Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Nouvelle politique en matière d'immigration: des enjeux fondamentaux restent à approfondir

Contrairement à ce que souhaite la ministre Weil, nous ne voulons pas d'une politique d'immigration basée sur le modèle canadien, mais plutôt d'une politique québécoise, en totale maîtrise d'œuvre, adaptée à la spécificité de notre nation et en phase avec les valeurs démocratiques qui nous distinguent.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Le 28 janvier 2015, il y a 15 jours à peine, la Commission des relations avec les citoyens entamait, à l'Assemblée nationale du Québec, ses travaux sur une nouvelle politique en matière d'immigration, pilotée par la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Kathleen Weil.

Intitulé Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion, le document a fait l'objet de consultations particulières lors d'auditions publiques, auxquelles ont participé avec beaucoup de rigueur plusieurs personnes et groupes concernés et intéressés par l'immigration, que d'aucuns considèrent comme l'un des grands enjeux mondiaux des 50 prochaines années, y compris pour le Québec. Je les remercie tous pour leur contribution notable, qui a été très appréciée par l'ensemble des membres de cette commission parlementaire.

Toutefois, il aurait fallu que cette consultation soit la plus large et la plus transparente possible, en regard des enjeux gigantesques pour le Québec.

La ministre Weil a déposé son projet de politique le 5 décembre 2014, soit à la toute dernière journée de la session parlementaire. Les convocations aux groupes et aux personnes, pour qu'ils se présentent devant la commission parlementaire, ont été acheminées le 17 décembre 2014, à une semaine du long congé des fêtes. Compte tenu des délais très courts, plusieurs de ces groupes et de ces personnes ont dû décliner l'invitation. Conséquemment, de nombreuses voix éclairées sur ces enjeux importants n'ont pu être entendues.

Par ailleurs, plusieurs personnes triées sur le volet, à huis clos, discrètement, ont eu l'occasion, dès le mois de juillet 2014, d'être consultées à propos de cette politique, avec une entente de confidentialité en prime!

Par un élémentaire souci d'équité, nous avons demandé, en vain, une prolongation des auditions. Nous aurions ainsi permis à toutes et à tous d'être entendus, et aurions eu en main tous les avis pertinents sur la politique qui jettera les bases d'un projet de loi que la ministre s'est engagée à déposer à l'automne 2015.

Nombreux enjeux fondamentaux

Nous saluons bien sûr les efforts de la ministre qui, pour de grands pans de sa politique, a été inspirée par le projet de loi 71 de notre ancienne collègue Diane De Courcy. Celui-ci avait pour objet de contribuer, par l'immigration, à la pérennité du français comme langue commune, à l'enrichissement du patrimoine culturel, à la prospérité économique, au dynamisme démographique et à la vitalité du territoire. Nous sommes d'accord pour dire qu'il est temps de moderniser la politique mise en place en 1990, afin qu'elle soit en phase avec les réalités d'aujourd'hui et celles de demain. Nous réitérons toutefois que tous ont le droit de vivre et de travailler en français, selon ce qui est prévu dans la Charte de la langue française, et que tous les nouveaux arrivants ont le droit d'apprendre le français et de bénéficier de mesures raisonnables d'accueil et d'intégration à la vie québécoise.

À propos des régions, la ministre Weil souhaite que l'immigration puisse contribuer significativement à leur dynamisme. Mais, en même temps, en octobre dernier, il y a de cela quatre mois à peine, nous apprenions la fermeture des bureaux régionaux de son ministère, à Québec, à Sherbrooke, à Gatineau et à Trois-Rivières. Si cette décision devient réalité, il y a lieu de craindre des impacts sur l'intégration des nouveaux arrivants dans ces régions. La ministre donne l'impression qu'elle ignore les élus et les autres acteurs du développement de nos régions, qui crient au secours et qui s'inquiètent de l'avenir de leurs communautés. Les coupes dans les ressources vouées au développement régional font très mal; pensons au sort réservé aux centres locaux de développement (CLD), aux carrefours jeunesse emploi (CJE) et aux conférences régionales des élus (CRÉ), des outils performants qui sont sacrifiés sur l'autel de l'austérité et de la centralisation. Des milliers d'emplois ont été perdus depuis l'arrivée des libéraux au pouvoir, dans toutes les régions du Québec. Comment la ministre pense-t-elle élaborer sérieusement des stratégies qui tiennent compte des besoins des milieux, alors que son gouvernement ampute ces mêmes régions de leurs principaux outils de développement?

La ministre souhaite, par ailleurs, que les organismes communautaires prennent la relève. Mais ces derniers sont, eux aussi, dans la mire des tenants de l'austérité! Les organismes de régionalisation de l'immigration sont tous inquiets et les compressions attendues ne feront que fragiliser davantage leur situation. La ministre pense-t-elle sérieusement attirer de nouveaux Québécois dans les régions, alors que son gouvernement s'applique plutôt à démanteler leur tissu économique?

Outre la régionalisation, les enjeux liés à la place qu'occupera le français dans la nouvelle politique, de même que l'emploi, la reconnaissance des compétences et la définition même du concept d'interculturalisme sont autant d'éléments qui doivent être pris en compte, le dernier devant même être traité à part, afin d'être mieux défini et mieux compris.

Comme l'ont exposé certains témoins, il faut comprendre la notion d'interculturalisme comme étant une politique de gestion de la diversité, qui relève d'une série de propositions normatives qui pose non seulement la primauté de la langue française comme langue publique commune, mais qui prône aussi l'allégeance symbolique aux valeurs de la majorité d'expression française. Il serait nécessaire que le concept d'interculturalisme ainsi que ses tenants et aboutissants soient débattus publiquement dans le cadre d'une commission parlementaire.

De plus, on ne saurait trop insister sur l'offre de services en francisation pour assurer la pérennité du français, mais également pour soutenir une intégration réussie des nouveaux arrivants, surtout lorsque l'on constate que près de la moitié des immigrants, soit 43 %, ne connaissent pas un mot de français avant leur arrivée en sol québécois.

Par ailleurs, il nous faut également faire preuve de prudence dans la fixation des seuils d'immigration. La ministre doit être sensible au fait que plusieurs immigrants font face à un problème de sous-emploi, leur taux de chômage étant plus élevé par rapport à l'ensemble de la population. Aussi, nous invitons la ministre à déposer, dans les plus brefs délais, un protocole visant à amener les différents ordres professionnels et le gouvernement à mieux reconnaître les compétences des nouveaux arrivants.

Je réitère finalement que pour nous, il n'est pas question, contrairement à ce que souhaite la ministre, d'un système d'immigration basé sur le modèle canadien. Nous ne voulons pas d'une politique inspirée par Ottawa, mais plutôt d'une politique québécoise, en totale maîtrise d'œuvre, adaptée à la spécificité de notre nation et en phase avec les valeurs démocratiques qui nous distinguent.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Chinois (non spécifié)

Les 25 langues les plus parlées à la maison par les immigrants au Canada (2013)

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.