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Les Argentins se réveillent en défaut

L'humeur est à la défiance dans les rues de Buenos Aires après que l'agence de notation Fitch Ratings et Moody ait déclaré vendredi dernier l'Argentine en défaut de paiement, pour la huitième fois de son histoire.
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L'humeur est à la défiance dans les rues de Buenos Aires après que l'agence de notation Fitch Ratings et Moody ait déclaré vendredi dernier l'Argentine en défaut pour la huitième fois de son histoire.

La veille, une autre agence Standard & Poor's (S&P) avait annoncé que la nation sud-américaine était en « défaut sélectif ». Un pays est placé en « défaut sélectif » lorsque «l'emprunteur n'a pas honoré une certaine partie de ses obligations ou une émission spécifique, mais qu'il continue de payer ses autres types d'emprunts dans les temps», selon un communiqué de S&P.

«Cette situation me paraît injuste et l'Argentine a besoin de temps pour payer sa dette avec intérêts,» explique Julia, avec un brin de désarroi, une fleuriste qui travaille à quelques rues de la «maison rose» de la présidente.

La Cour d'appel de New York a condamné l'Argentine à rembourser la totalité de sa dette mercredi soir.

L'Argentine souhaitait en honorer une partie - 539 millions de dollars - auprès de ses créanciers «hold-out» le 30 juin, mais le juge américain, Thomas Griesa, a bloqué le paiement. Il a jugé que l'Argentine ne peut pas payer ses obligations restructurées à moins qu'elle ne verse également plus de 1,5 milliard de dollars à deux fonds spéculatifs, Aurelius Capital Management LP et Elliott Management Corp NML Capital Ltd.

Ils sont surnommés «fonds vautours », car une partie de leurs bénéfices provient de l'achat de la dette de pays ou d'entreprises en difficulté.

NML Capital, à titre d'exemple, devrait obtenir près de 800 millions de dollars pour les titres de créance de l'Argentine alors qu'ils lui ont coûté 50 millions de dollars en 2001.

Comment l'Argentine en est-elle arrivée là ?

En 2001, l'économie du pays s'effondre, provoquant émeutes, pillages et instabilité politique. «Que se vayan todos!» (qu'ils s'en aillent tous!) proclament les Argentins, en référence à leurs dirigeants et à leurs institutions. L'État est ensuite en cessation de paiement de plus de 100 milliards de dollars de dette - le plus grand défaut souverain au monde. Ce montant équivaut à environ 166% du PIB de l'Argentine.

Quelques années plus tard, suite à des tractations, les créanciers accordent à l'Argentine un remboursement de 30% à 50% de la valeur nominale de sa dette. En d'autres termes, cela revient à laisser un pays payer seulement 300 000 dollars du million de dollars qu'il devait initialement rembourser à ses créanciers.

Plus précisément, lorsque l'Argentine est de nouveau sur pieds en 2005, elle propose une restructuration de la dette à ses créanciers afin de normaliser les relations. L'Argentine offre aux porteurs de l'ancienne dette la possibilité de renoncer à leurs créances non performantes en échange de nouvelles obligations - moins onéreuse, mais avec un intérêt qui sera payé. Près de 75% d'entre eux participent à l'échange de la dette.

En 2010, la plupart des créanciers restants (93%) cèdent leurs obligations.

Cependant, un petit groupe de créanciers récalcitrants refuse la restructuration de la dette. Ils réclament auprès de la Cour fédérale de New York que l'Argentine rembourse l'intégralité de sa dette.

Pourquoi l'Argentine ne paiera pas ?

Le pays soutient qu'il ne peut pas acquitter ses créanciers en raison de la clause Droits en cas de futures offres (RUFO) contenue dans les obligations restructurées. Celle-ci empêche de favoriser un détenteur de titres.

Ainsi, si la nation d'Amérique du Sud paie 1,5 milliard de dollars aux deux fonds spéculatifs Aurelius Capital Management LP et Elliott Management Corp.'s NML Capital Ltd. - et elle en as les moyens - les 7 % de créanciers ayant refusé les accords de 2005 et 2010 pourraient ordonner d'être remboursés aussi.

Selon certaines estimations, la note que l'Argentine devrait débourser serait au maximum de 200 milliards de dollars, ce qui provoquerait une nouvelle crise.

À défaut et en déni?

