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Turcot: l'erreur montréale

Québec va donc «investir» 3,7 milliards pour reconstruire l'échangeur Turcot d'ici 2020. Sans même penser aux inévitables dépassements de coûts, Turcot coûte à lui seul l'équivalent, à peu de chose près, de nos deux mégas hôpitaux. Ce seul chiffre devrait nous faire réfléchir. Alors que nous manquons d'argent pour rénover nos écoles, nous donner des hôpitaux modernes, avons-nous encore les moyens de dépendre autant de l'automobile, du pétrole et du béton? Qui va enfin fermer le robinet?
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Ainsi donc, Québec va «investir» 3,7 milliards pour reconstruire l'échangeur Turcot d'ici 2020. Sans même penser aux inévitables dépassements de coûts qui feront très certainement passer la facture à plus de 5 milliards, Turcot coûte à lui seul l'équivalent, à peu de chose près, de nos deux mégas hôpitaux. Ce seul chiffre devrait nous faire réfléchir. Alors que nous manquons d'argent pour rénover nos écoles, nous donner des hôpitaux modernes, avons-nous encore les moyens de dépendre autant de l'automobile, du pétrole et du béton? Qui va enfin fermer le robinet?

Car le robinet est ouvert au maximum depuis l'apparition des autoroutes dans les années 1960. L'idée de base de la mobilité était: «achetez-vous des autos, installez-vous n'importe où, et nous vous ferons des routes accessibles gratuitement». Résultat, cinquante ans plus tard: le Québec importe annuellement pour 14 milliards $ de pétrole et 10 milliards $ d'automobiles, investit plus de deux milliards $ par année dans le développement et l'entretien d'un réseau routier plus étendu que celui de la France pour une population dix fois moindre.

Dans le Grand Montréal et ses banlieues, il s’est ajouté 200 000 voitures de 2005 à 2010, et le réseau routier montréalais est devenu un grand stationnement à ciel ouvert. Selon la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, cette congestion occasionne des coûts économiques de plusieurs milliards de dollars annuellement. De plus, le transport accapare maintenant 14% des dépenses des familles québécoises, et la voiture occupe à elle seule 85% de ce poste budgétaire. Qui va mettre un frein à cette hémorragie?

On aurait cru que le ministère des Transports du Québec (MTQ) saisirait l'occasion d'un investissement qui ne se produit qu'une fois à toutes les deux ou trois générations pour prendre le virage nécessaire en transport collectif. Il est plutôt resté enfermé dans une logique du tout à l'automobile en maintenant une capacité de 300 000 véhicules et en refusant de considérer des options plus ambitieuses de transfert modal vers les transports collectifs. Bien sûr des voies réservées pour autobus ont été prévues, mais outre ceci, le modèle de mobilité proposé demeure celui de 1960, pas celui de 2020, encore moins celui de 2030. Et on a le culot en plus de blâmer le BAPE et la société civile pour des dépassements de coûts de plus de 400 %! Ce n'est pas sérieux pour un projet qui n'a été modifié qu'à la marge depuis sa première mouture.

Le billet de Karel Mayrand se poursuit après la galerie

La reconstruction de l'échangeur Turcot

Et pendant ce temps le gouvernement fédéral propose de nous parachuter un nouveau pont Champlain préfabriqué, construit en PPP, et qui ne prévoit pas de système de train léger sur rail, une infrastructure réclamée autant par Montréal que la rive sud. Un autre 5 milliards gaspillé sur une infrastructure du siècle dernier, avec à la clé un modèle de péage totalement dépassé, inéquitable parce qu'il ne s'appliquera qu'à un seul pont de la Rive-Sud, et qui ne permettra pas de gérer la circulation de manière intelligente. Un projet imbuvable.

La couple Turcot-Champlain présentement sur la table répond au besoin urgent d'éviter un effondrement de ces infrastructures, mais il programme du même coup l'étouffement de Montréal sous le poids de la congestion, du coût croissant de notre dépendance au pétrole et à l'automobile, alors que le prix du litre d'essence a plus que doublé en une décennie.

Et c'est sans compter que Turcot continuera de contribuer massivement à la pollution de l'air et au smog, en plus de diviser des quartiers parmi les plus pauvres de Montréal qui auraient grand besoin d'une revitalisation. Les familles reviendront-elles vivre à Montréal si c'est pour vivre dans des quartiers où le MTQ bâtit des parcs sur des remblais d'autoroutes et où la qualité de l'air est mauvaise pendant plusieurs semaines à chaque année ? On se demande ensuite pourquoi les familles francophones quittent pour la banlieue et pourquoi Montréal s'anglicise.

Non, ces deux projets ne sont pas à la hauteur des montants qui y sont investis, pas à la hauteur des ambitions de Montréal de redevenir une ville innovante et qui n'a pas honte d'elle-même. Les Montréalais ne peuvent laisser passer 10 milliards $ d'investissement en transport qui vont définir notre ville pour la plus grande partie de ce siècle sur la base d'un modèle qui nous enfonce encore plus dans l'erreur montréale. Montréal doit amorcer sa renaissance. Québec doit fermer le robinet de notre endettement collectif en matière de transport.

Turcot est une cicatrice d'une autre époque. Il est temps d'amorcer la guérison.

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