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Soledad au hasard : un peu trop cérébral

Je crois queaurait gagné à prendre moins de distance intellectuelle avec son propos. Si nous éprouvons de l'empathie pour l'Argentine et pour les deux protagonistes, le discours ne réussit pas à nous bouleverser alors que je crois que c'était là le but premier.
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Il s'agit ici de la rencontre improbable de deux femmes que tout semble séparer et qui, pourtant, ont bien plus en commun que ce que l'on pourrait croire. La vie elle-même fait partie du complot, mais cela, Annabelle et Soledad ne le savent pas.

Annabelle est photographe. Défigurée, l'ombre d'elle-même, elle erre autour du métro Berri-Uqam, et de la statue d'Émilie Gamelin, cherchant des réponses qui n'existent probablement pas. Soledad est une étudiante argentine venue compléter une maîtrise sur l'oralité à Montréal. Pour elle, l'important c'est l'histoire et surtout la façon de la raconter. Elle s'inscrit d'ailleurs dans la tradition de la narration orale de la Casa de lettras de Buenos Aires, une initiative qui a vu le jour au début des années 2000 lorsque l'Argentine s'est effondrée économiquement. Les théâtres étaient barricadés, la classe moyenne mourrait de faim, il semblait que la culture aurait été la dernière des préoccupations pour un peuple en si mauvaise posture. Et pourtant un groupe d'artistes a décidé de présenter des courtes pièces de théâtre, inspirées par ce que les gens vivaient et par leurs souffrances. Ces pièces étaient jouées dans les salons des gens, dans n'importe lequel lieu qui les accueillait et a manifestement contribué à mettre du baume sur des plaies vives en permettant de dire l'indicible.

L'accordéon accompagne les dialogues et monologues des deux comédiennes. Des projections, courts films ou photos, meublent l'écran d'arrière-scène. Liliane Boucher est Soledad : dotée d'un physique sculptural et d'une présence imposante, elle canalise l'énergie de la jeunesse tout en transmettant la lucidité douloureuse qui l'habite. Julie Vincent, que l'on voit trop peu au théâtre, est Annabelle, celle qui a préféré garder le visage de son destin et qui, tentant de comprendre l'enchaînement des événements, sera stupéfiée au-delà des mots par la charge et la signification des coïncidences. Car il y a des surprises et des rebondissements dans cette pièce.

C'est un texte et un moment théâtral riches d'images, de sensations et d'émotions. Pourtant le pathos est tenu en laisse, trop peut-être. Je n'évalue pas la qualité d'un spectacle à ses capacités à me faire verser des larmes (ce qui est très facile soit dit en passant), mais je crois que Soledad au hasard aurait gagné à prendre moins de distance intellectuelle avec son propos. Le traitement est un peu trop cérébral, et si nous éprouvons de l'empathie pour l'Argentine et pour les deux protagonistes, le discours ne réussit pas à nous bouleverser alors que je crois que c'était là le but premier. Mais il y a aussi le fait que l'importance de la photographie dans la pièce entretient cette distance, ce regard un peu désincarné que l'on pose sur les êtres et les choses afin de ne pas trop souffrir. Car autrement ce ne serait plus supportable. Je comprends le choix, mais j'aurais aimé être davantage touchée.

Le moment le plus émouvant est survenu avant le spectacle alors que Julie Vincent a rendu sur la scène un hommage tout spécial à Michel Brault, décédé récemment. Il y avait de la tristesse dans cet hommage, mais aussi de la sérénité, comme lorsque l'on sait que quelqu'un est venu et a laissé quelque chose d'important derrière lui. Julio Cortazar, à qui l'on fait référence dans la pièce, a écrit une nouvelle qui s'intitule Azolotl et qui traite de la fascination du narrateur pour ces bestioles capables de se régénérer et de s'adapter à n'importe lequel milieu. C'est ce que j'ai retenu de Soledad au hasard , cette note d'espoir qui fait que l'on continue malgré les deuils, la souffrance et l'absence.

Soledad au hasard est une production de Singulier Pluriel et est présentée au théâtre La Licorne jusqu'au 25 octobre 2013

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