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Chères mamans, voilà pourquoi ça m'intéresse de savoir si vous travaillez

La semaine dernière, une écrivaine a déclaré ne pas vouloir savoir si les autres mamans travaillent ou pas. Moi, ça m'intéresse de savoir si mes copines travaillent ou pas. S'intéresser aux autres ne veut pas forcément dire juger les autres.
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La semaine dernière, dans une tribune très partagée du Huffington Post, une écrivaine a déclaré ne pas vouloir savoir si les autres mamans travaillent ou pas, allaitent ou pas, vaccinent ou pas... partant du principe noble que "ta prochaine tu ne jugeras point".

Même si ça part d'un bon fond, dire "chères mamans, ça ne m'intéresse pas de savoir si vous travaillez", prend à mes oreilles des accents quasi-démagogiques. Sur le fond, justement, que veut-elle dire? Que la "guerre des mères" à laquelle on assiste parfois sur les blogues et les réseaux sociaux n'a que trop duré. Oui, en 2012, je publiais Le Dictionnaire déjanté de la maternité (Michalon) où je défendais justement l'idée qu'une mère ne se range pas dans une case ou dans une "communauté" même si ce mot est à la mode. Je ne disais pas autre chose en discours d'introduction de la dernière journée de l'association et blogue que j'ai fondé, Maman travaille, à la Cité internationale universitaire de Paris. Et c'est même tout le thème de mon roman Pas plus de 4 heures de sommeil (Stock/Livre de poche) dans lequel une mère au foyer et une future mère au travail s'entraident pour évoluer.

Mais cette opposition existe-t-elle encore? La plupart des blogues "mères indignes" (qui ont été clairement salutaires à un moment!) n'existent plus sous cette forme, et ce n'est plus un sujet médiatique. Il semble acquis pour une majorité de personnes civilisées que chaque parent fait ses choix en fonction de ses envies, convictions, et surtout possibilités.

Moi, ça m'intéresse de savoir si mes copines travaillent ou pas. Ce qu'elles ont choisi comme activité pour leurs enfants. Comment elles partagent les tâches ménagères. S'intéresser aux autres ne veut pas forcément dire juger les autres.

Le pire ennemi des jeunes parents, c'est la solitude face à des problèmes existentiels. Le repli sur soi. Si on ne pose plus aucune question aux autres parents de peur qu'ils pensent qu'on les juge ou qu'on s'apprête à leur imposer une façon de voir, à quoi cela mènera?

Personnellement, c'est en parlant de ces sujets que j'ai pris des décisions inattendues, changé d'avis, essayé de nouvelles méthodes d'éducation avec les enfants, me suis organisé différemment. Parce que oui, savoir "comment font les autres", moi ça m'intéresse! C'est même mon moteur. Toutes les missions professionnelles (journaliste, blogueuse, élue...) que j'ai été amenée à exercer sont de formidables prétextes pour parler avec des inconnues. Pas pour les juger ni pour les persuader de faire "comme moi". Mais pour savoir. Pour discuter, pour échanger. "L'humain est un animal social" disait le philosophe...

C'est en parlant avec des mères de bébés que j'ai osé remplir les documents pour prendre un congé parental à un moment où j'en avais le besoin et la possibilité. C'est à force de discussions que j'ai découvert qu'on pouvait accoucher "autrement" qu'en position gynécologique - sans que, jamais, je n'en fasse de prosélytisme.

C'est aussi grâce à d'autres parents que j'ai arrêté de pleurer dans le local à poussettes de la garderie le matin, quand je déposais mon bébé pour aller travailler.

Qu'aurais-je fait si j'avais simplement dit "Ah non je ne veux rien savoir, ça vous regarde"? Je me suis intéressée aux vaccins, aux méthodes éducatives, aux théories nutritives, j'ai poussé un coup de gueule contre les gourous de l'éducation et les jugements à l'emporte pièces dans mon livre Eloge de l'enfant roi.

Je pourrais dresser une longue liste de mes certitudes qui se sont envolées en échangeant avec d'autres mères.

Une même femme n'est jamais deux fois la même mère. Comment aurais-je pu me décider à allaiter longuement un de mes bébés si aucune copine ne s'était dévouée pour partager son expérience? Si je n'avais pas dit que j'allaitais, est-ce que Karine m'aurait conseillée, est-ce que Ségolène m'aurait donné un tire-lait, est-ce que Yaëlle m'aurait envoyé un coussin d'allaitement, est-ce que Lucile m'aurait envoyé sa "liste des trucs à savoir quand on allaite" écrite à la main sur des versos d'enveloppes pour les copines?

Faire tel ou tel choix, selon les circonstances du moment, ne signifie pas que chaque mère de transforme en VRP de son mode de vie, pour reprendre une expression de Marie qui me plaît.

Quand je demande à une autre mère si elle allaite, ce n'est pas pour lui mettre une note!

C'est pour savoir si ça va. Si elle a envie ou besoin d'aide. Ou d'en parler. Ou de ne pas.

Juger les mères est une seconde nature à notre époque. D'après les clichés en vogue, l'allaitante est une fusionnelle hippie, la biberonnante une femme psychorigide et distante, la mère au travail une carriériste sans cœur et la mère au foyer une personne abusive sans vie sociale... Héritage freudien, habitude de téléréalité et des réseaux sociaux d'émettre un avis sur ce que font les autres en direct? Je l'ignore. D'ailleurs, souvenez-vous des commentaires désobligeants à l'époque des live-tweets d'accouchements de femmes qui voulaient juste maintenir un lien depuis leur salle de travail... Mais le contraire de JUGER n'est pas FAIRE TAIRE.

La parole bienveillante, accompagnante, voire même, entre amies : le débat sain, ça existe!

Aujourd'hui encore, j'apprends des autres mères et des autres pères.

J'adore écouter mes amies mamans d'adolescents raconter par quoi elles passent. Stéphanie qui nous décrit les règles établies autour du téléphone et le coach sportif du vendredi matin. Guillaume le patron de O2 qui raconte ses "contraintes positives" que j'applique depuis 1 an. L'organisation épatante de ma sœur Carla qui passe de 2 à 5 enfants : elle avait deux enfants, son conjoint en a deux et ils ont un bébé à naître. Leïla et Stéphanie, deux entrepreneuses de ma ville, qui m'expliquent comment et quand elles laissent leurs grands enfants seuls à la maison. Fatou qui va reprendre le travail après une pause de 5 ans, Marine dont le mari est au foyer, Elyssa dont les enfants sont en pension, car elle travaille 90 heures par semaine, Isabelle qui a quitté son job pour faire l'école à la maison, Anne-Laure qui travaille 1 jour par semaine pour "prendre une pause" d'avec son fils autiste...

Oui, chères mamans, ça m'intéresse de tout savoir, sans nous mettre dans des cases éternelles : nous ne sommes pas des dossiers, nous sommes des trajectoires! Ça m'intéresse parce que je vous admire et parce que je pense que nous sommes plus fortes à plusieurs avec nos doutes, plutôt que seules avec nos certitudes.

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