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Course à la chefferie du PQ: d'ennuyante à essouflante

La course devait être facile pour Alexandre Cloutier, presque un couronnement. Puis vint Jean-François Lisée, brouilleur de cartes professionnel.
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La sortie du député de Bourget Maka Koto à propos du recours à l'argument identitaire par Jean-François Lisée n'est que le plus récent épisode de cette course dont tout le monde déplorait l'ennui l'été dernier, mais qui s'est soudainement enflammée en septembre, avec la rentrée et surtout le retour des journalistes devant leur écran. Bien sûr, il est clair que c'est une course à deux paliers: Lisée et Cloutier sur le gradin supérieur, et Martine Ouellet et Paul St-Pierre Plamondon là, en dessous. Loin en dessous. Ou derrière, comme vous le voulez.

La course devait être facile pour Alexandre Cloutier, presque un couronnement. Puis vint Jean-François Lisée, brouilleur de cartes professionnel. Et une seconde course a démarré, davantage pour consommation médiatique que pour rejoindre un à un, comté par comté, les membres votants du PQ. Cette seconde course en devient essoufflante, notamment en raison des attaques pas toujours très... gentilles que les candidats se lancent les uns aux autres. Elle devient aussi, en apparence du moins, une course qu'on dit plus serrée entre les deux principaux candidats, ceux du gradin supérieur, bien sûr.

Je ne connais personnellement aucun des quatre candidats et je ne suis pas membre du PQ. Mais ma perception d'Alexandre Cloutier est celle d'un jeune politique brillant dont le bref passage aux «relations intergouvernementales canadiennes et à la gouvernance souverainiste» n'a pas laissé de souvenirs ou de squelettes très particuliers. Bel homme (comme l'autre, à Ottawa), Cloutier est sérieux, réfléchi, prudent et jusqu'à un certain point prévisible. Mine de rien, même s'il n'a que 39 ans, cela fera dix ans l'an prochain qu'il siège à l'Assemblée nationale comme député du Lac St-Jean. On a dit et écrit qu'il est le favori de l'appareil du PQ. L'intéressé le nie fermement, mais l'affirmation lui colle à la peau.

Jusqu'ici, il a mené une campagne qui lui ressemble, une campagne positive et souriante sous le thème de «Rassembler, construire, gagner». Plus récemment, son sourire s'est un peu crispé. Sa position référendaire lui a attiré quelques volées de bois vert, surtout de la part de la pasionaria de l'indépendance, Martine Ouellet. Les péquistes sont peut-être indépendantistes, mais en général, ils ne sont pas suicidaires au plan politique. Avec Alexandre Cloutier à sa barre, le PQ continuerait vraisemblablement son chemin sans trop dévier du sentier qui a été le sien depuis une bonne quinzaine d'années.

Et puis, il y a Jean-François Lisée. L'auteur prolifique de plusieurs bons bouquins, et de quelques-uns moins bons, le blogueur permanent, la machine à idées, le tacticien par excellence, le stratège même, écrivent certains chroniqueurs qui devraient savoir faire la différence entre les deux mots, bref, Lisée le spectaculaire. Pour lui, la fin justifie les moyens. Sa position référendaire? On en fera un dans un second mandat. Pour le reste, Lisée a fait les manchettes régulièrement en prenant une position plus dure sur l'identité, jouant du même coup sur la peur de l'autre, surtout si l'autre est musulman («moins d'immigrants, mais de ''meilleurs''»). Il a aussi réussi le tour de force de revenir à l'avant-plan du PQ après en avoir été le paria pour avoir dit publiquement que PKP était une bombe à retardement. Faut quand même le faire.

Un PQ sous la gouverne de Jean-François Lisée serait, suivant certains, moins ennuyant et plus drôle, notamment en Chambre.

Lisée a des idées sur tout et à peu près tout le temps: les sièges sociaux, l'éducation, l'économie et les exportations, l'intégration des immigrants (les meilleurs, je le répète), une concordance culturelle. En voulez-vous, en voilà! Ça peut être amusant de le voir aller, mais en même temps, on ne peut s'empêcher de penser à l'image du «loose canon on the deck» quand on regarde aller ce candidat qui fait flèche de tout bois. Cette expression, pour ceux qui ne la connaissent pas, désigne une personne ou une chose imprévisible, apte à causer des dommages si elle n'est pas contenue par d'autres.

Lisée a de grandes qualités, mais il en a aussi les défauts. Sa vanité est légendaire, et son arrogance naturelle, temporairement contrôlée ces jours-ci, ne pourra que surgir à nouveau s'il est élu chef le 7 octobre. D'ailleurs, est-ce que quelqu'un le croit vraiment quand il dit qu'une fois élu chef, il se voudra «rassembleur»? À mes yeux, il me semble davantage du genre à faire le ménage chez ceux qui ne l'ont pas appuyé ou qui l'ont hué quand il s'en prenait l'an dernier seulement à PKP. De plus, sa capacité de travailler en équipe est loin d'être démontrée.

Un PQ sous la gouverne de Jean-François Lisée serait, suivant certains, moins ennuyant et plus drôle, notamment en Chambre. D'autres salivent à l'idée des joutes entre Lisée et Philippe Couillard et croient que les talents oratoires de Lisée aideront le PQ à battre les libéraux en 2018. C'est évidemment possible. De là à dire que c'est probable, c'est un pas que je refuse de franchir pour le moment. S'il est élu chef, Lisée va brasser le PQ et oui, on aura plus de plaisir à regarder la joute politique provinciale. Mais cela ne règle en rien les problèmes de fond pour ce parti.

En définitive, la question fondamentale qu'il faut se poser alors qu'on approche de la fin de cette course, c'est la suivante: que ce soit Jean-François Lisée ou Alexandre Cloutier qui gagne la chefferie le 7 octobre prochain et devient le nouveau chef, le PQ sera-t-il davantage en mesure de renverser les tendances lourdes démontrant de plus en plus qu'il est le parti d'une génération, essentiellement celle des baby-boomers, et que les jeunes s'y intéressent de moins en moins?

On peut dire et promettre bien des choses durant une course à la chefferie. Mais les chiffres, eux, sont là et ne mentent pas. Pour le PQ, l'heure n'est peut-être pas à la rigolade.

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