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Si rien n'est fait, il y aura sans doute d'autres dérapages

Ce clivage linguistique est la résultante de la mise en concurrence progressive de deux communautés linguistiques et culturelles dans la région de Montréal. En effet, après l'échec référendaire s'est opérée une mise en concurrence entre les deux groupes linguistiques francophones et anglophones. Depuis le discours de Lucien Bouchard au Centaur, mais particulièrement depuis le règne de Jean Charest en 2003, la communauté anglophone est en pleine expansion dans la région de Montréal et recrute constamment de nouveaux membres venant du Canada, des Etats-Unis et de l'immigration internationale.
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Le geste du désaxé de mardi dernier contre le Parti québécois n'est pas un geste anodin et ce genre d'incident malheureux est appelé à se reproduire, si rien n'est fait pour enrayer le problème qui en est la source. Certains voudraient faire croire qu'il ne s'agit que d'un geste de folie, un simple fait divers auquel on ne doit pas accorder trop d'attention. En somme, tout irait très bien Madame la Marquise! Or il n'en est rien et ce geste est symptomatique du clivage linguistique de plus en plus profond qui se creuse présentement au Québec. Les paroles proférées par cet énergumène (‹‹Les Anglais se réveillent!››) suffisent pour faire voir que la dimension linguistique sous-tend le geste qu'il a posé. De même, on n'a qu'à lire les propos haineux qui pullulent sur les sites internet et les médias sociaux de plusieurs médias anglophones vis-à-vis Pauline Marois, le PQ et les Québécois en général pour se persuader qu'il y a un problème criant. À lire certains messages, il y a des criminels potentiels un peu partout. Bien sûr, ce ne sont qu'une infime minorité de personnes manquant de jugeotte. Mais ça dénote tout de même un problème.

Du côté francophone, on peut percevoir l'anxiété de plusieurs, dont l'auteur de ces lignes, vis-à-vis l'état lamentable du français dans la région de Montréal et la forte progression de l'anglais depuis quelques années. Il y a fort à parier que si rien n'est fait pour rassurer leurs inquiétudes légitimes, ce sont certains francophones qui tomberont dans le radicalisme sous peu, ce qui serait fort regrettable et néfaste pour leur cause.

Ce clivage linguistique est la résultante de la mise en concurrence progressive de deux communautés linguistiques et culturelles dans la région de Montréal. En effet, après l'échec référendaire s'est opérée une mise en concurrence entre les deux groupes linguistiques francophones et anglophones. Depuis le discours de Lucien Bouchard au Centaur, mais particulièrement depuis le règne de Jean Charest en 2003, la communauté anglophone est en pleine expansion dans la région de Montréal et recrute constamment de nouveaux membres venant du Canada, des Etats-Unis et de l'immigration internationale. Cette communauté - grâce au fait que le Québec fait toujours partie du Canada, grâce à près de dix ans de laisser-faire de la part du gouvernement Charest, grâce à l'amputation progressive de la Charte de la langue française par la Cour suprême du Canada, grâce à l'appui monétaire d'Ottawa et grâce à ses puissantes institutions montréalaises issues du colonialisme britannique - s'accapare sans cesse de nouveaux membres et réussit à bilinguiser tranquillement les services et l'image de Montréal et du Québec.

Cette mise en concurrence des deux communautés linguistiques et culturelles et la fin du consensus linguistique a été favorisée par ce que l'historien Éric Bédard a appelé ‹‹la trudeauisation des esprits››. On assiste à une bilinguisation accrue des services, des événements et de l'image en général du Québec. Depuis 2009, certains tentent de faire de la Fête nationale une fête bilingue, alors qu'elle a toujours été identifiée à l'identité francophone du Québec. Des groupes comme le Quebec Community Groups Network, fortement subventionnés par Patrimoine Canada, œuvrent afin de bilinguiser les services sociaux et les événements culturels dans la région de Montréal et ailleurs au Québec. L'acceptation de la part du gouvernement Charest du jugement de la Cour suprême qui a autorisé les écoles passerelles favorise la mise en concurrence des réseaux scolaires francophone et anglophone sur l'île de Montréal. Quant à la concurrence entre les cégeps anglophones et francophones, des études récentes démontrent l'impact plus que négatif que celle-ci engendre sur la vitalité du français au Québec.

Cette mise en concurrence en est venue à briser le fragile équilibre linguistique qui prévalait au Québec depuis les années 70 et qui reconnaissait le statut unilingue francophone du Québec. Lorsque le gouvernement de René Lévesque a adopté la Charte de la langue française en 1977, les anglophones qui ont succombé à la peur ou qui ne voulaient pas vivre dans une société francophone ont pris le large pour l'Ontario. Ceux qui sont restés ont accepté ou se sont résignés à vivre dans un Québec unilingue francophone, d'autant plus que les francophones de cette époque étaient plutôt revendicatifs en ce qui a trait à la protection et la promotion de leur langue collective. Mais l'échec référendaire et la morosité collective des Québécois qui s'en est suivie a favorisé un retour en arrière et une canadianisation du Québec.

Donc, depuis quelques années, la réalité montréalaise est celle-ci : d'une part, il y a la communauté linguistique francophone qui forme la majorité au Québec, mais une fragile minorité en Amérique du Nord. Ce groupe décline sans cesse sur l'île de Montréal et, bien conscient de sa précarité, ne peut accepter l'anglicisation croissante et la bilinguisation de la métropole du Québec, sachant très bien que ceci entraînera sa louisianisation. La mise en concurrence des deux groupes linguistiques au Québec, dans notre contexte nord-américain, ne peut se faire qu'au bénéfice de la communauté anglophone. D'autre part, il y a une communauté anglophone en pleine expansion, qui forme une minorité au Québec mais une majorité en Amérique du Nord, qui vit comme au Canada ou aux États-Unis au milieu d'une société francophone qu'elle méconnaît, méconnaissance savamment entretenue par les médias anglophones qui dépeignent les Québécois comme des xénophobes, sectaires et des racistes.