«Les États-Unis ont manipulé le système juridique. Il est dans leur intérêt que l'Argentine ne paie pas sa dette de sorte qu'elle s'accumule,» affirme Nahoel, un vendeur de journaux dans la rue commerciale Florida à Buenos Aires.

En fait, les litiges sur les obligations doivent être réglés par les tribunaux américains, comme ce fut le cas le 30 juillet, car l'Argentine vend des obligations en dollars américains afin de financer son gouvernement dans les années 1990. Elles sont émises en vertu du droit de l'État de New York. A cette époque, l'Argentine a un énorme déficit suite à une période d'hyperinflation.

Néanmoins, une grande partie de la société argentine partage l'opinion de Nahoel. Celle-là est contre les États-Unis, le capitalisme ainsi que le néolibéralisme.

La présidente pugnace Cristina Fernandez de Kirchner de centre-gauche les a persuadés en jouant la carte de l'idéologie. Elle assure que l'Argentine est la victime d'un complot international, ce qui explique pourquoi elle minimise l'impact de la mise en défaut.

«C'est le 31 juillet, la terre continue de tourner de même que l'Argentine, ce qui est une très bonne nouvelle,» a t-elle affirmé lors d'un discours télévisé.

Axel Kicillof, le ministre de l'Économie, a également remis en cause l'objectivité des agences internationales de notation lors d'une conférence de presse. Il a traité le juge américain Griesa d'«agent» des fonds spéculatifs de New York.

S'adressant à la nation lors d'une conférence de presse télévisée, Kicillof a nié de but en blanc que son pays était en défaut sur sa dette - un «non-sens atomique». «Ceux qui applaudissent aujourd'hui l'apocalypse, ont applaudi la [crise] de 2001,» a t-il ajouté.

En revanche, de nombreux Argentins pensent que le gouvernement a manqué à son devoir. Ils attribuent l'histoire mouvementée de l'Argentine à une mauvaise gestion de l'État ainsi qu'à la fluctuation des prix des matières premières.

«Le gouvernement argentin aurait dû mieux gérer son budget. En 2007-2008, lorsque l'économie nationale se portait bien, le gouvernement aurait dû négocier sa dette,» dit Sergio, propriétaire d'une petite entreprise d'encens.

«C'est un gouvernement qui ne souhaite que se maintenir au pouvoir plutôt que de s'attaquer aux problèmes urgents,» soutient-il.

Ce qui se passe en Argentine reste en Argentine?

Pourtant, le peso a chuté de plus de 4% par rapport au dollar jeudi.

Bien que Buenos Aires soit un État jugé paria des marchés de capitaux internationaux depuis 2001 et soit donc moins touché par les conséquences de la mise en défaut, l'impact économique se fera certainement ressentir.

La troisième économie d'Amérique latine souffre d'une inflation galopante, d'un ralentissement de la croissance, d'une baisse des salaires ainsi que de la dévaluation du peso au début de cette année.

«Le contrecoup principal de la mise en défaut de l'Argentine est que son économie va moins croître et que l'État devra utiliser davantage de pesos pour financer son déficit budgétaire. Ceci va accroître l'inflation et la dévaluation, entrainant ainsi une baisse de l'emploi ainsi que de l'activité économique,» explique Sebastian Auguste, directeur du programme de MBA à l'Université Torcuato Di Tella de Buenos Aires.

«L'Argentine ne sera pas en mesure de profiter des conditions internationales de crédit peu cher ou d'investir lorsque nécessaire afin de stimuler son PIB,» dit-il.

En particulier, les biens durables et l'emploi seront les secteurs les plus touchés si la mise en défaut persiste, selon Dante Sica, directeur de abeceb.com, un cabinet de conseil à Buenos Aires.

Le taux de chômage en Argentine est actuellement de 7,1% en 2014 contre 19,2% en 2001.

Pressions à la baisse, augmentation ou maintien de taux d'intérêt élevés et réduction des attentes économiques seront les premiers effets de la mise en défaut.

Les fabricants de biens durables tels que les voitures, les motos et les appareils électroménagers seront les plus affectés, augmentant ainsi les dépenses des ménages, explique Sica.

Toutefois, le juge Griesa, qui a rendu la décision conduisant à la mise en défaut de l'État sud-américain, a intimé l'ordre que les négociations avec les investisseurs récalcitrants continuent. L'espoir demeure que l'Argentine paye sa dette après l'expiration de la clause RUFO le 31 décembre 2014.

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