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De l'identité québécoise ou les hommes rapaillés

À l'heure où tous se gargarisent de liberté individuelle, le rapaillé lui croit encore que le « nous » est noble, il croit à l'idée d'un destin partagé, il pense que c'est dans un projet collectif que les femmes et les hommes se réaliseront.
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Mettre les mots identité et québécoise ensemble dans un texte, c'est d'emblée suspect dans le contexte politique qui nous déchire aujourd'hui. Pourtant, personne ne devrait rougir d'évoquer son histoire et sa culture pour donner du sens à sa condition. On le sait, la lutte idéologique ne fait pas dans la dentelle. L'âpreté des débats entre les soi-disant inclusifs et identitaires nous le rappelle quotidiennement. Parlant d'islamo-gauchisme pour les uns et de nationalisme identitaire pour les autres, l'enflure verbale de la partisanerie politique nous fait souvent oublier que la seule question qui compte est celle à savoir: comment vivre ensemble ici et maintenant?

Pour y arriver, peut-être devrions-nous chercher nos lieux communs. Ces lieux que nous ignorons malheureusement parce que trop souvent nous réfléchissons en matière de concurrence identitaire. Ces lieux s'expriment dans notre condition minoritaire, je suis un francophone dans une mer d'anglophones, vous êtes ceux et celles issus d'une communauté culturelle ou religieuse différente. Je suis celui dont le pays reste à bâtir. Vous avez quitté celui de vos origines. Comme vous, je vis l'exil qui rend incertaine la pérennité de mon identité. Nous sommes des éléments éparpillés et dissemblables qui doivent vivre ensemble. Dans le langage de Miron, nous sommes des « hommes rapaillés », ceux qui reviendront « d'en dehors du monde ».

L'homme rapaillé

À l'heure où tous se gargarisent de liberté individuelle, le rapaillé lui croit encore que le « nous » est noble, il croit à l'idée d'un destin partagé, il pense que c'est dans un projet collectif que les femmes et les hommes se réaliseront.

À l'heure où tous se gargarisent de liberté individuelle, le rapaillé lui croit encore que le « nous » est noble, il croit à l'idée d'un destin partagé, il pense que c'est dans un projet collectif que les femmes et les hommes se réaliseront.

Désabusé des promesses non tenues de la religion et de la société de consommation, l'homme rapaillé ne se laisse pas abattre, il cherche sans coup férir à donner du sens à sa condition. Sans coup férir, il faut insister là-dessus, puisque pour le rapaillé, c'est en aimant les hommes que l'on parvient à vivre avec eux. À deux reprises, le rapaillé s'est fait dire non, mais jamais l'amertume ne l'a fait sombrer dans la violence. Aimer les hommes, ce ne sera jamais les asservir au nom d'une vérité supérieure ou les écraser pour maintenir la cohérence d'un discours, fut-il, d'émancipation. Aimer les hommes, c'est être capable de sacrifier nos fausses certitudes pour créer avec les autres une communauté de sens dans la recherche de ce qui est juste. Le rapaillé dit « nous avons soif de toutes les eaux du monde, nous avons faim de toutes les terres du monde » il poursuit « mais donne la main à toutes les rencontres, pays toi qui apparais ». Ainsi, il nous faut avoir le courage et l'audace de chercher, ensemble, par delà nos différences ce qui nous unit; pour qu'enfin « ceux qui s'aimeront agrandis hors de nos limites pensent à nous, à ceux d'avant et d'après ».

L'homme rapaillé, c'est vous, c'est moi, c'est eux, un jour enfin réuni dans un lieu qui sera nôtre. À ce moment, nous serons devenus « des bêtes féroces de l'espoir ». Et surtout «que le dernier entré laisse la porte ouverte, s'il vous plaît !»

Bonne fête nationale !

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Avril 2018

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