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Enseignants: des professionnels muselés et négligés

Plusieurs pédagogues québécois détiennent un diplôme universitaire d'études supérieures, ont beaucoup voyagé, et sont bilingues ou polyglottes. Malheureusement, nombre d'entre eux se sentent infantilisés et dévalorisés.
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Les intervenants dans le réseau scolaire n'en dérougissent plus. Certains ressentent la honte, d'autres songent à abandonner, nombreux sont épuisés, quelques-uns s'accrochent et plusieurs luttent toujours. J'ignore dans quel état nous serons tous au lendemain des présentes négociations. Cependant, plusieurs aspects m'agacent dans les présentes discussions.

Tout d'abord, quel est le poids du ministre de l'Éducation au sein du gouvernement? Je déplore le mutisme du principal leader en éducation au Québec. Sa soumission devant le président du Conseil du trésor le place en porte à faux avec ses valeurs intellectuelles telles qu'il les a défendues dans sa thèse de doctorat.

Ensuite, il y a la sacro-sainte «capacité de payer» des contribuables. Ce leitmotiv qu'emploie M. Coiteux à toutes les sauces, comme une échappatoire, n'a aucune valeur. Les employés de l'État représentent une forte part de la classe moyenne. Or, hausser leurs revenus, à la mesure du coût de la vie et de l'inflation, assurera à l'État un moyen pour maintenir son activité économique. À l'opposé, appauvrir les employés de l'État restreindra leurs habitudes de consommation, accroîtra leur taux d'endettement, ou relancera le travail au noir. D'une manière ou d'une autre, cela minera l'économie tout entière.

Bien entendu la précarité des finances publiques demeure omniprésente. Cependant, cette problématique est imputable à une mauvaise gestion, aux scandales dans le milieu de la construction, aux généreuses indemnités de départ, etc. Pour remédier à ce problème, il serait juste de tolérer encore des déficits. Ceux-ci pourraient être épongés en bonifiant les ressources dans la lutte à la corruption et à l'évasion fiscale plutôt qu'en sabrant en éducation, en minant le principe d'égalité des chances et en hypothéquant l'avenir des jeunes et celui du Québec.

Puis, comme d'autres secteurs, l'éducation est suradministrée. Cela rend la coordination des activités lente et difficile. Plus de 50 ans après la Révolution tranquille, le Québec serait mûr pour actualiser l'organisation du travail dans le réseau scolaire. Afin d'y parvenir, il aurait besoin d'un leader fort qui aurait les coudées franches et rallierait une équipe capable d'ancrer un réel esprit de coopération. Tel était M. Paul-Gérin Lajoie en 1960 au sein de l'équipe de M. Jean Lesage. La nomination de M. François Blais au printemps m'avait rempli d'espoir. Aujourd'hui, je m'interroge certes à l'égard du mandat et des pouvoirs que lui accorde le premier ministre, et la sincérité de ce dernier quand il parle d'éducation...

Le PLQ est-il encore capable de donner au Québec des leaders tels que Jean Lesage, Robert Bourassa et des intellectuelles de la trempe de Claude Ryan?

Pis encore, il y a, chez nous, un flagrant manque de reconnaissance socioprofessionnelle à l'égard des pédagogues. Tous envient les profs pendant l'été. Par contre, nombreux ignorent la réalité d'un grand nombre d'entre eux pendant la saison estivale, et peu accepteraient de prendre leur place en septembre!

Au Québec, l'éducation passe après l'économie et la santé, puis les profs passent loin derrière les policiers et les travailleurs de la construction! Ces derniers disposent d'un pouvoir d'achat supérieur et profitent d'une couverture plus généreuse en avantages sociaux. Ainsi, les enseignants n'obtiennent aucune couverture en soins dentaires ou visuels. Si des lunettes sont suffisamment importantes pour les policiers et les travailleurs de la construction, ne le sont-elles pas autant pour des profs?

Qui plus est, pour pallier au manque de ressources adéquates dans leur classe, les enseignants déboursent de leur poche l'argent nécessaire pour acheter des récompenses, du matériel scolaire, voire même des ordinateurs et des logiciels informatiques! Comme des travailleurs autonomes, ils défraient eux-mêmes leurs outils de travail. Toutefois, ils ne profitent d'aucun allègement fiscal en retour. Pourquoi ne mériteraient-ils pas d'avoir des déductions d'impôts? Ils tiennent les écoles à bout de bras...

Voilà, on manque de vision à la table de négociation et les présentes discussions vivotent.

Pendant ce temps, notre démographie, les technologies et la recherche nous entraînent à évoluer. Il serait donc nécessaire que des choses changent. En 2015, plusieurs pédagogues québécois détiennent un diplôme universitaire d'études supérieures, ont beaucoup voyagé, et sont bilingues ou polyglottes. Malheureusement, nombre d'entre eux se sentent infantilisés et dévalorisés dans leurs milieux. Malgré cela, ils demeurent les acteurs clés de la réussite des jeunes. Ils exercent une influence déterminante. Plusieurs le reconnaissent, mais peu d'actions à leur égard le témoignent, pourtant des recherches soutiennent qu'il existe un «effet enseignant»!

Enfin, pour l'avenir du Québec, le gouvernement gagnerait à octroyer quelques avantages, puis davantage de pouvoirs et d'autonomie aux enseignants, pour qu'ils puissent prendre en mains leur pratique et, surtout, maintenir leur motivation professionnelle.

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