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Les autistes ne se hiérarchisent pas entre eux

Les autistes ont des modes de fonctionnements différents, pour traiter l’information, apprendre et s’épanouir. Il n’y a pas de supériorité entre personne autiste et Asperger ou entre autiste et non autiste.
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Tout comme l’autiste dit prototypique, l’Asperger peut avoir un niveau de besoins allant de peu élevé à très élevé; les besoins de chacun sont donc indépendants du «type d’autisme».
Julian Hanslmaier / EyeEm via Getty Images
Tout comme l’autiste dit prototypique, l’Asperger peut avoir un niveau de besoins allant de peu élevé à très élevé; les besoins de chacun sont donc indépendants du «type d’autisme».

Ce billet de blogue est la suite de ce texte: L'illusion d'élitisme en autisme

À l'âge adulte, l'autisme devient presque «invisible» chez la plupart des autistes, du moins aux yeux des autres. En effet, l'autisme qui représentait bien la «prototypicalité», très présente à l'âge préscolaire, «s'atténue» lorsque l'on n'observe que les comportements externes. C'est donc dire que les manifestations prototypiques ayant pu rendre l'autisme envahissant semblent disparaître une fois passé l'âge adulte.

Dans ce contexte, si un diagnostic n'est qu'émis à l'âge adulte chez ces autistes, se pourrait-il qu'ils reçoivent la mention «Asperger»? Avons-nous omis de tenir compte de son enfance? Croyons-nous encore en un spectre linéaire de l'autisme? Commettons-nous une erreur de diagnostic?

Nous oublions qu'il existe des adultes autistes, prototypiques (Kanner), qui prennent la parole. Nous n'avons qu'à penser à Temple Grandin, Naoki Higashida, Amy Sequenzia, Donna Williams et par chez nous, Michelle Dawson, Brigitte Harrisson et Mélanie Ouimet. Et bien d'autres comme Valérie Picotte ou Richard Marcotte du blogue collectif Je suis tombé en bas de ma bulle, ayant reçu un diagnostic d'Asperger à l'âge adulte ne sont pas en accord avec cette appellation d'exclusion qui ne représente pas leur réalité depuis l'enfance, leur fonctionnement perceptif et se définissent simplement comme «autistes».

Le niveau de soutien dont la personne autiste a besoin est variable et multifactoriel, qu'elle soit prototypique ou Asperger. Tout comme l'autiste dit prototypique, l'Asperger peut avoir un niveau de besoins allant de peu élevé à très élevé; les besoins de chacun sont donc indépendants du «type d'autisme».

Nous pouvons ainsi nous retrouver devant un Asperger ayant besoin d'un soutien élevé et un autiste prototypique n'ayant que très peu besoin de soutien.

Dans les deux profils, nous observons des forces et des difficultés qui varient significativement d'un individu à l'autre. Nous pouvons avoir une personne autiste qui peut regarder dans les yeux pour de courtes périodes, qui comprend le sarcasme dans certains contextes, qui parvient à maintenir une conversation, qui ne montre pas de signes de stéréotypie et qui ne fait pas de crises en public.

Mais cette même personne peut également éprouver de la difficulté pour répondre au téléphone parce qu'elle fige, pour aller seule à l'épicerie à cause des gens ou pour entendre plusieurs conversations en même temps sans tomber dans un état lointain à cause de la surstimulation sensorielle.

Cette personne pourrait aussi bien être autiste prototypique ou Asperger: tous peuvent vivre avec de grandes difficultés ou avec de grandes forces. Cela est sans compter ces personnes autistes qui ignorent leurs difficultés, car elles compensent depuis si longtemps qu'elles croient ne pas en avoir. Jusqu'au jour où elles heurtent un mur et s'écroulent. Là seulement, elles le réalisent. Il est facile de se considérer au-dessus de tous, lorsqu'on ignore nos difficultés.

Le trait commun des autistes se retrouve au niveau du fonctionnement atypique de leur cerveau, si on le compare à un fonctionnement dit typique. Il n'y a que des modes de fonctionnements différents, notamment pour traiter l'information, apprendre et s'épanouir. Il n'y a donc pas de supériorité, de hiérarchie, entre personne autiste et autiste Asperger ou entre personne autiste et non autiste.

Comme l'a dit le docteur Laurent Mottron, dans le cadre d'une conférence présentée à Montréal en 2014:

«Vous savez dans le DSM, on parle de sévérité. Alors, en général, lorsque les parents demandent: "Est-ce que mon fils est un autiste sévère ou pas sévère?", c'est avec l'idée qu'un autiste pas sévère, c'est un Asperger et qu'un autiste sévère, c'est un autiste qui n'a pas de langage oral. Et pourtant, il n'y a aucun rapport, entre le phénotype jusqu'à l'âge de 4 ans et le niveau d'intelligence, et le niveau qui sera atteint à l'âge adulte. Donc, quand vous cherchez les corrélations, entre l'intelligence — qu'elle soit exprimée par Raven ou par le Wechsler —et le score ADI-R, qui mesure à quel point la personne est autiste.

Lorsque vous tendez vers 30 ou que vous êtes sur un score de 30, c'est un "surautiste", c'est-à-dire quelqu'un qui a tous les signes cotés au maximum à l'ADI-R; il n'y a aucune corrélation entre l'intelligence et le niveau d'autisme, il faut donc définitivement sauter la notion d'autisme sévère. Il faut remplacer «sévérité» par «prototypicalité». Plus vous êtes prototypique, plus vous avez de chances que tout le monde sur Terre appelle ça un autiste. Donc quand vous avez un tableau autistique très, très, marqué, cela ne veut pas dire que vous êtes plus déficient pour autant. Et l'on a exactement le même résultat, non pas avec la prototypicalité, mais avec l'âge de début du langage.»

Comme le mentionne le docteur Mottron, il n'y a aucune corrélation entre le résultat aux tests d'intelligence, l'utilisation du langage oral et le score «autiste» atteint dans la passation de l'ADI-R.

Cette évaluation permet d'identifier si des traits autistiques sont ou étaient présents dans l'enfance, mais tient également compte de la situation clinique actuelle de la personne. Des notes entre 0 et 3 sont attribuées aux comportements et permettent de définir la présence et l'intensité des troubles autistiques. Ce qui explique que certaines personnes avec un score ADI-R très élevé ne cadrent pas dans les «stéréotypes» visibles de l'autisme. C'est pourquoi le docteur Mottron plaide pour l'utilisation du terme «prototypicalité» pour définir l'autisme le plus stéréotypé et visible.

Par ailleurs, rappelons que le mouvement de la neurodiversité s'oppose aux idéologies hiérarchisant les êtres humains entre eux et s'oppose aux qualificatifs discriminants tels que «déficient», «incapable», «insuffisant».

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