La posture d'apprenant

Lors de mon dernier article, je formulais mes vœux de la nouvelle année aux acteurs du monde de l'éducation, entre autres, en souhaitant que ces derniers participent à des communautés de partage d'expérience.

Mario Asselin, dans son dernier billet de blogue, a eu le juste mot en énonçant le même souhait en référant judicieusement l'importance d'adopter une posture d'apprenant. Ce concept pourrait être défini comme étant l'ensemble des dispositions permanentes prises par un individu en situation d'apprentissage. Dans le cas qui nous intéresse, il est donc question que les enseignants, les cadres scolaires ou tout autre intervenant acceptent d'être à la fois des apprenants et des éducateurs dans l'exercice quotidien de leurs fonctions.

Si longtemps il a été implicitement considéré que les deux termes n'étaient pas compatibles dans une même situation éducative, la littérature mondiale issue des partages d'expériences démontre désormais le contraire : on peut définitivement être enseignant et apprenant et même, il est souhaitable qu'il en soit ainsi pour les raisons suivantes :

Lorsque l'enseignant accepte de délaisser sa tribune pour faire partie intégrante de la démarche d'apprentissage, il en résulte qu'une véritable communauté se crée. Trop souvent, l'enseignant demeure à l'extérieur de cette démarche en n'y participant que pour y dispenser des contenus, des savoirs, des consignes ou pour y faire des interventions disciplinaires. Ramener l'enseignant sur le plancher de l'apprentissage crée une bulle inclusive faisant du quotidien pédagogique des activités englobantes et inclusives, démocratisant l'acte d'apprendre en l'étendant à tous les intervenants, peu importe de quel côté du pupitre ils se trouvent ! Ainsi, apprendre avec l'élève dans le même espace-temps que ce dernier permet la réalisation d'apprentissages collaboratifs valorisant la contribution de tous. Apprendre des autres est également possible pour l'enseignant et ce n'est pas une compétence qui demeure le monopole des élèves ! Par simple modélisation, cela incite les élèves à s'immerger également dans la même communauté et, bien souvent, un sentiment d'appartenance peut émerger. À ce propos, le milieu scolaire peut-il vraiment se priver d'initiatives permettant à l'élève de développer un sentiment d'appartenance ?

Il est démontré qu'une des meilleures façons d'apprendre est... d'enseigner. Les recherches du regretté psychologue Edgar Dale démontrent que lorsqu'un apprenant est actif dans ses apprentissages et qu'il est en mesure d'outrepasser l'aspect virtuel de l'apprentissage (lecture, écoute), pour s'ancrer dans des activités davantage issues de l'analyse, de la création, du design pédagogique (didactique) de la communication, du partage et même de l'évaluation, les apprentissages sont enrichis et, surtout, approfondis, laissant poindre de meilleures perspectives de durabilité. Nous quittons l'apprentissage de surface pour nous ancrer dans une démarche verticale d'approfondissement et d'évolution. Ainsi, les élèves ont désormais l'occasion de communiquer leurs trouvailles à leur enseignant et, à leur tour, d'enseigner à ce dernier en même temps qu'à leurs pairs. Il s'agit d'un exercice valorisant et à grande portée éducative !

Apprendre sur sa profession démontre une certaine humilité. Cela démontre que le professionnel n'a pas la prétention de tout connaitre de sa profession et qu'il la respecte suffisamment pour continuer de la faire rayonner en apportant sa contribution pour la faire évoluer. De plus, toujours par modélisation, cela démontre qu'il y a toujours lieu d'être un apprenant à vie et qu'en fait, l'apprentissage, c'est l'œuvre d'une vie. N'y a-t-il pas une leçon plus importante que cette loi implacable de la vie qui doit être démontrée aux élèves fréquentant nos écoles ?

Pour adopter cette posture d'apprenant, il suffit de faire évoluer sa conception de l'enseignement pour avoir l'humilité de se placer sur le même horizon pédagogique que ses élèves et d'accepter de gérer sa classe et le lot d'imprévisibilité que cela entraine. Il suffit de considérer ses élèves comme des partenaires et non comme des sujets. Plusieurs crieront à la diminution de l'importance du lien d'autorité de l'enseignant au sein de sa propre classe. En fait, le maitre dans sa classe le demeurera toujours, mais il assoit son autorité sur le partenariat qu'il tisse avec ses élèves et sur son rôle irremplaçable de guide expérimenté et avenant dans la démarche d'apprentissage. L'autorité de l'enseignant n'est aucunement menacée, mais sa nature est profondément redéfinie. N'importe qui peut transmettre des savoirs dans n'importe quel contexte, mais un pédagogue, ça ne se remplace pas.

Quiconque œuvrant dans le monde de l'éducation le confirmera : il semble assez clair et évident que le lien d'autorité ne garantit pas le respect ni la crédibilité. La seule façon de le faire est d'accepter de se remettre en question en présence des élèves en allant explorer des territoires pédagogiques inexplorés et adaptés à la clientèle scolaire. Non seulement l'enseignant incarne-t-il enfin le faites ce que je dis ET ce que je fais, mais il agit en tant que modèle pour ses élèves qui sont inspirés à sortir de leur zone de confort pour laisser leur curiosité innée devenir créativité et désir d'exploration. Le tout, dans le but avoué de mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent actuellement, mais, surtout, en les préparant à développer des outils pour évoluer dans le monde instable et changeant de demain.

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