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Il y a trois ans, je pensais que ma vie était finie… Je n’avais que 30 ans.
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En ce mois d'octobre rose, je n'oublie pas toutes mes « pink friends », mes copines de cancer, celles qui en ont terminé avec les traitements, celles qui le sont toujours et celles qui sont parties trop tôt.
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En ce mois d'octobre rose, je n'oublie pas toutes mes « pink friends », mes copines de cancer, celles qui en ont terminé avec les traitements, celles qui le sont toujours et celles qui sont parties trop tôt.

Trois ans déjà...

Il y a trois ans, j'apprenais que tu vivais dans mon sein droit. Tu t'étais niché là, sans crier garde, tu avais pris tes aises assez rapidement... trop à mon goût.

Il y a trois ans, la veille de l'annonce, je fêtais en compagnie de mes amies.

Il y a trois ans, une heure avant que tout le monde arrive à la fête, je recevais un appel du médecin pour me dire de venir le lendemain matin dans son bureau...

Il y a trois ans, je pensais que ma vie était finie... Je n'avais que 30 ans.

Je me souviendrai toujours de cette journée où je suis entrée dans le bureau du médecin accompagné de deux de mes grandes amies de France et ma nouvelle coloc à l'époque. Elle a ouvert le dossier devant elle et j'ai lu ton nom à l'envers. En relevant la tête, j'ai croisé son regard, elle m'a dit : je suis désolée. Et là, j'ai senti le sol se dérober sous mes pieds.

Je suis sortie du bureau complètement déboussolée, je ne savais plus où j'étais et je voulais être loin de toi, loin du Québec, être auprès de mes parents pour leur annoncer... Oui, je devais prendre mon courage à deux mains pour appeler mes parents et leur donner ton nom. Ton nom que l'on redoutait d'entendre surtout à l'autre bout de l'Atlantique.

J'avais décidé de ne pas te laisser prendre le contrôle de ma vie et c'est ce que je m'apprêtais à faire.

Biflette, c'est le surnom que je t'avais donné, car je refusais de t'appeler par ton vrai nom. Te nommer, c'était comme te donner de la valeur, un ascendant sur moi et je refusais cela. J'avais décidé de ne pas te laisser prendre le contrôle de ma vie et c'est ce que je m'apprêtais à faire.

Même si pour certains ta vie fût courte, pour moi, elle fut bien assez longue. Et le jour où on t'a retiré de mon corps, je me suis sentie plus légère. Malheureusement, tu avais laissé quelques chaussettes traînées... malgré leurs retraits, il a fallu traiter en profondeur.

Tes maudites chaussettes sales qui ont abîmé mon bras droit. Un lymphœdème s'est alors installé dans celui-ci et chaque douleur me rappelle les dégâts que tu as faits en moi. Ses cicatrices indélébiles que tu as laissées sur mon sein et mon ventre me rappellent que tu as existé, mais aussi que je me suis débarrassée de toi.

*Un lymphœdème résulte d'une anomalie du système lymphatique qui force une accumulation des fluides dans une partie du corps. Cette rétention localisée de liquides fait enfler les tissus de manière douloureuse. Le lymphœdème s'observe chez les personnes qui ont subi une chirurgie ou une radiothérapie, particulièrement chez les patients atteints d'un cancer du sein.

Les symptômes sont :

  • Enflure
  • Sensation de lourdeur ou de raideur
  • Douleur
  • Resserrement de la peau
  • Diminution de la souplesse ou de la mobilité de la partie du corps atteinte

Tu as été si soudain, que lorsque j'ai voulu mettre mes œufs aux frais, je n'ai pas pu, car il fallait commencer les traitements rapidement. Je me souviens très bien de cette journée où j'étais assise dans un couloir de l'hôpital avec une amie, je venais de raccrocher avec la clinique de préservation des ovocytes. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je venais de faire le deuil d'avoir un jour la possibilité d'avoir des enfants naturellement.

