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Assoiffés: d'absolu et de sens

Cette pièce est avant tout destinée aux ados et le message dequ'elle semble véhiculer, maquillé sous des apparences de romantisme à la Werther, m'est apparu d'une grande violence.
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L'adolescence, le lieu de tous les dangers. Assoiffés, de Wadji Mouawad avec une collaboration au texte de Benoît Vermeulen, présenté au Théâtre Denise-Pelletier, se fait le porte-parole de la révolte adolescente, de la remise en question de tout ce qui caractérise souvent ce passage entre l'enfance et l'âge adulte. Tout y passe, des valeurs prônées par les géniteurs à leurs habitudes de vie en n'oubliant pas la télévision ouverte dès le matin.

C'est dans un décor quelque peu cauchemardesque que se déroule l'action : têtes de morts évoquant de macabres rites funéraires, une grande armoire où seront projetés les éléments déterminant les changements de lieux ou d'atmosphère. Murdoch, l'ado révolté, représente le point d'ancrage de cette histoire, le catalyseur par qui tout arrivera. Norvège, la jeune fille qui refuse de sortir de sa chambre, cautionnera les choix de Murdoch. Et le narrateur de cette histoire, l'anthropologue judiciaire Boon, est notre guide et celui qui éclaircira un mystère vieux de quinze ans.

Il y a un amalgame réussi entre l'onirisme et le réalisme. Dans cette pièce, on utilise des masques franchement effrayants pour personnifier les parents ou les figures d'autorité, et Norvège va expulser de son corps une pieuvre symbolisant, je crois, l'emprise tentaculaire de la société sur une jeunesse à la recherche d'un autre ailleurs. Par contre, Murdoch, atteint d'une véritable logorrhée, va servir un discours percutant aux passagers de l'autobus dans lequel il se trouve. Un discours résumant tout ce qui, d'après lui, cloche dans ce système où les rêves sont éradiqués et où la soif d'absolu ne suscite que le sarcasme.

Philippe Thibault-Denis est un délicieux Murdoch, aussi convaincant dans ce rôle d'adolescent à la recherche d'absolu qu'il l'était en Perdican dans Le jeux de l'amour et du hasard. Rachel Gratton, et ça fait plusieurs fois que je la vois au théâtre, adopte toujours le même accent, le même ton et le même débit. Je la crois capable de mieux. Francis La Haye, pour sa part, rafle la mise. Son anthropologue judiciaire, pour qui l'humanisme n'est pas un vain mot, s'acharne à trouver la clef qui lui permettra d'identifier les deux cadavres enlacés retrouvés dans l'eau et surtout les raisons qui ont poussé ces deux jeunes gens à choisir la mort. Il le fait avec précaution et avec sensibilité.

Je comprends absolument ce désir de dépassement, cette volonté de trouver autre chose, de se démarquer et de changer le monde.

Il demeure que j'ai ressenti un certain malaise en voyant cette production. Au-delà de ses qualités intrinsèques, il me semble que la solution proposée pour résoudre le dilemme dans lequel se retrouvent ces jeunes gens, soit l'anéantissement, n'est peut-être pas ce que j'aurais voulu entendre. Cette pièce est avant tout destinée aux ados et le message de no future qu'elle semble véhiculer, maquillé sous des apparences de romantisme à la Werther, m'est apparu d'une grande violence. C'est peut-être moi. Je comprends absolument ce désir de dépassement, cette volonté de trouver autre chose, de se démarquer et de changer le monde. Et c'est une tâche titanesque. Mais n'y aurait-il pas d'autre avenue que celle de la mort? Murdoch, ce personnage si attachant qui refuse de souffrir en silence, choisit pourtant cette solution. Et il choisit aussi de faire taire à jamais la créativité et la profondeur qu'il opposait au mondain et au superficiel. Mais cela se rattache peut-être à l'insatiable besoin de destruction qui occupe l'humanité depuis toujours, un besoin de destruction qui rejoint également l'individu.

Il demeure qu'Assoiffés est une très bonne pièce. Et que j'ai aimé entendre ce grand cri dirigé vers la liberté, le sublime, la quête de sens et l'infini. Car même si l'on crie, nul n'est à l'abri de la plus terrible des désillusions.

Assoiffés : Une production du Théâtre Le Clou, au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 25 février 2017.

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