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Des repas surgelés à saveur d'austérité

Un vendredi de janvier, c'est dans ma cuisine que l'austérité est débarquée. J'ai appris que j'allais devoir manger des plats surgelés 365 jours par année. Ce n'est pas une blague.
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L'austérité, est-elle arrivée chez vous? Elle est arrivée chez moi un vendredi de janvier sans s'annoncer. Évidemment, je me doutais bien qu'elle allait me rendre visite bientôt; elle s'est invitée chez tant de gens dernièrement.

Je suis une personne handicapée ayant besoin d'assistance pour réaliser diverses tâches de la vie quotidienne. Lorsque j'ai déménagé à Montréal pour étudier au CÉGEP à l'âge de 17 ans, le CLSC de mon quartier m'a attribué un nombre d'heures de soutien à domicile. J'ai rapidement appris à engager des personnes pour m'aider à faire ce que je n'arrive pas à faire seule. Le système de soutien à domicile comporte de graves lacunes. Pour ma part, j'ai eu la chance de tomber dans la gang des chanceux pour qui le système imparfait fonctionnait.

Un vendredi de janvier, c'est dans ma cuisine que l'austérité est débarquée. J'ai appris que j'allais devoir manger des plats surgelés 365 jours par année. Ce n'est pas une blague.

L'aide que je recevais pour la préparation de mes repas, soit deux petites heures par semaine, venait d'être coupée. Mon ergothérapeute était sincèrement désolée. «Toutes les personnes du CSSS qui avaient ce service ont été coupées. Je suis vraiment désolée. J'ai tout fait pour garder tes heures de service, mais ça n'a pas fonctionné. Je t'ai emmené des dépliants sur des entreprises qui offrent des plats surgelés. Je peux aussi t'envoyer une liste des plats surgelés les plus santé disponibles à l'épicerie. Il te reste une demi-heure par jour pour faire réchauffer le plat et le laver.» Son travail est de permettre aux gens de vivre de façon automne et non pas de leur apprendre qu'ils vont maintenant devoir manger du surgelé à longueur d'année. Elle m'a aussi remis un petit dépliant du CSSS intitulé «Rester chez soi : une responsabilité partagée». Un court texte explique qu'en raison de l'augmentation des demandes de services à domicile et des ressources financières limitées, l'entourage des personnes recevant des services devra contribuer.

Je suis restée bouche bée. Je suis pourtant parfaitement au courant que les besoins des personnes handicapées ne sont pas comblés, et ce, depuis bien longtemps. Je ne suis pas la seule à devoir composer avec une nouvelle vague de coupures de services. Les groupes les plus marginalisés de notre société sont souvent les premiers à subir les conséquences des régimes minceurs des gouvernements.

La solution du gouvernement pour compenser la coupure de services est de faire davantage appel à l'entourage des personnes handicapées et âgées. Une telle solution est un réel affront à ces personnes et à leurs proches. Plusieurs études ont démontré que les aidants naturels en font déjà beaucoup (beaucoup trop dans plusieurs cas). De nombreuses familles s'appauvrissent pour subvenir aux besoins de leurs proches. Des études ont aussi prouvé que les personnes handicapées, les femmes handicapées en particulier, sont davantage victimes de violence et d'abus de la part de leur entourage, alors que d'autres ont démontré que l'inaccessibilité des services a des conséquences négatives sur la santé physique, la santé mentale et la participation sociale. De plus, les bienfaits d'une saine alimentation sont également connus. Une bonne nutrition ne se compose pas d'un régime exclusivement à base de repas surgelés. Un tel régime coûte également plus cher et il se trouve que les personnes handicapées sont parmi les plus pauvres de notre société.

Mais tous ces faits semblent ne plus avoir d'importance. Le gouvernement Couillard a affiché autre chose au menu et les choix proposés sont limités. Les gestionnaires et les intervenants du milieu de la santé se retrouvent notamment à devoir choisir entre des coupures à l'aide pour la préparation de repas ou à l'aide pour des soins d'hygiène de base. Face à un tel menu, les repas surgelés à saveur d'austérité semblent être le choix le moins indigeste.

Les coupures visant les personnes handicapées ne se limitent pas aux services de soutien à domicile. L'aide à l'emploi, la mise en accessibilité du transport en commun et le transport adapté sont également touchés. Le gouvernement Couillard a fait le choix politique de gruger les droits des personnes handicapées, droits qui étaient déjà régulièrement bafoués.

Bien des gens s'offusquent de ces coupures touchant les personnes handicapées parce qu'elles sont considérées comme des personnes vulnérables. À ce sujet, j'invite les gens refusant l'austérité à faire attention. La pitié n'a pas un meilleur goût que l'austérité. Ce que les personnes handicapées demandent, c'est l'égalité.

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