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Blogue théâtre: Ventre

Doit-on se résigner ou se battre? Que ce soit dans une relation amoureuse ou au sein d'une société c'est la question principale abordée paret de façon fort originale. Les deux comédiens vont mettre à nu, dans tous les sens du mot, leur corps, leur cœur et leur âme dans un grand cri voulant dénoncer la cruauté et l'incompréhension du monde qui les entoure.
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Ventre de Steve Gagnon est un texte qui va bien au-delà des apparences et c'est ce qui le rend extrêmement intéressant dans ce que je qualifierais de fusion métaphorique entre l'idéal et le réel. Ne soyez pas effrayé et n'allez pas croire qu'il s'agit de haute voltige intellectuelle, il y a une histoire là-dedans, mais il y a aussi davantage que cette histoire, un propos plus grand et plus fort qui, sous des dehors désenchantés, véhicule une charge politique qui se révèle redoutablement efficace.

La petite Licorne, où la pièce est présentée, est comme son nom l'indique toute petite. Ce qui en fait le lieu idéal pour ce type de texte intimiste, à la fois dur et touchant et rempli d'éléments provocateurs. La scène nous apparaît comme un complet chaos: un foutoir sale et en désordre où trône une baignoire remplie d'eau. Une jeune femme est debout contre la porte et parle. Son ex surgira de la baignoire et les deux entameront à tour de rôle un plaidoyer incantatoire dont les préoccupations oscillent entre l'état de leur relation (elle l'a trompé) et des considérations sur le Québec et le comportement de ses habitants. Mais on se rend compte que le propos même échappe aux protagonistes et que se déroule devant nos yeux le procès de la jeunesse et de son attitude, de ses aspirations et de ses accomplissements, le procès du confort et de l'indifférence.

Doit-on se résigner ou se battre? Que ce soit dans une relation amoureuse ou au sein d'une société c'est la question principale abordée par Ventre et de façon fort originale. Les deux comédiens vont mettre à nu, dans tous les sens du mot, leur corps, leur cœur et leur âme dans un grand cri voulant dénoncer la cruauté et l'incompréhension du monde qui les entoure. Ils vont dénoncer les aberrations, la médiocrité, le laisser-aller, parfois avec beaucoup d'humour, tout en admettant être capables de mensonges, de compromissions et de violence. Ce qui constitue l'humanité, en somme. Mais cela se double d'un questionnement sur les façons d'améliorer cette imparfaite nature humaine.

Les deux comédiens sont excellents mais Marie-Soleil Dion se démarque particulièrement. Cette comédienne, que j'aimerais voir plus souvent au théâtre, possède un registre remarquable en plus de posséder un rare magnétisme. Elle rend de façon magistrale ce personnage paumé capable d'une remarquable profondeur mais aussi d'une implacable lucidité. Elle est crue et elle est vraie, elle est aussi touchante et attachante. La mise en scène de Denis Bernard table avec raison sur l'intensité du texte et ne s'égare pas dans d'inutiles sparages. Parce que même lorsque les comédiens sont immobiles, il se passe des tas de choses.

Ventre nous montre des jeunes gens qui refusent de croire à la noirceur, qui s'opposent aux règles et à la normalité qu'on veut leur imposer. Ils veulent les choses autrement. Et alors qu'ils sont vivants, on veut tous les jours leur apprendre à mourir. Croyez-moi, cela fait vraiment du bien de constater que la résignation n'est pas le lot de tous et qu'il existe une fascination pour le vertige d'un univers différent qui reste encore à construire.

Ventre est présenté par le Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline à La petite Licorne jusqu'au 23 janvier 2013

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