Les choses sérieuses ont alors commencé pour toi, la chimio, en deux parties : une injection aux trois semaines, trois fois. La chimio, c'est un peu comme une gueule de bois, sauf que cela dure plusieurs jours.

Ensuite la deuxième partie, une injection une par semaine pendant douze semaines. Cette dernière partie n'a pas été tout un party... J'ai dû reprendre mon travail pendant mes traitements à cause de toi, car quinze semaines de chômage maladie ne suffisent pas. Se débarrasser des spécimens de ton espèce prend au minimum un an. De plus, je n'étais pas encore résidente permanente donc je n'avais droit à aucune aide venant de l'état, ni des organismes de soutien, pas d'assurance à ma job, pas l'assurance médicaments de la RAMQ.

J'ai reçu tellement de mots de soutien que cela m'a aidé à surmonter mes soucis financiers.

Heureusement, ma famille, mes amis de France et même des inconnus m'ont aidé grâce à un pot commun qui m'a permis de rester à Montréal. J'ai reçu tellement de mots de soutien que cela m'a aidé à surmonter mes soucis financiers.

Un peu avant la fin de la chimio, j'apprenais que pour me débarrasser totalement des odeurs de tes chaussettes sales, il fallait que je passe par la tomothérapie, une technique innovante dans le traitement des tumeurs cancéreuses difficiles à irradier avec les techniques classiques. Dernière-née des techniques de radiothérapie, cette « radiothérapie guidée par l'image » améliore la précision du traitement et limite l'exposition des organes sains.

Ce fut un coup fatal! 25 séances, une par jour pendant cinq semaines. Moi qui pensais reprendre ma job pendant la radiothérapie, ma surprise fût totale. J'étais incapable de travailler contrairement à ce qu'on m'avait dit. Ma fatigue était telle que je n'arrivais pas à lire ou même regarder un écran.

J'ai terminé mes traitements début octobre 2015. Trois mois après, je reprenais mon travail à temps plein, car tu avais complètement englouti mes économies.

Grâce à la recherche financée par des organismes tels que la Fondation du cancer du sein du Québec, le taux de survie au-delà de cinq ans de la maladie est passé de 71 % en 1974, à 88% à ce jour. C'est également cette recherche qui permet de développer de nouveaux médicaments et traitements mieux ciblés pour les femmes.

Le 1 octobre 2017; voilà deux ans que j'ai terminé mes traitements.

Deux ans que je vis avec cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête...

Grâce à toi, j'ai rencontré des personnes formidables durant mes traitements, un soutien inestimable de la part des équipes médicales, des autres patientes, de fondations, etc. Ils ont été ma force, mon énergie, mes piliers.

À tous ceux que j'ai croisés : Lili, Nalie, Marie, Cloé, Abi, Lucie, Aïssata, Josiane, Maude, Lucie, Nancy, France, Lolitta, Janie, Joseph, Lise, Daisy et ceux qui sont aussi dans mon cœur, comme Joé et Joëlle qui sont partis rejoindre les étoiles...

Et à ceux qui me soutiennent à tout instant : ma famille, mes amies Céci, Mary, Sab, Maude et tous les autres.

En ce mois d'octobre rose, je n'oublie pas toutes mes « pink friends », mes copines de cancer, celles qui en ont terminé avec les traitements, celles qui le sont toujours et celles qui sont parties trop tôt

En ce mois d'octobre rose, je n'oublie pas toutes mes « pink friends », mes copines de cancer, celles qui en ont terminé avec les traitements, celles qui le sont toujours et celles qui sont parties trop tôt...

Toi, maudit crabe, tu as peut-être pris un an de ma vie, mais malgré toutes ces épreuves, durant mes traitements je gardais le sourire et encore aujourd'hui, on me complimente sur ma bonne humeur constante et ma joie de vivre. Continuer à vivre, c'est la plus belle chose qu'on puisse faire pour avancer.

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