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«La délivrance»: l'amour inconditionnel

, pièce de Jennifer Tremblay présentée au Théâtre d'Aujourd'hui aborde l'histoire d'une mère mourante qui attend ce fils qu'elle n'a pas vu depuis vingt ans et qui demeure le grand amour de sa vie.
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Je suis toujours bon public pour les histoires de mère et de fils, pour les histoires de mère et de fille aussi, tant qu'à y être. Ces liens, les plus étroits qui puissent exister en ce bas monde, constituent depuis toujours et à jamais j'en suis sûre, une inépuisable source de joies, de tendresse, de frustrations et de détresse. Parfois tout ça en même temps d'ailleurs.

La délivrance, pièce de Jennifer Tremblay présentée au Théâtre d'Aujourd'hui aborde ce thème, l'histoire d'une mère mourante qui attend ce fils qu'elle n'a pas vu depuis vingt ans et qui demeure le grand amour de sa vie.

On ne verra jamais la mère ou le fils, ils s'incarnent à travers le personnage de la fille, interprété de façon magistrale par Sylvie Drapeau. La fille qui sait très bien que sa mère a toujours préféré ce demi-frère, la fille qui a toujours été là, piètre consolation pour ce vide qui se creusait davantage dans le cœur maternel à mesure que le temps passait et qui, dans une ultime tentative, va vouloir convaincre ce frère qu'elle rejoint par téléphone, de venir au chevet de sa génitrice, de lui procurer un petit peu de lumière à la fin d'une existence marquée par l'obscurité.

Sylvie Drapeau, seule en scène pendant une heure quinze, nous dit tout ce qu'il faut savoir de cette mère qui a aimé follement un homme séduisant et inadéquat avant de le quitter pour son antithèse, l'homme responsable capable de faire vivre sa famille, mais qui exclut de la vie tout plaisir et toute fantaisie. C'est cet homme qui va s'approprier le fils chéri à la suite d'ignobles manigances et gâcher complètement la vie de cette femme pour qui l'amour que lui portent ses deux filles ne suffit pas. Sylvie Drapeau nous raconte tout cela, modulant sa voix selon la parole des différents personnages, exprimant dans ce monologue une fulgurante intériorité où s'amalgament l'orgueil et la crainte. La comédienne est une statue aux pieds d'argile devant le chaos qu'a été sa vie, chaos qu'elle essaie dans une ultime tentative de redresser, de remettre en ordre.

La mise en scène de Patrice Dubois, frugale, parfaite dans les circonstances, utilise quelques symboles et quelques objets pour démontrer le côté inexorable et inéluctable des événements. Le texte de Jennifer Tremblay, cette partition musicale pour une voix capable de se transformer en orchestre, recèle des trésors de sensibilité et d'observations d'une justesse infinie. Ainsi lorsque la fille, adolescente, va étudier à Québec et découvre, à son grand étonnement un univers où les hommes boivent du vin, vont dans les cafés, lisent des livres, toutes choses inouïes pour elle, issue d'un milieu provincial étouffant où le patriarcat détient encore toute l'autorité et toute la vérité. Cette parole sentie s'exprime magnifiquement dans la performance de la comédienne, le meilleur choix possible pour ce rôle sans concession qui décrit comment les femmes ont été irrémédiablement colonisées par les hommes, économiquement et émotivement.

Nous vivons dans un monde brutal où même parfois l'amour d'une mère ne suffit pas, où cet amour peut être mal compris et mal interprété. Où l'objet de ce sentiment peut être amené à croire que cet amour n'existe pas et qu'il ne doit rien à ce terreau de l'humanité que constitue le ventre des femmes. On appelle l'accouchement, la délivrance. Mais il n'y en a pas, de délivrance, il n'y en aura jamais, avoir un enfant c'est devenir un forçat avec des boulets et des chaînes dont il est impossible de se débarrasser.

Comment dit-on à une mère enchaînée par son amour: ton fils ne veut pas te voir? L'amie qui m'accompagnait ce soir-là m'a dit quelque chose d'essentiel: c'est celui qui n'est pas là qui prend toute la place. Et c'est bien vrai.

La délivrance, au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 15 octobre 2016.

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