de l'État unique peut difficilement rétorquer qu'il n'est pas raisonnable d'envisager la cohabitation d'une minorité israélienne avec la majorité palestinienne, car son propre modèle d'État unique suppose de manière encore plus radicale et draconienne la cohabitation entière des deux communautés.

La cohabitation de la minorité israélienne au sein de l'État palestinien est possible pourvu que l'apartheid soit démantelé: l'accès à l'eau, aux ressources et aux routes ne doit pas être réservé à la seule minorité. La cohabitation interne entre les deux communautés, majoritaires et minoritaires, au sein des deux États est possible pourvu que les droits de la minorité israélienne en Palestine et de la minorité palestinienne en Israël soient respectés.

Les diktats d'Israël

Certains rejettent la solution des deux États parce qu'ils soutiennent qu'Israël n'acceptera jamais les frontières de 1948 ou de 1967 étant donné la présence de 400 000 colons en Cisjordanie. C'est notamment l'argument de Miko Peled. Mais en se soumettant à la volonté d'Israël comme s'il s'agissait d'un diktat incontournable, on est en train de nous faire admettre l'annexion du territoire palestinien par Israël. Je l'ai dit plus haut, la critique du modèle des deux États est dans les faits un coup de pouce donné à Israël. Dans le contexte présent, vanter les mérites de l'État unique revient, en effet, à accepter qu'Israël puisse s'installer à demeure en Palestine.

Mais pourquoi certains intellectuels arabes défendent-ils l'État unique? Pourquoi estiment-ils eux aussi que l'annexion est un fait accompli et que l'on ne peut revenir en arrière? La réponse est qu'ils croient détenir une carte importante dans leur jeu, à savoir que la population palestinienne est sur le point de dépasser en nombre celle d'Israël. Malheureusement, ils ne voient pas le piège dans lequel ils sont en train de tomber. Car une fois que tout le monde aura avalé la pilule amère de l'annexion par Israël d'une bonne partie du territoire palestinien, on nous préparera à avaler une deuxième pilule amère. L'État unique d'Israël ne s'étalera pas sur l'ensemble du territoire de la Cisjordanie. Selon Henry Siegman, Israël pourrait espérer annexer jusqu'à 60% de ce territoire. Or, les populations palestiniennes seraient en grand nombre repoussées à l'extérieur de ces frontières et ne feraient pas partie de l'État unique. En effet, une fois que l'annexion sera derrière nous et que l'enjeu sera désormais l'inclusion de toute la population palestinienne dans cet État unique, on fera valoir qu'Israël ne pourra jamais accepter cette inclusion parce que la population juive deviendra vite minoritaire au sein de cet État, ce qu'Israël ne peut tolérer. Et progressivement, on forcera la communauté internationale à se soumettre à cet autre diktat. Les populations palestiniennes seront alors repoussées dans des Bantoustans extérieurs à l'État unique.

Après avoir avalé cette pilule-là, les partisans de l'État unique qui voudront quand même se porter à la défense des Palestiniens demeurés au sein de ce nouvel État pourront gesticuler autant qu'ils le voudront. Aussi longtemps que l'extrême droite gardera le contrôle sur la gouvernance d'Israël, on leur fera comprendre que l'on ne peut en droit international intervenir dans les affaires intérieures d'un État, tous les États étant jaloux de leur propre souveraineté. La minorité palestinienne élargie vivant au sein de ce Grand Israël pourra attendre longtemps que son droit à l'autodétermination interne soit satisfait. Elle attendra cela un peu comme on attend Godot. Ce sera la troisième et dernière pilule amère à avaler, celle qui scellera définitivement le sort du peuple palestinien.

Aussi, s'il est prétendument naïf de croire à la solution des deux États et de penser que l'État d'Israël va se retirer de Cisjordanie, il est encore plus naïf de penser que l'annexion de la Cisjordanie puisse donner lieu à l'abandon du projet d'État juif. Si l'État d'Israël refuse de reconnaître le droit à l'autodétermination du peuple palestinien et son droit à se doter d'un État souverain, pourquoi accepterait-il de reconnaître le droit à l'autodétermination interne du peuple palestinien dans l'État du Grand Israël ? La vérité est que la population de Palestine risquerait d'être une population de seconde zone tout comme l'est déjà la minorité palestinienne vivant actuellement dans l'État d'Israël.

