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Les assassins étaient-ils des musulmans ou des fous?

Pourquoi se permet-on de «débaptiser» ces musulmans qui s'autoproclament tels et s'en glorifient? Je vois deux raisons à cette cécité.
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Lors d'une toute récente réunion de section locale de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), nous avons bien sûr évoqué les meurtres de la semaine écoulée, en nous concentrant d'ailleurs seulement sur ceux des journalistes de Charlie Hebdo. On a évoqué le risque d'amalgame avec tous « les musulmans » et de l'islamophobie qui peut encore s'aggraver. On s'est bien sûr demandé si les assassins étaient des musulmans ou des fous. Drôle de question, à laquelle on a très vite répondu de manière simple et même simpliste: c'était des fous, pas des musulmans. Plus tard un autre d'entre nous a dit aussi, en oubliant au passage les morts réels: les premières victimes de ces fous-là, ce sont des musulmans... et de compter les 2000 morts de Boko Haram dans la même semaine, et de qualifier leurs assassins de « fous ».

Tiens donc, quand ils sont victimes, ce sont des musulmans; et quand ils sont des assassins, ce sont des fous? A-t-on dit de Baruch Goldstein, qui a tué 29 Palestiniens dans le caveau des Patriarches à Hébron, que c'était un fou? Non, on a parlé d'un juif extrémiste, intégriste et nationaliste. Et on avait raison. A-t-on dit que l'assassin d'Itzhak Rabin était un fou? Non, on y a vu la main de l'intégrisme juif fanatisé, armé par les discours de rabbins qui traitaient Rabin de « nazi »! Et on avait raison: les mots tuent aussi. Cela me rappelle aussi les usages trop courants des termes « sionistes » et « Juifs »: seuls les premiers sont des oppresseurs, alors que les Juifs ne peuvent pas l'être, n'est-ce pas?

Pourquoi se refuse-t-on ainsi à accepter la responsabilité personnelle et collective de musulmans longuement formés à la haine et au maniement des armes par d'autres musulmans fanatisés? Pourquoi se permet-on de « débaptiser » ces musulmans qui s'autoproclament tels et s'en glorifient? Je vois deux raisons à cette cécité.

D'abord on a peur de l'amalgame avec d'autres musulmans. Je crains et je dénonce moi aussi ces amalgames possibles. Mais est-ce que s'aveugler sur la violence d'autres musulmans permet d'éviter ces amalgames? Non, au contraire! Si on ne « travaille » pas sur la responsabilité des uns et les amalgames contre les autres, alors beaucoup de gens vont nous dire: « Hé! Tu veux me faire croire quoi, là? »

Heureusement, sans que j'aie « sommé » qui que ce soit, certains musulmans de France et d'ailleurs ont dit « Pas en mon nom ». Certains s'interrogent sur ce qui a pu donner « ça », cette horreur, dans leur religion ou dans leur manière de la transmettre, ou dans leur histoire ancienne et récente. De la même manière que nous à la LDH, sans qu'on nous ait demandé quoi que ce soit, nous nous sommes interrogés sur les responsabilités de la société française à fabriquer des jeunes fanatisés. Cela m'amène à ma deuxième raison.

On confond l'explication sociologique, psychologique ou politique, avec le jugement en raison. Par cette confusion des deux ordres (l'explication, l'attribution de responsabilité), on excuse en même temps qu'on condamne. On refuse à ces assassins la responsabilité de leurs meurtres, et à leurs commanditaires la responsabilité de leur haine. On partage alors avec eux la responsabilité de la confusion des esprits et des cœurs, celle qui mène à diviser l'humanité en deux, les bons (ceux qui sont toujours victimes) et les méchants (ceux qui se lèvent contre les éternels oppresseurs), et à décréter la haine mortelle contre ces derniers.

Cette question trop vite et trop simplement posée et répondue en même temps (les assassins étaient-ils des musulmans ou des fous ?) est lourde de bons sentiments, mais aussi de contorsions de la raison, qui vont voir nos bons sentiments littéralement se dissoudre devant le réel que d'autres feront resurgir, à coup d'amalgames justement! C'est pour éviter ces amalgames que nous devons être plus clairvoyants.

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