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La cour arrière de l'Occident

Les tambours de la paix syrienne annoncés de bonne foi aux Nations-Unies pourront déclencher une réaction dans le monde sunnite arabe dont personne ne connait ni l'amplitude ni la durée.
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Certains médias reproduisent ces jours-ci la visite de Vladimir Poutine à l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. On le voit, entre autres, s'agenouillant devant le tombeau du Christ. Ces images qui veulent montrer la Russie comme fier défenseur du christianisme n'ont rien d'innocent. On s'affiche de plus en plus dans les deux camps.

On enlève les gants du politiquement correct. On parle franchement, d'un côté, de la menace du jihadisme dans le monde démocratique tandis que de l'autre côté, on crée un ralliement militaire des pays musulmans. La table est mise pour un long affrontement civilisationnel qui, plus tôt que de polariser les habituels nord et sud, orient et occident, droite et gauche, oppose cette fois l'Islam et la Chrétienté ou plutôt l'islamisme et la culture chrétienne.

D'abord la Turquie d'Erdogan, mécontente des critiques européennes, a consolidé son alliance avec le Qatar et l'Arabie Saoudite et rétablit ses relations fraternelles avec Israël. Elle accuse maintenant publiquement la Russie de diriger une offensive contre l'islam du monde entier. De là à appeler le monde islamique à se soulever contre la Russie, il ne reste qu'un pas. De son côté, Israël, l'alliée de circonstance de l'islam sunnite contre l'ennemi commun iranien et chiite, a demandé à Donald Trump de suspendre sa visite pour ne pas offenser ses amis des pays du Golf.

Quant aux États-Unis et à l'Occident, après des décennies d'alliances lucratives avec les pétromonarchies et après avoir encouragé l'instabilité et le chaos au Moyen-Orient, ils entament maintenant un virage majeur qui commence par un (timide?) refroidissement de leurs relations politiques et commerciales avec les pétromonarchies qui financent la terreur.

La Russie, quant à elle demeure constante dans sa crainte viscérale du cauchemar tchéchène et de l'islamisme radical. En ce sens, la réunion historique sur la Syrie aux Nations-Unies le 18 décembre 2015 qui demande l'arrêt des combats sans nécessairement renverser le régime syrien, est un dur coup pour le clan Wahabo-Islamo intégriste (Arabie Saoudite,Turquie, Qatar), et leur allié du moment Israël. Ce clan qui cherchait en vain depuis cinq ans à renverser le régime syrien, pro-iranien, par une guerre qui a presque détruit un des berceaux de la civilisation.

Heureusement, plus personne ne chante la rengaine nasillarde d'amener la démocratie et la liberté en Syrie par les rebelles «modérés».

La Turquie se sent coincée, tel un loup encerclé dans son habitat devenu tout d'un coup hostile. Les trois erreurs majeures qu'elle a commises (ouvrir les vannes des réfugiés vers l'Europe, attaquer l'avion russe et poursuivre son appui à Daech) ont réussi à exaspérer simultanément l'opinion publique de l'Occident et de la Russie et de les rallier de nouveau. Ces erreurs vont lui couter cher, mais elle a l'habitude de faire des 180 degrés afin de regagner l'acceptation de l'Occident. Ce n'est donc pas de la Turquie que viendront les hostilités, ni d'Israël d'ailleurs.

Si affrontement il y a (il est permis de spéculer), il viendra probablement de la réaction irréfléchie des pays riches du Golf. Ces milliardaires wahabbistes et intégristes blessés dans leur orgueil et voulant prouver leur salafisme devant leurs imams vont probablement ordonner un autre grand baroud d'honneur meurtrier en Syrie et en Irak, et au-delà, dès qu'ils s'apercevront que l'on tire le tapis sous leurs pieds. Ils joueront le tout pour le tout en essayant vainement d'embrigader des islamistes radicaux du monde contre le monde démocratique mécréant incluant la Russie. Heureusement que la majorité des musulmans de la planète se désintéresse totalement de la doctrine du Jihad.

Mais, le puzzle commence à se former. Un affrontement long et sournois entre le monde démocratique et les sources financières et logistiques du terrorisme apparait dès lors inévitable. Durant cet affrontement, au Moyen-Orient, les minorités non sunnites et les chrétiens continueront à subir le déracinement, la persécution et l'exil vers l'Occident, laissant tous leurs biens, institutions, églises et histoire millénaire, en proie à des hordes jihadistes qui veulent en effacer toutes traces. Il y aura quelques rares oasis de protection comme au Liban et sur la côte syrienne, mais pour combien d'années?

Tout ce qui brille n'est pas or. Les tambours de la paix syrienne annoncée de bonne foi aux Nations-Unies pourront déclencher une réaction dans le monde sunnite arabe dont personne ne connait ni l'amplitude ni la durée. Durant ce temps-là, les chrétiens du Moyen-Orient continueront à payer le lourd prix des erreurs passées de l'Occident, et de son manque de courage actuel. En fait, dans le puzzle, la seule pièce réellement problématique est cette dépendance au pétrodollar, cette pirouette dont seul l'Occident a le secret et qui lui permet à la fois d'entretenir des liens commerciaux avec les royaumes intégristes, de critiquer publiquement leurs politiques, sans toutefois jeter de l'huile sur le feu... voyons quelle sera sa position lors d'un éventuel affrontement.

Loin de ces tractations propres à la sphère internationale, et à défaut de pouvoir, rapidement, nettoyer la cour arrière de l'Occident, la population canadienne, elle, se mobilise. Et à travers les initiatives privées, et maintenant publiques, on perçoit une volonté d'accueillir dans nos maisons ces réfugiés, ces minorités, ces personnes déracinées par une guerre qui leur a été imposée.

Voilà donc mes prédictions plutôt sombres, mais, en même temps, teintées d'espérance en cette fin d'année surchargée.

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Mai 2017

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