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Les Zurbains 2016: irrésistible

Je vous recommande de vous précipiter au Théâtre Denise-Pelletier pour voir. Vous en ressortirez ragaillardis et complètement ravis et enchantés.
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Si l'avenir de notre belle jeunesse suscite chez vous des inquiétudes et que vous vous réveillez la nuit en vous faisant du souci pour la génération Y, je vous recommande de vous précipiter au Théâtre Denise-Pelletier pour voir Les Zurbains 2016. Vous en ressortirez ragaillardis et complètement ravis et enchantés.

Ce projet, maintenant dans sa 19e année, incite des adolescents du secondaire à écrire un conte urbain. Les meilleurs sont montés et joués et, vraiment, j'ai eu l'impression que j'assistais à l'éclosion de talents, dont certains remarquables, qui vont parler sur nos scènes dans quelques années. De toute façon, ils nous parlent déjà et c'est follement intéressant de voir leurs préoccupations, les thèmes qu'ils abordent et la façon dont ils manient le verbe.

L'heure et demie du spectacle est composée de cinq textes. C'est Robin Aubert, le seul auteur professionnel de la cohorte, qui ouvre le bal. Et, curieusement, D'la couleur dans le garage m'a semblé le maillon le plus faible de la chaîne. Catherine Le Gresley (car les textes sont interprétés par de jeunes comédiens professionnels) incarne une jeune fille un peu perdue, qui cherche une signification à son existence et qui rencontre par hasard une ex-championne de ski acrobatique qui a tout laissé tomber pour vivre sa passion pour la peinture. Peut-être parce que Robin Aubert n'est plus un ado, la distance que j'ai sentie dans le rendu de ce texte, où la quête existentielle possède une mécanique trop simple, m'a laissé sur ma faim.

Suit Albane Château qui interprète Bande de clowns écrit par Anastasia Comendant. La fille d'immigrés moldaves (une ex-république de l'URSS) ne se peut plus de honte lorsque son amoureux est invité à souper dans sa famille, une flopée de joyeux excentriques davantage intéressés par la vodka, les pierogis et la télévision russe que par la culture dans laquelle ils sont maintenant immergés. Ils tiennent en effet beaucoup à leurs gougounes moldaves et à leurs extravagances ethniques. La description du souper est hilarante, il y aura une sorte de réconciliation et la mise en scène de Monique Gosselin, pleine d'inventivité, nous plonge littéralement au sein de cette famille avec un humour décapant.

Sur un ton plus grave, Harou Davtyan va rendre, avec conviction et crédibilité, le texte de Mohamed Chrouh, Langue de pierre. Ici, on nous parle de l'incommunicabilité, du terrible silence qui s'installe lorsque différentes valeurs se heurtent, de la souffrance irrémédiable qui en résulte. C'est une voix qui m'a rappelé un peu celle de Wajdi Mouawad, affichant la même sensibilité et le même désir de dénoncer, avec une écriture forte jouant avec le langage et possédant un réel pouvoir d'évocation.

Marie-Ève Milot prend la relève avec Blue my mind d'Ariane Boudreault, l'histoire d'une très jeune fille qui écrit de la fan-fiction mettant en vedette Amanda, une groupie des Blue Blood Boys, un boy-band originaire de Lévis. Je me suis marrée comme rarement. Les fantasmes qui s'incarnent dans Amanda sont tous plus désopilants les uns que les autres. À travers les tics de langage des ados et jusqu'à la rencontre finale avec son idole, Amanda nous entraîne dans un tourbillon excessif et délirant, mais aussi très sweet avec un accompagnement musical imaginé par Sarah Laurendeau tour à tour joyeux, ironique ou dramatique. Et on croit absolument à la performance de la comédienne qui devient cette adolescente complètement folle qui opère sans filtre pour notre plus grand plaisir.

Le spectacle se clôt avec La loi de l'accélération de David Kalichman. Guillaume Rodrigue est le nerd anglo passionné de sciences qui trippe sur le boson de higgs et sur ses expériences avec les bactéries. Des copains d'école l'invitent un samedi à aller à la Ronde. Il va décliner lorsqu'il apprend que Justine sera là, Justine qui, grâce à ses proportions, incarne le nombre d'or et dont les yeux sont des sphères parfaites. Notre anti-héros va se taper les montagnes russes avec Justine bien qu'il ressente une terreur sans nom et va ainsi réaliser un certain nombre de choses. Guillaume Rodrigue est A-DO-RA-BLE. David Kalichman a créé un personnage irrésistible avec cet accent un peu anglais et ses références aux théorèmes et découvertes scientifiques. Il y a là quelque chose d'à la fois inaccessible pour le commun des mortels et en même temps tout proche de nous, mais aussi rempli d'une extraordinaire profondeur, tout cela rendu grâce à ce garçon terriblement attachant.

La mise en scène des Zurbains est, tout au long, joyeuse et imaginative. Cette horde de jeunes gens pleine d'entrain est manifestement à l'aise dans ces propositions où le talent s'exprime dans toute sa splendeur. Ce qui m'a frappé c'est que dans tous les textes, il est question, d'une façon ou d'une autre d'aliénation. Et d'ailleurs, qui ne ressent pas cela à 17 ans?

Mais grâce aux risques que ces jeunes auteurs prennent, il en résulte une savoureuse comédie humaine qui explore avec fécondité divers aspects de l'adolescence et de ses aventures que l'on est prêt à suivre avec ferveur. Parce que l'audace permet de tout conquérir et que ces jeunes auteurs sont des défricheurs qui ouvrent de nouveaux chemins et de nouveaux chantiers.

Les Zubains 2016, une production du Théâtre Le Clou en collaboration avec Les Gros Becs et le Théâtre Denise-Pelletier, à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 13 mai 2016.

DE LA MÊME AUTEURE

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