Le laisser-faire du gouvernement Charest, la bilinguisation des services du gouvernement du Québec, l'autorisation des écoles passerelles, l'anglicisation du monde du travail par les exemptions de la Charte de la langue française sont tous des facteurs qui font en sorte que les nouveaux venus anglophones se croient dans une société bilingue, alors que les francophones considèrent la langue française comme la seule et unique langue officielle et commune de tous les Québécois. Il y a donc deux conceptions différentes qui s'affrontent de plus en plus et l'une des deux devra céder. D'ici là, il pourrait survenir d'importants dérapages.

L'urgence d'agir

On ne peut donc laisser la situation perdurer et laisser les deux groupes linguistiques en concurrence, comme c'est le cas actuellement et depuis quelques années. Les utopies néolibérales-trudeauistes de s'en remettre aux droits individuels et aux tribunaux ont assez fait de dommages pour qu'on les mette de côté et qu'on s'entende sur des normes collectives qui seront à l'abri de l'arbitraire de juges souvent unilingues anglophones nommés par le premier ministre du Canada. Nous devons mettre un frein au gouvernement des juges pour reprendre nos droits politiques.

Ainsi, à moins que les francophones décident de se donner un pays rapidement - ce qui ne semble pas être le cas à l'aulne du dernier scrutin - ou à moins qu'ils renoncent à leur pérennité culturelle et linguistique - ce qui semble également loin d'être le cas - nous devons convenir d'une politique à adopter pour éviter des débordements comme ceux survenus mardi dernier. Le constat de l'historien Maurice Séguin sur l'ambivalence des Québécois est plus que jamais perceptible et une des causes principales du problème.

Il faut que la situation linguistique du Québec soit claire pour tous. En ce sens, un renforcement substantiel de la loi 101 apparaît indispensable afin de faire en sorte que de plus en plus de gens venant d'ailleurs se joignent à la majorité francophone du Québec. Nous devons réaffirmer le caractère unilingue français du Québec et, tout en reconnaissant les droits des membres de la communauté anglophone, stopper la croissance de celle-ci. Nous devons également revoir le financement des institutions anglophones alors que le gouvernement du Québec les finance selon un pourcentage plus élevé que la proportion d'anglophones.

À défaut d'être reconnu internationalement comme un pays francophone, une loi 101 renforcée enverra un message clair à ceux qui lorgnent de venir s'établir ici que s'ils veulent le faire, ils font le choix de se joindre à une société francophone. En somme, il s'agit de mettre fin à la concurrence entre les deux groupes linguistiques et culturels pour faire en sorte qu'à l'exception de la minorité historique anglophone, tous les Québécois vivent, travaillent et étudient en français au Québec du primaire au collégial.

Ensuite, pour éviter des débordements comme ceux de mardi dernier, nous ne devons plus tolérer les discours haineux envers les souverainistes et les Québécois en général. En ce sens, les médias anglophones de Montréal et du Canada doivent cesser de dépeindre les souverainistes, les péquistes et les Québécois en général comme des sectaires, xénophobes et racistes. L'affirmation identitaire actuelle des Québécois, résultant des reculs du français depuis quelques années, ne se fait pas CONTRE les anglophones, mais POUR ce qu'ils sont et POUR préserver leur identité francophone. Les médias anglophones et autres columnists doivent cesser de vouloir garder les anglophones fermés sur le Québec en entretenant la haine, la peur et le mépris chez ceux-ci. Si l'illuminé en question n'était peut-être pas influencé par ces médias, les discours haineux qu'ils véhiculent contre les Québécois et les souverainistes dans leurs pages n'en sont pas moins de nature à susciter ce genre de comportement disgracieux chez des gens dépourvus de discernement.

Il faut que la communauté anglophone accepte qu'elle vit au sein d'une société francophone. Cette société originale et particulière est la seule société francophone de toute l'Amérique du Nord. En ce sens, la langue française doit constituer notre langue commune pour ‹‹faire société›› ensemble. Bien que ce soit déjà le cas chez beaucoup d'anglophones, il faut que l'ensemble de cette communauté accepte et comprenne que pour préserver une culture originale et francophone en Amérique du Nord, il faut des lois qui protègent cette culture. Maints États de par le monde disposent de lois et d'aménagements linguistiques particuliers. Le Québec n'est pas une exception à cet égard. Le reste de l'Amérique du Nord est unilingue anglophone, est-ce trop demander que de conserver le caractère unilingue français du Québec?

Ultimement, l'idéal serait que les Québécois se dotent d'un pays souverain. Ce pays francophone, en étant libéré du gouvernement des juges de la Cour suprême du Canada, dissiperait toute ambiguïté sur le statut linguistique du Québec. Entre-temps, la dynamique post-référendaire a engendré une mise en concurrence entre deux groupes linguistiques et culturels aux aspirations différentes au sein du Québec. Il faut que les politiciens qui nous représentent rompent avec le laisser-faire qui a caractérisé le règne libéral et qu'ils agissent et légifèrent pour ne pas que le clivage linguistique se creusent davantage et laisse place à des dérapages malheureux. Il serait irresponsable de ne pas agir.

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