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Mon constat personnel 2016 sur l'autisme

C'est le mois de sensibilisation à l'autisme.
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En observant avril tenter d'imposer en douce sa page de calendrier grégorien avec ses images bucoliques indécemment attirantes, je ne peux ignorer qu'il porte également la casquette de mois de sensibilisation à l'autisme. On ne sait guère quelle mouche, quel arachnide ou quelle écharde de bois mou m'a piquée, mais une envie étrange d'un très sérieux constat sur la situation actuelle en autisme ne cessait de venir me hanter sauvagement, avec la vigueur d'un ailier droit d'équipe sportive décidé à joindre la zone adverse. C'est donc sous cette ferveur militante que je couche sur ces quelques paragraphes, certains points précis ayant retenu mon attention.

La recherche

À ce jour, une quantité angoissante de théories, certaines loufoques, d'autres encore ayant des bases plus solidement fondées pour expliquer la présence de l'autisme sont continuellement envisagées: la piste bactérienne et les régimes alimentaires, la pollution environnementale et j'en passe. Parfois, une chatte y perdrait son unique chaton roux flamboyant dans la mêlée. De temps à autre, une personne vient également exhumer l'éternelle théorie mettant en cause certains vaccins mal aimés comme grands responsables d'une éclosion toute contemporaine de l'autisme. Puis cette hypothèse retourne s'ensevelir jusqu'à une prochaine rumeur obscure, un livre profane ou un documentaire présenté dans un festival cinématographique. Moi, ma mère était en froid très glacial avec l'infirmière de l'école et j'ai zappé quelques vaccins par obstination maternelle. Ai-je été contaminée malgré tout par les vaccins pointés par des index et des majeurs accusateurs? Je ne le sais point.

Personnellement, la piste qui me semble la plus hautement plausible est la piste génétique. Mon expérience des dernières années, directement sur le terrain, m'atteste qu'il y a couramment un des deux parents, parfois même la paire complète, qui se reconnaît finalement être affilié au spectre autistique. Cette situation survient lorsque ce diagnostic tombe des paluches expertes des spécialistes au sujet d'un enfant. La pomme Cortland ne tombe pas bien loin du pommier, dira-t-on. D'ailleurs, fréquemment, plus d'un enfant autiste naît dans une même famille, alors que la vaste majorité des familles de la banlieue environnante ne connaît l'autisme ni dans ses murs ni dans ceux de sa famille élargie.

Les services

Entre les coupures dans les services scolaires, les enfants et les adolescents qui se font retirer leur diagnostic à la suite d'une réévaluation exigée par une instance quelconque, ou encore l'absence de services pour les 21 ans et plus, beaucoup de familles et d'adultes se retrouvent orphelins au niveau de l'aide et la situation ne semble guère en voie de s'améliorer. J'observe beaucoup de découragement chez les groupes de parents qui voient leur petit protégé choir sans ressource et qui ne voient pas la lumière clignoter au bout du tunnel. Même pas celle d'un train. Les listes d'attente s'éternisent et les bonnes intentions n'effacent pas cette réalité désolante. Un forum de consultation a eu lieu récemment, mais le gouvernement n'était pas en mesure de déverrouiller ses coffres pour apporter des ressources équivalentes aux nécessités abordées. Plus les besoins grandissent, moins les moyens techniques sont au rendez-vous. Ce rendez-vous, c'est un rancard avorté, se faire poser un lapin, évoque-t-on dans les romans-savons.

Dans le coin gauche, je vois en parallèle éclore une floraison spontanée de nouveaux spécialistes en service privé ou d'onéreuses activités ciblées pour les familles. Mais mon inquiétude est grandissante quant à savoir si la qualité de ces services et si la connaissance des différents intervenants est concluante et efficace. Il m'est trop souvent arrivé de converser au détour d'un événement public ou d'un fil de discussion sur les réseaux sociaux avec des intervenants n'ayant pour tout bagage qu'une connaissance purement théorique embryonnaire et manquant de nuances sur la diversité des personnes autistes. Voire même qui sont davantage dans l'intention de métamorphoser la personne autiste et de la normaliser autant que faire se peut. Voilà qui me semble un petit sentier de gros gravier bien risqué, si on n'écoute pas les besoins spécifiques de la personne à épauler.

Le marché du travail

Lorsque j'observe des chiffres alarmants concernant le taux d'emploi chez les autistes adultes, je suis souvent désolée de constater qu'un grand nombre d'individus valides et désireux de participer activement au monde du travail se voient bloqués pour diverses raisons. Plusieurs se retrouvent dans un dilemme cornélien. Annoncer être autiste en entrevue est honnête et transparent, mais risque d'engendrer des préjugés lourdement défavorables à l'embauche. Pour certains, l'aveu franc peut être au contraire positif. Dans tous les cas, c'est une loterie hasardeuse tributaire de l'employeur qui réceptionne la réponse et prend la décision ultime, de sa perception et de son ouverture personnelle envers la différence.

Par ma présence sur le terrain, je reçois énormément de confidences intimes. Quelques travailleurs m'ont confié avoir connu un parcours scolaire, voire universitaire, impeccable au plan académique, malgré des difficultés relationnelles évidentes et même paralysantes à quelques niveaux. Ils ont intégré par la suite le marché du travail et connu certains emplois prestigieux et valorisants où leurs compétences particulières ont été saluées. Mais au détour d'une réorganisation, d'une mutation ou d'un changement drastique de supérieur immédiat, ils se sont retrouvés épuisés par de nouvelles attentes relationnelles inaccessibles. Bien malheureusement, au point de devoir quitter la vie active définitivement, malgré un avenir professionnel plus que prometteur. Il y a ici énormément de matière à réflexion en lien avec l'intégration professionnelle, mais également le maintien permanent à l'emploi. Les services de soutien à ce niveau semblent pratiquement inexistants.

La sensibilisation

Malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation et une couverture médiatique de plus en plus croissante, je dénote avec tristesse que la connaissance de l'autisme est encore à ses petits pas de bambin à de nombreux égards. Quotidiennement, mes oreilles se frisent et mes yeux crochissent à la vue de préjugés étalés à grands traits indélicats comme du beurre de cacahouète qu'on couche sur une rôtie bien grillée.

La véritable connaissance de ses particularités et le regard bienveillant qui se pose sur l'autiste pour l'écouter et l'accueillir sont moins présents que la règle de bois qui vient fracasser ses jointures pour le changer et le réformer en personne dite «normale». Car miser sur les forces et les capacités des personnes autistes me semble plus important que de souligner à gros traits de feutre vermillon les «lacunes» et les caractéristiques perçues comme défaillantes.

La sensibilisation devrait à mon avis avoir deux tentacules complémentaires: informer et conscientiser. Lorsque l'acceptation de la différence sera plus répandue, nous pourrons croire à une sensibilisation réussie... mais d'ici là, tout demeure encore à construire.

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