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Analyse: les manigances libérales derrière les élections en septembre

S'accrochant désespérément à son poste, Jean Charest voit en une campagne estivale son unique chance de réélection. En effet, un faible taux de participation et une forte division du vote francophone permettraient au PLQ d'être réélu nonobstant son taux d'insatisfaction avoisinant les 70 %.
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Même si le Parti libéral du Québec se garde de le confirmer, il ne fait maintenant plus aucun doute que nous serons conviés aux urnes au début du mois de septembre. S'accrochant désespérément à son poste, Jean Charest voit en une campagne estivale son unique chance de réélection. En effet, un faible taux de participation et une forte division du vote francophone permettraient au PLQ d'être réélu nonobstant son taux d'insatisfaction avoisinant les 70 %. Comme me l'avait confié un ancien député libéral en février dernier, le plan initial du gouvernement était vraisemblablement de déclencher les élections dès le dépôt du budget. Les élections étaient donc envisagées pour le mois de mai avec le Plan Nord comme fer de lance de la stratégie libérale.

Les sondages et la grève étudiante ont apparemment refroidi les ardeurs des Libéraux alors que le Plan Nord n'a pas suscité l'effet escompté pour ce gouvernement usé par neuf années de pouvoir. Le développement du nord est aujourd'hui plutôt perçu par de nombreux Québécois comme étant une combine visant à déposséder les Québécois de leurs ressources naturelles, le tout sous l'œil complice de l'État qui paiera la construction de routes et offrira des tarifs hydroélectriques tout sauf rentables. Bref, le Plan Nord s'est avéré être un pétard mouillé qui ne saurait suffire à reporter les Libéraux au pouvoir.

Diviser pour régner

Heureusement pour le PLQ, la crise étudiante a permis au gouvernement de détourner l'attention de ses nombreux manquements à l'éthique et des soupçons de corruption qui pèsent contre lui tout en polarisant la population à un niveau inégalé depuis le référendum de 1995. Jean Charest, habile politicien, n'a pas raté l'occasion de diviser la population en associant la grève étudiante à la violence, piégeant ainsi Pauline Marois qui avait décidé d'appuyer les étudiants, croyant probablement que le gouvernement reculerait rapidement comme tant d'autres fois auparavant.

Charest, jouant la carte du « moins pire », a modifié son plan de match afin de maintenir le conflit étudiant à l'agenda tout en accentuant la polarisation des opinions. Sa fameuse déclaration où il affirmait que les étudiants ne verraient aucune baisse sur leurs factures dès l'annonce de la première entente avec les associations étudiantes visait à s'assurer que les étudiants voteraient contre celle-ci, lui permettant ensuite de condamner la soi-disant mauvaise foi des étudiants. Il semble d'ailleurs que cette stratégie lui ait bien servi puisque cette crise, qu'il a pourtant créée de toutes pièces (après l'expérience de 2005, Jean Charest savait pertinemment qu'une hausse de 75 % des droits allait être suivie par une grève générale d'une ampleur inégalée), lui a permis de remonter à 33 % d'appuis dans les sondages, ce qui lui permet d'espérer une réélection moyennant une forte division du vote francophone.

Il jouera donc à fond la carte de la division, en accusant notamment le PQ de radicalisme (ici, rien de nouveau : il le fait à chaque élection) et d'être responsable de la dégradation du climat social. Il faut donc s'attendre à un tir concentré sur le Parti québécois afin de lui faire perdre des appuis au profit de la CAQ et de QS. Avec plus de 40 circonscriptions assurées pour les libéraux (dont plus d'une trentaine uniquement sur l'île de Montréal et à Laval), le PLQ n'a besoin que de se faufiler dans une dizaine de comtés afin de former un gouvernement minoritaire.

Pourquoi des élections en début septembre?

La réponse est simplement parce que la commission Charbonneau reprendra ses audiences à la mi-septembre. Celle-ci pourrait bien être au PLQ ce que la commission Gomery a été pour le PLC. Avec les nombreux scandales, manquements à l'éthique et la proximité avec des entrepreneurs aux agissements douteux, nous pouvons facilement présumer que Jean Charest a un placard bien garni en squelettes. Comme les audiences de la commission Charbonneau reprendront le 17 septembre, Charest n'a d'autres choix que de déclencher les élections en début septembre. Il faut dire que ceci l'avantage: puisque les électeurs seront en vacances durant la campagne, ceux-ci tiendront peu compte des promesses électorales et de nombreux électeurs n'iront simplement pas voter dans la mesure où le cynisme risquera d'être élevé.

