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Nous assistons à la fin d'un pays, celui dont ma génération a longuement rêvé. Le pays de PKP et du PQ actuel n'est pas le mien. Plus généralement, je constate que le conservatisme et le populisme sont maintenant bien installés au Québec.
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Pierre Karl Péladeau pense que les immigrants sont responsables de la baisse de popularité de l'option souverainiste au Québec, c'est plutôt la lente dérive du Parti québécois de la gauche social-démocrate à la droite populiste qui en est responsable. Plus généralement, cela marque le virage conservateur du Québec.

Le Parti québécois que j'ai connu dans les années 70, celui de René Lévesque, était un parti social-démocrate avec un projet de société enthousiasmant et bien défini. Même Jacques Parizeau, à l'époque, pouvait faire de brillantes démonstrations de l'efficacité d'un modèle économique social-démocrate à la suédoise. La Suède représentait, et représente toujours, un modèle économique et social engageant pour le futur pays que nous proposaient les péquistes de l'époque. C'est-à-dire un pays où les impôts sont élevés, mais qui en contrepartie possède un vaste réseau d'infrastructure de qualité et des services à la population comme nulle part ailleurs. Les syndicats et les travailleurs en général étaient tous derrière le PQ à l'époque principalement pour ces raisons. Un nouveau pays à créer avec de nouvelles valeurs plus humaines. Comme bien d'autres de ma génération, j'y croyais. Et nous sommes passés bien proche d'y arriver.

En 1980 et 1995, j'ai voté oui pour ce pays. Un pays différent de celui du Canada au niveau de ses valeurs fondamentales. Du moins, je le pensais. Le soir du référendum de 1995, j'étais au spectacle des Colocs avec une amie, nous avons regardé pendant toute la soirée notre rêve nous glisser entre les doigts. Lorsque Jacques Parizeau a exprimé sa frustration ce soir-là envers le «vote ethnique», nous étions incrédules. Je me souviens alors d'avoir éprouvé un grand découragement de voir ainsi le mouvement souverainiste québécois régresser alors vers une forme de nationalisme ethnique. J'ai pensé alors au poète et député du PQ Gérald Godin qui avait, pendant de nombreuses années, travaillé au rapprochement des communautés et qui avait réussi à se faire élire à de nombreuses reprises dans une circonscription plutôt «ethnique» et j'enrageais de voir tous ces efforts volés en éclats sous la charge tonitruante de Parizeau.

Par la suite, j'ai vu le PQ, sous la gouverne «lucide» du conservateur Lucien Bouchard, devenir un parti souverainiste de centre-droite anti-syndicaliste. Le point tournant fut sans doute la grève des infirmières en 1999 qui s'était terminé par un décret du gouvernement Bouchard forçant des milliers d'infirmières à partir à la retraite provoquant quelques années plus tard une pénurie d'infirmières! L'austérité aveugle et ses désastres sociaux ne datent pas d'hier et ne sont pas des inventions du Parti Libéral du Québec non plus.

Au début des années 2000, nous avons assisté au développement d'un nouveau mouvement nationaliste conservateur (dixit Jean-Marc Piotte) qui, progressivement, s'est imposé autant au PQ que dans le mouvement souverainiste en général. De jeunes intellectuels nationalistes conservateurs, comme Mathieu Bock-Côté et Stéphane Kelly, remettent en question les valeurs plutôt à gauche du modèle québécois issu de la Révolution tranquille et reprochent au mouvement souverainiste de l'époque d'être resté trop attaché aux acquis de cette dernière. Le mentor de MBC, le professeur Jacques Beauchemin, développe en parallèle sa sociologie de l'identité. Il deviendra par la suite sous-ministre dans l'éphémère gouvernement de Pauline Marois et l'un des principaux penseurs de la stratégie identitaire du PQ aux élections de 2014.

Aux élections de 2014, la stratégie identitaire s'est déployée autour du débat sur la Charte des valeurs de Bernard Drainville. Cette charte a formalisé l'éloignement entre le PQ et les minorités ethniques d'une manière plutôt définitive, en plus de s'aliéner une bonne partie de l'électorat québécois souverainiste. Récemment, un jeune sociologue péquiste qui a été candidat aux élections de 2014 m'a candidement avoué que «la fin justifie les moyens». Il ajoute qu'aujourd'hui le PQ vise essentiellement les «familles moyennes du 450 qui votent pour la CAQ» en adoptant un discours populiste de centre-droite.

Le prochain chef du PQ sera Pierre Karl Péladeau, le même PKP qui a déclenché un lock-out sauvage de 764 jours au terme duquel 165 des 227 employés du Journal de Montréal ont perdu leur emploi en 2011. On est loin de la social-démocratie de Lévesque et Parizeau. La semaine dernière, on a compris pourquoi PKP tente désespérément de contrôler ses interventions dans les médias depuis le début de la campagne à la chefferie, il n'est vraiment pas un bon communicateur. La suite est encore plus pathétique. Le lendemain de sa bourde, il bafouille de plates excuses pour ensuite envoyer Maka Kotto au bâton en ethnique de service pour justifier sa position.

Nous assistons à la fin d'un pays, celui dont ma génération a longuement rêvé. Le pays de PKP et du PQ actuel n'est pas le mien. Plus généralement, je constate que le conservatisme et le populisme sont maintenant bien installés au Québec.

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