Les obstacles qui se posent au modèle des deux États se posent aussi au modèle de l'État binational, mais avec plus d'acuité encore dans ce dernier cas. Aussi, pour amorcer le processus de la cohabitation, il faudrait commencer par créer deux États qui se tolèrent et qui respectent leurs minorités respectives : la minorité palestinienne en Israël et la minorité israélienne en Palestine. Progressivement, la tolérance pourrait donner lieu eu au respect, puis à la défense des intérêts communément partagés.

L'invention d'une nation?

Certains défendent l'État unique sous prétexte qu'il n'existe pas de nation israélienne historique, pas plus qu'il n'existerait de peuple juif. Il n'y a donc pas d'entité historique pouvant revendiquer des droits ancestraux de premier occupant sur le territoire de la Palestine et donc, il n'existe pas d'argument pouvant justifier l'apparition en 1948 de l'État hébreu. Ils invoquent à leur rescousse Shlomo Sand qui a montré comment fut inventé le peuple d'Israël. Ils oublient cependant de dire que Shlomo Sand est partisan de la solution de deux États. Voir l'article de Philip Weiss paru le 13 décembre 2012: Shlomo Sand on Zionism, post-Zionism, and the two-state solution où on peut voir Sand affirmer la chose suivante:

«I justify the existence of Israel not because of historical right, but because of the fact that it exists today and any effort to destroy it will bring new tragedies. Besides, Zionism created a new Israeli nation that has a right to exist. I don't define myself as an anti-Zionist. I define myself as a post-Zionist and non-Zionist because the justification of this land is not historical right. I understand it happened because of the tragedy of Europe. The majority of the emigrants didn't want to come to Palestine. But the Zionist historians didn't want to put that inside the narrative of how Israel was built. (...) If I have continued to be for a two state solution, it is because I am a realist and pragmatic, I don't think the two states can live separately. Amos Oz wrote a book, we need a divorce, we are two different families. Not at all. The two states solution has to combine a kind of confederation of the two of us because we are living so inside one another. The vision has to come after the two state solution. We don't have to divorce, we have to live in the same apartment but two different rooms. So as to give expression to Palestinian sovereignty.»

On pourrait toutefois faire valoir en faveur de l'État unique que le peuple palestinien est très majoritairement favorable à l'idée. En effet, près de 70% des Palestiniens appuient l'État unique. Mais cette donnée apporte difficilement de l'eau au moulin aux défenseurs de ce modèle, car le sondage indique aussi que 75% des Palestiniens croient qu'Israël n'a pas en principe le droit d'exister en tant qu'État. Leur espoir d'un État unique est fondé sur la négation de la reconnaissance de l'État d'Israël. On est donc loin d'une cohabitation possible fondée sur la reconnaissance réciproque de deux peuples et de leurs droits à l'autodétermination.

Certains Palestiniens favorisent l'État unique parce qu'ils sont désespérés. Sur le terrain, ils ne voient plus comment il est possible de revenir en arrière. Mais ils s'imaginent que l'État palestinien doit entraîner le départ de tous les colons alors que ceux qui le désirent pourront rester en Palestine. En outre, si la communauté internationale s'en mêle, les Palestiniens retrouveront espoir. Ils doivent aussi réaliser que l'État unique réel qui s'en vient n'est pas celui qu'ils désirent, car c'est l'État unique d'Israël conquérant des territoires occupés. Si on croit vraiment à un État unique et que l'on reconnaît vraiment que celui-ci doit être binational, il faudra qu'Israël soit disposé à reconnaître l'autre peuple fondateur de cet État unique. En attendant d'en arriver là, donnons donc un État au peuple palestinien.

Une personne, un vote?

Plusieurs intellectuels sont tout simplement incapables de comprendre le nationalisme. L'idée que le peuple palestinien puisse disposer d'un droit à l'autodétermination ne leur rentre tout simplement pas dans la tête. L'État unique est donc pour eux une bouée de sauvetage utile. Il s'agit d'un État abstrait composé de citoyens abstraits. Ce serait un État où il n'y aurait plus de peuple israélien ou de peuple palestinien. Ce serait un État dans lequel il n'y aurait plus de peuple, plus de nationalisme et plus de droits collectifs. Ce serait le modèle «une personne un vote».

Par exemple, Stephen Walt, qui est favorable au modèle des deux États, estime quand même que le modèle de l'État unique, fondé sur une personne un vote, pourrait convaincre les États-Unis, puisque cela correspond à la conception que les Américains se font de leur propre société.