Cet absentéisme avantagera le PLQ puisque les groupes ayant le plus faible taux d'absentéisme (allophones, anglophones et personnes âgées) sont généralement les groupes les plus susceptibles de voter libéral. De plus, en empêchant les étudiants de voter à l'intérieur de leur campus et de leurs institutions collégiales, le Parti libéral s'assure que de nombreux jeunes seront dans l'impossibilité de voter (considérant qu'ils seront en plein milieu d'une intensive session compressée, souvent loin de leur circonscription). Et puisque les citoyens ne porteront pas attention à la campagne des partis, ils risquent davantage de voter en fonction d'impressions somme toute superficielles, donnant ainsi raison au PLQ de s'attaquer à l'image de la chef du PQ plutôt qu'à ses idées.

Le rôle de la loi 78

De plus, il faut se souvenir de la fameuse loi 78. François Legault se demandait pourquoi la loi repoussait la rentrée en classe jusqu'au mois d'août. Il a aujourd'hui sa réponse ; le gouvernement voulait s'assurer que la crise serait encore vivante lors de la campagne électorale. En exigeant la rentrée en classe au mois d'août, Charest se mettra dans une position très avantageuse où les deux scénarios envisageables l'avantageront. Soit les étudiants rentrent docilement en classe, ce qui permettra au PLQ d'affirmer qu'il avait raison d'adopter la ligne dure et qu'il a réglé le conflit, soit les étudiants continueront de manifester, ce qui permettra à Jean Charest de capitaliser sur les débordements afin de dépeindre Pauline Marois comme étant l'ultime responsable par son appui aux « casseurs ».

Là encore, toute la clé de la réélection du PLQ tiendra en sa capacité à diviser le vote francophone et à faire passer son parti pour le « moins pire ». À défaut de connecter avec les Québécois, il tentera plutôt de les déconnecter des autres partis. Charest n'aura besoin que d'environ 25 % d'appuis chez les francophones pour former à nouveau le gouvernement alors que les autres partis auront plutôt besoin d'environ 40 % du vote francophone. À moins d'une remontée de la Coalition Avenir Québec dans les sondages, le parti de François Legault risque d'être peu visé par les attaques libérales dans la mesure où Jean Charest ne peut espérer une victoire que si la CAQ et QS arrachent suffisamment de votes au PQ. La cible du Parti libéral sera donc le Parti québécois.

Indépendamment des apparences, le Parti libéral se place dans une position avantageuse compte tenu des circonstances et a de bonnes chances d'être réélu. Le PQ peut espérer gagner l'élection à deux conditions : faire une campagne positive (une campagne négative ne ferait qu'augmenter le cynisme, et donc l'absentéisme, ce qui favoriserait le PLQ) et donner un maximum de visibilité aux candidats vedettes. Avec une faible cote de popularité, il serait suicidaire pour Pauline Marois de monopoliser le temps de scène. Elle aurait avantage à mettre ses candidats sous les projecteurs aussi souvent que possible, ce qui du coup contrecarrerait la campagne de salissage que compte faire le PLQ.

Dépersonnaliser la campagne tout en faisant des propositions qui attireront les Québécois vers les urnes, voilà la seule voie victorieuse pour le PQ. La CAQ devrait, de son côté, faire des propositions claires et simples qui rejoindront l'ensemble des électeurs québécois plutôt qu'axer son discours sur la gestion. En misant sur l'éducation comme thème central pour sa campagne électorale, François Legault mise sur un sujet qui ne rejoint que moins de 10 % des électeurs (électeurs qu'il s'est de toute manière mis à dos en appuyant la hausse des frais de scolarité et la loi spéciale). Il devra donc faire beaucoup mieux afin de percer le mur de l'indifférence qui caractérisera inévitablement cette campagne estivale. Les électeurs doivent s'attendre à une campagne libérale de dénigrement où la rhétorique sera favorisée, à défaut d'avoir quelque chose à proposer aux Québécois. Bref, profitez du soleil, l'été risque de s'assombrir!

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