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Post-partum: cet après que je déteste tant

Enceinte de mon deuxième enfant, je redoutais les suites de couches plus que l'accouchement lui-même. Et, sous certains aspects, ce fut encore pire cette fois. Laissez-moi vous présenter mon pire cauchemar : le post-partum.
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Lorsque ma fille est née, après un accouchement plutôt violent, je me souviens de ce moment où j'ai remonté le long couloir de la maternité dans un fauteuil roulant pour arriver à ma chambre. Je me suis dit "Quoi, c'est tout?". Tout avait l'air normal, je n'avais pas mal, un enfant venait de sortir de moi, mais tout allait bien. Ce n'est que plus tard que j'ai compris ma douleur. Enceinte de mon deuxième enfant, je redoutais les suites de couches plus que l'accouchement lui-même. Et, sous certains aspects, ce fut encore pire cette fois. Laissez-moi vous présenter mon pire cauchemar : le post-partum.

J'ai eu deux accouchements violents. Péridurale inefficace, déchirure, gros bébés, bref, je les ai sentis passer. À la maternité, j'ai connu la peur d'aller faire pipi (et la bouteille d'eau à côté des toilettes) (#cellesquisavent), le réveil du second jour où mon corps tout entier n'est que douleur, l'impression d'avoir été passée à tabac, la première douche qui montre l'étendue des dégâts... Puis le retour à la maison, et la sensation d'être vidée de toute énergie et totalement dépassée par les évènements.

La seconde fois, ce fut plus difficile physiquement. Un bébé de plus de 4 kilos expulsé en quelques minutes, ça laisse des traces. On m'a manipulé le coccyx à la maternité, mais je n'ai pratiquement pas pu m'asseoir pendant un mois. J'avais le bassin en miettes, des douleurs permanentes, en plus des douleurs dues aux points et aux contractions (oui, l'utérus se remet en place à coup de contractions, sympa hein?). Ces douleurs dissipées, je dirais qu'il m'a fallu bien deux mois pour me sentir à peu près comme avant. Et quand je dis comme avant... j'ai encore dix kilos de grossesse et un périnée aux abonnés absents.

Mais je m'attendais plus ou moins à tout ceci, je l'ai donc moins mal vécu. Parce que la première fois... ce fut un choc. Ce corps désormais inconnu, le choc de sentir des points de suture là où personne n'a envie d'en avoir, les articulations qui accusent le coup... Je ne savais pas. Mais c'est surtout psychologiquement que cela a été compliqué. On parle du «baby blues», mais on ne sait pas que cela peut prendre de telles proportions. Enfin si, on le sait, mais on se sent à l'abri parce qu'on est tellement heureux d'attendre ce bébé.

Et c'est là que le bât blesse: un enfant, c'est du bonheur. On le désire, on l'attend, on l'aime, il nous renverse. Que du bonheur? Non, mais c'est ce qu'on entend partout. Alors on se sent une mère horrible parce qu'on pleure. Parce que, parfois, la dépression post-partum prend le relais et qu'on se surprend à ne plus vouloir voir ce bébé. À considérer les clés de voiture en se disant "et si je partais?". Bizarrement, lorsque l'on trouve le courage d'en parler, d'autres mères racontent les mêmes histoires, le même mal-être, la même culpabilité. L'envie de hurler sur son bébé, de partir, de pleurer sans arrêt.

La dépression post-partum, c'est un sujet infini à développer, je me contenterai de vous transcrire ce que j'écrivais à l'époque sur mon autre blogue : je n'ai pas fait de «baby blues», non. J'ai plutôt tapé dans la dépression post-partum. La différence? Le «baby blues», c'est une femme belle et mystérieuse accoudée au comptoir d'un piano bar enfumé, qui écoute distraitement un morceau de jazz en sirotant un verre de martini d'un air vaguement mélancolique. La dépression post-partum, c'est le japonais qui se fait un syndrome de Stendhal devant Notre Dame de Paris, se roule par terre en arrachant ses vêtements et en hurlant qu'il est la réincarnation de Marie Madeleine et qu'il doit être lapidé, et, une fois débarrassé de ses oripeaux, se lacère le visage et les avant-bras avec une miniature de la tour Eiffel en plastique achetée quelques rues plus loin, les yeux révulsés et un air de terreur mystique sur les traits. Ou un truc dans le genre.

Bref, ça se voulait drôle, mais la vérité c'est que je n'ai rigolé tous les jours, loin s'en faut. On est peu préparées à l'après. Et surtout, une fois le bébé né, l'attention se focalise sur lui. Son sommeil, ses tétées, les coliques et autres joyeusetés. Tout le monde se préoccupe de notre santé durant la grossesse, et on a l'impression que tout est terminé. Alors que non, loin de là. On dit souvent qu'il faut 6 à 8 semaines pour se remettre d'un accouchement. C'est la réalité. Pourtant, on dirait qu'il nous faut reprendre notre vie d'avant à peine rentrées à la maison. Je ne parle même pas de l'aspect psychologique, car, on ne le dira jamais assez, l'arrivée d'un premier enfant est un véritable bouleversement. C'est comme si l'on détruisait une maison pour la reconstruire. C'est pour du mieux, certes, mais il faut d'abord tout casser. Non, sans parler de ça, on sous-estime beaucoup les suites de couches.

Même en le sachant, j'ai culpabilisé d'être aussi peu "efficace" après la naissance de mon fils. L'ostéopathe m'a dit "attendez, un bébé de 4,100 kilos et une demie péri... donnez-vous un peu de temps!". Plus tard, une énergéticienne m'expliquait qu'en Asie les accouchées étaient beaucoup plus choyées, qu'elles ne faisaient rien pendant de longues semaines, alors qu'en occident on avait tendance à leur en demander beaucoup trop. Je suis chanceuse, car j'ai un mari qui prend carrément le relai et s'occupe de tout les premiers temps. Mais il n'avait pas les réponses à mes questions, comment les aurait-il eues?

On trouve toujours des femmes qui ont vécu tout ceci de façon simple et légère, et on les déteste à peu près autant que celles qui disent "l'accouchement? oh, ça va, juste une grosse douleur de règles...". Chez moi le post-partum c'est moche. Très moche. En parler est, je crois, nécessaire. Non parce qu'en vrai, personne ne fait la brouette thaïlandaise deux semaines après avoir accouché. Non, non, promis. Enfin j'espère! Non, en réalité, on fait ce qu'on peut pour traverser cette période, et finalement c'est déjà pas mal. Après tout, on a donné la vie, non?

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"A Beautiful Body", par Jade Beall

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