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C'est un objet rare, un joyau théâtral.
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Il est très rare, je crois, de voir une telle réussite dans l'alliage de la technique et de la vision d'un auteur et d'un metteur en scène pour un résultat aussi fourmillant, chatoyant et bigarré.
Marc Lemyre
Il est très rare, je crois, de voir une telle réussite dans l'alliage de la technique et de la vision d'un auteur et d'un metteur en scène pour un résultat aussi fourmillant, chatoyant et bigarré.

Je fus conquise. J'ai rarement vu une production comme celle du Théâtre de la Catapulte et du Théâtre français de Toronto, présentée sur la scène du Prospero. Une production où l'agencement de la mise en scène, du son, des éclairages et d'une remarquable comédienne donne un résultat aussi harmonieux et aussi prenant. Le dire de Di est à voir pour toutes ces raisons: c'est un objet rare, un joyau théâtral.

Et, bien sûr, le texte. Michel Ouellette raconte une histoire, celle d'une famille cachant des secrets et d'un drame qui l'attend au détour. Il le fait à travers la voix de Di, seize ans bientôt dix-sept, témoin et vectrice de terribles événements qui vont bouleverser son univers à jamais. Mais Michel Ouellette le fait dans une langue à la fois poétique et accessible, favorisant les allitérations (j'adore les allitérations) et conférant à cette histoire, et je ne sais pas comment il fait, une dimension mythique qui amène ce Dire de Di dans la même dimension que les récits des meilleurs conteurs universels.

Cette pièce nous permet de poser, sur un objet théâtral, un regard qui se révèle toujours capable d'étonnement.

Di habite dans une maison biscornue située dans un champ et près d'une forêt avec sa mère, Makati, son père, Paclay et le deuxième mari de sa mère, Mario Morneau. Son frère et ses sœurs étudient au loin, les sciences, la philosophie ou l'art. Son imaginaire se nourrit de ce lieu, elle qui parle aux oiseaux et qui glisse dans son ventre un œuf de rouge-gorge. Mais tout bascule avec la rencontre de Peggy, représentante d'une compagnie minière. Di est à la fois attirée par Peggy et horrifiée par la mécanique et la machinerie, par cette foreuse qui forait dans la forêt que Peggy justifie et dont elle se fait la porte-parole.

Marie-Ève Fontaine, seule en scène pendant une heure trente, est magistrale dans le rôle de Di, tout en pudeur et en détermination. Elle habite complètement cette histoire avec un extraordinaire charisme vocal et physique et la raconte avec une éloquence pleine de retenue. Et c'est la première fois que je voyais dans le programme d'une pièce l'apport d'une conceptrice de la gestuelle. Marie-Josée Chartier est entre autres chorégraphe et cette collaboration permet à la comédienne d'exercer sur le public la fascination d'une charmeuse de serpent. Chaque geste, chaque expression capturent l'auditoire à l'intérieur d'un moment de l'histoire en plus de transcrire et de rapporter une réalité qui nous serait autrement invisible.

Il est très rare, je crois, de voir une telle réussite dans l'alliage de la technique et de la vision d'un auteur et d'un metteur en scène pour un résultat aussi fourmillant, chatoyant et bigarré.

Joël Beddows à la mise en scène, Michael Spence à la scénographie, Guillaume Houët aux éclairages et Thomas Sinou à la conception sonore ont manifestement travaillé en osmose avec le beau et grand texte de l'auteur. Tout fonctionne à la perfection de façon extraordinairement habile pour que nous puissions suivre avec ferveur les événements et émotions vécus par la comédienne, remarquables par leur densité et leur urgence. Il est très rare, je crois, de voir une telle réussite dans l'alliage de la technique et de la vision d'un auteur et d'un metteur en scène pour un résultat aussi fourmillant, chatoyant et bigarré.

On quitte la pièce avec nostalgie parce qu'on ne quitte pas seulement une histoire, mais un monde et un personnage inoubliable qui a terriblement souffert de la cruauté du monde. Le Dire est un art de la séduction, l'Écrire est un art de la pensée, les deux s'allient magnifiquement dans Le dire de Di. Cette pièce nous permet de poser sur un objet théâtral un regard qui se révèle toujours capable d'étonnement. Et pour cela, Michel Ouellette a droit à ma reconnaissance éternelle.

Le dire de Di: une production du Théâtre de la Catapulte et du Théâtre Français de Toronto, au Prospero jusqu'au 3 novembre 2018.

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