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Un «produit» éducatif bon marché

Dans la logique strictement comptable des Libéraux, l'étudiant est un «consommateur» et le professeur est un guichet automatique de «compétences».
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Pour le bon Dr Barrette, notre illustre ministre de la Santé, l'éducation est un produit qui ne vaut pas cher. Il suffit de comparer les chiffres pour s'en convaincre.

Pour commencer, M. Barrette a reçu une indemnité de départ de 1,2 millions lorsqu'il a quitté la présidence de la Fédération des médecins spécialistes du Québec pour faire de la politique. Grâce aux bons services du Dr. Barrette, les médecins spécialistes vont recevoir entre 2008 et 2018 une augmentation de salaire de 67%.

Le Rapport l'Heureux-Dubé, qui est appuyé par les Libéraux et les péquistes, propose une augmentation immédiate de 11,3% du salaire des députés de l'Assemblée nationale. Si l'on compte les bénéfices marginaux, leur salaire passerait donc de 88 000$ à 121 285$ par année. En comparaison, un député ontarien gagne 116 550$ par année. De leur côté, les députés fédéraux se sont voté une augmentation de salaire de 2,2% en 2014, ils ont maintenant un salaire de 163 700$. Les sénateurs ont aussi reçu une augmentation de 2,58% en 2014, majorant ainsi leur salaire annuel à 138 700$. Au Nouveau-Brunswick, le premier ministre Brian Gallant s'est imposé une réduction de 15% sur son propre salaire et une réduction de 10% sur le salaire de ses ministres, et il ne prévoit pas augmenter le salaire des députés de 85 000$ dans la prochaine année parce qu'il veut donner l'exemple.

Un professeur au primaire et au secondaire gagne environ entre 30 000$ et 70 000$ selon le nombre d'années d'expérience et de scolarité accumulées. Pour les profs de Cégep, c'est environ entre 40 000$ et 80 000$ par année. Les syndicats des enseignants demandent une augmentation de 13% sur trois ans, le gouvernement Couillard propose une augmentation de 3% sur 5 ans avec un gel salarial dans les deux premières années. Comme vous pouvez le constater, l'éducation est un «produit» qui ne vaut pas cher aux yeux du Gouvernement du Québec.

Dans la logique strictement comptable des Libéraux, l'étudiant est un «consommateur» et le professeur est un guichet automatique de «compétences». Le rapport entre l'enseignant et l'élève est ainsi déshumanisé au profit de la productivité et du «rendement» de chaque école que l'on classe dans des palmarès. Mais ce qui fait le plus mal aux profs dans les offres du gouvernement, ce n'est pas tellement une offre salariale grotesque, c'est plutôt le manque de reconnaissance du bénévolat qu'un prof va très souvent faire pour ses étudiants chaque semaine. En effet, l'enseignement est une vocation et un bon prof ne compte pas ses heures. Tous les profs vous le diront, on travaille souvent les soirs et les fins de semaine à corriger les travaux, répondre aux courriels des étudiants et à préparer nos cours. Certains profs de Cégep font aussi de la recherche et sont des auteurs prolifiques. Nous avons la passion de notre métier, c'est pour cela que l'on ne compte pas les heures, on ne veut pas une médaille ou des salaires faramineux, on veut juste un peu plus de respect et de reconnaissance sociale pour notre métier de la part de la société québécoise.

Les «changements structurels» que veut nous imposer le gouvernement Couillard sont la goutte qui fait déborder le vase. Ainsi, la réduction draconienne des services administratifs et pédagogiques aux élèves aura un impact majeur sur l'augmentation de la tâche des profs qui devront dorénavant prendre le relais pour faire un travail pour lequel ils ne sont pas qualifiés. Nous aurons droit aussi à une réduction majeure des budgets consacrés à la formation professionnelle des enseignants, ce qui aura un impact direct sur la qualité de l'éducation car la capacité de renouvellement professionnel des enseignants sera réduite à néant. Sans parler de l'augmentation prévue du nombre d'élèves par classes, alors que plusieurs études montrent que la réussite scolaire est associée de près au temps disponible qu'un prof peut consacrer à ses élèves.

La grève des enseignants du primaire, du secondaire et des cégeps qui s'annonce à l'automne prochain sera donc amplement justifiée si le gouvernement Couillard persiste à traiter les enseignants comme une main-d'œuvre bon marché qui doit faire du bénévolat et à considérer l'éducation comme un «produit» de consommation jetable.

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