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Comment jʼai découvert que mon mari est un «sugar daddy»

Cette année, une autre femme avait trouvé un sac hors de prix sous le sapin, et moi... une glacière souple.
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Jʼen ai eu le souffle coupé. «Mon Dieu, mon mari ne peut pas être un
Olga Balynska via Getty Images
Jʼen ai eu le souffle coupé. «Mon Dieu, mon mari ne peut pas être un

Je me croyais comblée par lʼexistence. Jʼavais tout: trois enfants magnifiques, un mari chef dʼentreprise prêt à sʼen occuper quand je partais en Afrique de lʼEst pour me consacrer à une association humanitaire, une grande maison dans une banlieue aisée de la Silicon Valley, une résidence secondaire près dʼun lac. Mais je ne soupçonnais pas ce qui se tramait derrière mon dos ni la manière dont ce secret allait bouleverser ma vie.

Mon mariage a commencé à se désintégrer il y a trois ans. La thérapie de couple nʼy faisait rien, et nos disputes allaient crescendo — jusquʼà ce quʼenfin, après plus de 20 ans de vie commune, il mʼannonce quʼil me quittait pour de bon.

L'esprit paralysé

Jʼétais anéantie, lʼesprit comme paralysé. Je nʼavais plus vécu seule depuis que jʼétais une toute jeune femme. Mes cheveux grisonnaient, ma chair devenait flasque et le marché du travail mʼétait totalement étranger depuis plus de deux décennies. Je souffrais aussi de dépression et dʼanxiété chroniques, et lʼidée de faire des rencontres en ligne me terrifiait. La dernière fois que jʼavais eu un rendez-vous galant, le web nʼexistait même pas! Vous vous souvenez de ce que cʼétait, la vie sans internet, vous? Eh bien, moi pas.

Me ressaisir, continuer à avancer me semblait impossible... Mais je ne pouvais pas non plus me permettre de rester prostrée sur place.

Mon mari et moi ne nous étions jamais conformés à des rôles dits «traditionnels». Il cuisinait, faisait la lessive et partageait la majorité des tâches liées à lʼéducation des enfants. Mais en bonne petite épouse, je lui laissais la gestion des finances du foyer: je nʼavais même pas les mots de passe permettant dʼaccéder à nos comptes et à nos cartes de crédit. Ridicule, je sais...

Comment avais-je pu passer à côté de tout ça? Une chambre dʼhôtel à San Francisco, la nuit précédant des vacances en famille? Une note de 2000$ chez Louis Vuitton, à la veille de Noël? Cette année une autre femme avait trouvé un sac hors de prix sous le sapin, et moi... une glacière souple.

Peu après la séparation, jʼai réalisé que jʼallais devoir mʼétablir un budget. Je me suis préparée à partir réellement de zéro: je ne connaissais même pas le montant de nos factures. Mon mari mʼa fourni toutes les informations nécessaires pour accéder à nos comptes — ce qui pourrait surprendre, vu ce que jʼétais sur le point de découvrir.

En commençant à parcourir nos relevés, jʼai remarqué un prélèvement récurrent qui ne me semblait correspondre à rien. Il paraissait destiné à une entreprise de technologie, mais je ne voyais pas ce quʼil faisait là, vu que toutes les dépenses professionnelles de mon mari passaient par sa carte dʼentreprise. Jʼai tapé le nom de la société sur Google, tombant sur un site nommé seekingarrangement.com. «Quʼest-ce que cʼest, ce truc?», me suis-je demandé à voix haute.

Quʼest-ce que cʼest que ce truc?

Jʼai cliqué sur le lien, et le site qui sʼest ouvert mʼa laissée pétrifiée sur place. Dʼaprès sa page «À propos de nous», Seeking Arrangement est «le premier site de rencontres spécialement dédié aux sugar daddies, à travers lequel plus de 10 millions de membres peuvent établir des relations agréables dans le respect des attentes de chacun». En dʼautres termes, il met en relation des hommes mûrs et fortunés avec de jeunes femmes qui leur offrent leur compagnie et, éventuellement, leur corps en échange dʼargent ou de cadeaux.

Jʼen ai eu le souffle coupé. «Mon Dieu, mon mari ne peut pas être un sugar daddy

Une fois suffisamment remise pour reprendre le contrôle de mon corps, jʼai entamé quelques recherches sur cette sphère inconnue. Jʼai découvert ces étudiantes qui trouvent sur de telles plateformes des partenaires prêts à leur offrir des vêtements de luxe, de magnifiques vacances... ou même à financer leur scolarité. Attendez un instant... Nous aussi avions une fille de cet âge, dont lʼuniversité privée nous coûtait les yeux de la tête. Mon mari payait-il également les frais dʼune inconnue, ou même de plusieurs? Leur donnait-il son argent — notre argent — en guise de rémunération pour des faveurs sexuelles? Rien que de lʼimaginer, jʼen avais la nausée.

Refermant lʼordinateur, jʼai filé au supermarché le plus proche — toujours en pyjama — pour y acheter dossiers, surligneurs, ramettes de papier pour imprimante, trombones... Bref, toutes les fournitures de bureau qui semblaient devoir mʼêtre utiles. Revenue à la maison, jʼai commencé à passer au crible nos relevés bancaires, à la recherche de toute dépense suspecte.