Il y a toutefois quelque chose d'aberrant à penser que la solution au sempiternel problème impliquant les Israéliens et les Palestiniens doit s'inspirer d'une conception typiquement américaine de la vie en société. Les Israéliens et les Palestiniens ne conçoivent pas leur propre société de façon individualiste comme les Américains.

À l'appui de l'idée «une personne, un vote», il y a aussi, selon certains, le modèle de l'Afrique du Sud. Mais il y a plusieurs différences entre l'Afrique du Sud et la Palestine. Premièrement, d'un strict point de vue démographique, la population noire d'Afrique du Sud est très largement majoritaire (80%) par rapport aux Afrikaners, en plus d'être multi-ethnique (11 langues officielles). Étant donné la majorité noire écrasante, le groupe ayant subi l'apartheid s'est trouvé grâce au système « une personne, un vote » d'emblée propulsé en position d'imposer sa volonté. Deuxièmement, le système « une personne, un vote » est présenté en Palestine comme une monnaie d'échange pour l'annexion du territoire de l'un des deux peuples fondateurs, sans reconnaissance du peuple palestinien et de son droit à l'autodétermination. Aucun marché de dupe de ce genre ne liait la majorité noire et la minorité blanche. En dernier lieu, le modèle implanté en Afrique du Sud a mis fin aux Bantoustans, ces ghettos dans lesquels vivaient de larges pans de la population noire. Dans le contexte de la Palestine, Israël entend annexer seulement une partie du territoire et repousser à l'extérieur des frontières du Grand Israël une large partie de la population palestinienne, de sorte que des «bantoustans palestiniens» verraient le jour au lieu de disparaître.

Conclusion

L'État unique devrait être vraiment multinational et composé de deux peuples fondateurs. Ces deux peuples devraient avoir des droits collectifs à l'intérieur de cet État. Ils devraient disposer du droit à l'autodétermination interne au sein de l'État unique. Mais si ces deux peuples sont capables de faire ça, ils devraient aussi être capables d'exister côte à côte sous la forme de deux États souverains. S'ils ne le peuvent pas et qu'un seul peuple détient un État, il faut se méfier d'une solution qui suppose un État unique. En effet, le problème est que le peuple palestinien ne dispose pas encore d'un État. Avant de lui demander de renoncer à cet État au profit d'un État binational, commençons par lui permettre de fonctionner à l'intérieur de son propre État.

La solution de l'État unique tend à escamoter le fait que cet État devra être binational et pas seulement fondé sur le principe «une personne, un vote». Il devrait s'agir de deux nations qui consentent volontairement à partager la souveraineté. L'État unique, en tant qu'État binational, n'est pas qu'un ensemble hétéroclite de citoyens, c'est un composé de deux peuples ayant le statut de nations. En outre, n'oublions pas que dans le contexte actuel, c'est sans doute trop demander aux Palestiniens et en particulier à ceux de Gaza d'accepter de cohabiter avec les Israéliens au sein d'un même État.

En 1999, Edward Said écrivait :«The beginning is to develop something entirely missing from both Israeli and Palestinian realities today: the idea and practice of citizenship, not of ethnic or racial community, as the main vehicle of coexistence.»

Il ne faut pas voir dans ce texte un argument en faveur de l'État unique. On peut de part et d'autre parvenir à la nation civique sans devoir faire partie d'un même État. Les deux États contiendront des minorités de l'autre peuple. L'un et l'autre devront apprendre à respecter les droits collectifs de ces minorités et à traiter leurs membres comme des citoyens à part entière.

La solution des deux États souverains est présentement plus réaliste, parce qu'elle tient compte du fait que nous devons réparation au peuple palestinien. Nous ne devons pas leur demander tout de suite de cohabiter avec les Israéliens au sein d'un même État. Pire encore, ainsi qu'on l'a déjà signalé, la solution de l'État unique, à court terme, équivaut à accepter l'annexion de la Palestine. Si on est contre cette annexion à court terme, il faudrait alors reporter la création de l'État unique seulement lorsqu'Israël cessera les colonies de peuplement, se retirera des territoires occupés, abattra son mur et lèvera le blocus sur Gaza. Il faudra aussi qu'Israël élimine toutes les mesures discriminatoires contre l'actuelle minorité palestinienne vivant en Israël. Ce n'est pas demain la veille. Il faudra attendre combien d'années? 10 ans? 20 ans? En attendant, appuyons la création d'un État palestinien indépendant.

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