Pendant les 12 heures qui ont suivi, je ne me suis plus décollée de mon écran. Plus les montants sʼaccumulaient — hôtels, restaurants haut de gamme —, plus il me semblait voir ma vie changer totalement de visage. Comment avais-je pu passer à côté de tout ça? Une chambre réservée à San Francisco, la nuit précédant des vacances en famille? Une note de 2000$ chez Louis Vuitton, à la veille de Noël? Je nʼavais jamais mis les pieds dans ce magasin! Cette année une autre femme avait trouvé un sac hors de prix sous le sapin, et moi... une glacière souple.

Ces traces remontaient à au moins un an. Je me suis ensuite connectée au compte PayPal de mon mari (nʼétant guère plus doué que moi en informatique, il utilisait systématiquement le même mot de passe), tombant directement sur les versements envoyés à ces femmes. «Profite bien de ta sortie magasinage», «Passe un bon week-end!», disaient les messages qui les accompagnaient. Leur quantité était impressionnante — et tous dépassaient les 700$.

En moi, le choc initial a laissé place à tout un éventail dʼémotions: fureur, dégoût, honte.

En moi, le choc initial a laissé place à tout un éventail dʼémotions: fureur, dégoût, honte. Jʼai appelé mon ex pour lui révéler ma trouvaille. «Comment as-tu pu me faire ça?», ai-je demandé, accusatrice. «Comment as-tu pu emmener une autre femme dans un hôtel où nous avions séjourné tous les deux? Et surtout, pourquoi?» Il ne mʼa apporté aucune réponse, se contentant dʼaffirmer que se sentir enfin apprécié lui avait fait énormément de bien, et que jʼétais aussi un peu responsable de notre situation. Il a conclu en remuant encore le couteau dans la plaie: «Et jʼai simplement choisi cet hôtel parce que cʼest un endroit merveilleux».

Jʼai réalisé que je nʼobtiendrais jamais ainsi les réponses que je voulais et dont jʼavais besoin. Non — jʼallais devoir aller de lʼavant, faisant de mon mieux pour retrouver la dignité quʼil mʼavait volée.

En finissant mon compte-rendu des paiements liés à ses infidélités (une performance de taille, car je nʼavais plus travaillé sur une feuille de calcul depuis plus de 20 ans), jʼai réalisé que je nʼobtiendrais jamais ainsi les réponses que je voulais et dont jʼavais besoin. Non — après avoir remis tous les documents pertinents à mes avocats, jʼallais devoir aller de lʼavant, faisant de mon mieux pour retrouver la dignité quʼil mʼavait volée.

En bonne pratiquante et professeur de yoga, je connais la valeur de lʼintrospection. Cʼétait le moment ou jamais de «tourner mon regard vers lʼintérieur», selon lʼexpression consacrée. Jʼai acheté tous les livres sur le divorce qui me tombaient sous la main. Je me suis inscrite à de multiples ateliers et autres séminaires sur lʼacceptation de soi. Jʼai étudié les ressorts de la honte et de la résilience, et pour ne jamais oublier ma propre force, je me suis trouvé un collier orné de ce mot. Peu à peu, jʼai acquis la conviction que je pouvais non seulement survivre à ce cauchemar, mais en sortir renforcée.

Cette indépendance nouvelle est parfois formidable, parfois franchement effrayante, mais je sais que je suis sur la bonne voie.

Pour la première fois depuis deux décennies, jʼai repris en main mes finances: ouverture de mes propres comptes bancaires, obtention de cartes de crédit, acquisition dʼune maison, mise en place dʼun budget mensuel et, le plus important, conception dʼun plan d'affaire pour mon prochain projet de carrière. Après avoir convaincu le directeur dʼune école primaire, je suis à présent responsable dʼun cours hebdomadaire de yoga et de pleine conscience adressé à plus de 300 enfants, de la maternelle au secondaire. Cette indépendance nouvelle est parfois formidable, parfois franchement effrayante, mais je sais que je suis sur la bonne voie.

Au fur et à mesure de ma reconstruction, toutes mes lectures, mes ateliers, mes séances de thérapie, mes plus proches amies mʼont fait passer ce même message: les actes de mon mari sont sa faute, pas la mienne. Bien sûr, cela ne veut pas dire que je nʼai joué aucun rôle dans lʼéchec de notre couple, bien au contraire. Mais je comprends à présent quʼil me faut prendre conscience des erreurs que jʼai commises, en tirer les leçons, et apprendre à me pardonner afin dʼavancer vers lʼavenir. Ce nʼest pas moi qui lʼai poussé à me tromper — ce choix est entièrement de sa responsabilité.

Près dʼun an sʼest écoulé depuis cette terrible journée où jʼai découvert que la vie que je croyais mener nʼétait quʼun mensonge. Je ressens encore de la colère, de la tristesse, et il mʼarrive bien souvent de pleurer. Mais en me levant tous les matins pour me rendre à mon nouveau travail, réparer une fuite dans ma propre maison ou accrocher un tableau à lʼendroit que je veux, je me dis que je vais mʼen sortir.

Comme la fleur de lotus que je mʼétais fait tatouer sur le bras au lendemain de son départ, nous devons tous émerger de la boue pour arriver dans la lumière. Même sʼil mʼarrive encore dʼen douter, je ne cesse de me répéter que je vaux la peine et que jʼai devant moi un avenir radieux que ni mon ex-conjoint ni ses décisions ne peuvent ternir.

Ce blogue, publié à lʼorigine sur le HuffPost américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast For Word.

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