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Lettre ouverte à un islamophobe alerte

Sais-tu à jamais qu'une large frange des musulmans ne se reconnait pas dans le langage de la violence à travers lequel tu miroites à tous ton sens de la citoyenneté?
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« Islamophobie » : voilà un terme qui t'écœure! Cette haute manipulation, émise de prime abord, par ce prédicateur qui écume les chaines de télévision, et qui ne fait pas la différence entre la haine et la peur. Et pourtant, comment négliger cette nuance, celle d'être un haineux des musulmans, revendiquant le droit d'en avoir peur, et celle d'avoir peur des musulmans, revendiquant le droit de les haïr ? La réponse est ailleurs en tout cas. Tu préfères t'en tenir souvent à de la discrimination positive pour tempérer tes effluves identitaires. Comme quoi il est facile d'amputer l'oiseau de ses ailes, le destiner aux cieux et nommer ça un dommage collatéral, hors de toute intention de haine ou de dilapidation.

Le sourire émerge difficilement de ta mine scabreuse lorsque tu te réveilles le matin. La vérité trouve refuge dans ton regard, dans ton savoir-vivre, tellement sophistiqué qu'après toi le déluge. Ta souffrance, ce sont les signes religieux : foulards, burka, kippa, pendentifs, etc. Tout cela te frustre à un plus haut point que tu ne sais ce qui te retient pour ne pas commettre l'irréparable. Tu aimes la télévision et la radio pour ce qu'elles génèrent en toi, tu aimes les tons, les coups de gueule, les couleurs, enfin, pas toutes les couleurs, et tu n'y peux rien contre ce chant mythique qui te colle à l'âme et qui revient souvent : « Ô modernité, regarde ce que tes enfants font de toi. »

Dans la rue, flanqué souvent de ton capuchon, tu sondes discrètement les visages. La première femme voilée qui passe fige tes traits. Tu la scrutes, sans gêne, à tel point que le souffle de tes narines brûle ta peau. Dans le bus, dès que tu vois un voile de loin, le même étouffement te revient, tu as envie de crier : « Enlève ton voile, tu es chez moi ». Tu te cases dans un coin puis tu scalpes d'un œil torve la fille la plus proche, une fille voilée dans la vingtaine. Lorsqu'elle encaisse ton regard, elle rougit, tu t'approches d'elle, sournois, tu fais semblant que quelque chose t'échappe, tu te penches pour le ramasser et tu la bouscules sans vergogne, puis tu descends à la prochaine station, pressé, avec une couardise telle que tu n'oses même pas te retourner pour palper le pouls du monde qui t'endosse.

Oui, la religion des musulmans t'écœure.

De certains fanatiques badigeonnés à l'eau de rose, tu clames, à qui veut l'entendre, que tu donnerais n'importe quoi pour les envoyer chez eux ! C'est normal du moment que ces fanatiques tentent les destructions les plus improbables ! Bref, rien ne contrarie ton intelligence puisque tu es à jour de tout. Depuis que tu vois le nombre grandissant de ces musulmans, ombres vides qui écument les boulevards sans déranger qui que ce soit, c'est devenu soudain pour toi des maléfiques! Tous aptes de Daech. Tous des batteurs de leurs femmes. Tous des terroristes qui te posent un problème. Pour toi, ils sont venus islamiser ta nation. Pour toi, ils sont venus te voler ton travail. Pour toi, ils sont là pour t'endoctriner, tu n'arrives pas à comprendre pourquoi ces mêmes musulmans ne pullulent pas dans les prisons. Tu évites de te demander pourquoi ces mêmes musulmans ne t'ont jamais agressé dans la rue. Ta liberté individuelle, tu n'acceptes pas qu'on la touche, quant à la liberté des autres, tu t'en arroges le droit et sans préambule! C'est ainsi que tu te protèges, étalant ton pouvoir sans vergogne. Puis, comment ne pas te protéger lorsque tu vois les titres stigmatisants des médias sur ces musulmans envahisseurs qui font les manchettes ? Comment ne pas te protéger lorsque tu vois que certaines concitoyennes québécoises décident de se convertir à l'Islam? N'est-ce pas qu'elles trahissent ton identité, toi qui veux la paix pour tous, et qui le claironnes en humaniste en plus ?

Au bureau, tu te retrouves merveilleusement bien dans l'invective humoristique. Tu cisèles les préjugés à merveille, et tu carbures si bien dans la médisance. Tu as réponse à toutes les questions sur les musulmans, même les plus compliqués. Pour toi, les prédicateurs barbus sont par millions à Montréal, alors que les musulmans ne sont que dans les environs de 3% dans la population québécoise. Bref, les hommes en kippa ne figurent pas dans la genèse de tes démarches modernistes. Les barbus, à part les top models, te révoltent outrageusement. Les femmes voilées y passent sans pitié dans ta moulinette, toutes indignes de tenir tête à des féministes chevronnés, toutes des ignorantes à la solde des machos, alors qu'elles sont majoritairement « mastérisées » si ce n'est des « doctorantes » souvent sans emploi.

Maintenant que tu as définitivement décidé de ne plus adresser la parole à ton voisin musulman juste à cause de quelques voyous qui parlent en son nom... Maintenant, que tu poses un acte politique contre tous les musulmans depuis que quelques cégépiens sont partis en Syrie pour le Djihad...Maintenant que tu idolâtres plus que jamais ces médias qui inventent des lapsus pour flatter ton amour propre ... Maintenant que les élections fédérales du Canada battent leur plein sur le niqab, la burka, les libertés individuelles, etc. Au lieu de se pencher sur l'essentiel... Maintenant que tu critiques tout politicien qui prend la défense de tes ennemis jurés... Maintenant que les Mohamed de ce monde ne peuvent être autre chose pour toi que des terroristes et des fauteurs de troubles... Et maintenant que cela te soulage de taper si fort sur le musulman lambda...

Sais-tu à jamais qu'une large frange des musulmans ne se reconnait pas dans le langage de la violence à travers lequel tu miroites à tous ton sens de la citoyenneté?

Sais-tu à jamais que la plupart de ceux-là ne demandent qu'à s'intégrer malgré les stigmatisations infinies? Sais-tu à jamais que la plupart de ceux-là ne se reconnaissent que dans un seul Islam, et pas celui que tu propages dans tes hallucinations patentes? Sais-tu à jamais que les plus hautes instances religieuses en Islam ont renié collectivement cette nébuleuse du nom de Daech mandaté par l'axe américano-sioniste? Sais-tu à jamais qu'aucun acte de vandalisme au Québec n'a été commis par un musulman contre une église ou une synagogue malgré les événements de Charlie Hebdo ou de la charte des valeurs ? Sais-tu à jamais que malgré la discrimination à l'emploi contre les musulmans, la sagesse continue de primer chez la majorité ? Sais-tu à jamais que le cheminement de la pensée humaine chez les musulmans est continuellement diabolisé par les médias pour des raisons de révisionnisme et de mercantilisme idéologique ?

Là où tu sembles détenir la clé de voute de toutes les vérités de ce monde, là où tu sembles déterminé à pérenniser cette croisée contre tout ce qui annihile ton identité, sache que l'accès à la connaissance de soi est la seule issue pour s'affranchir de la peur. Et là où il n'y a pas de demi-mesure pour le droit à la liberté, je t'invite ouvertement à méditer sur cette phrase de l'un des plus grands savants musulmans du nom d'Al Ghazali , en te souhaitant la paix que tu incarnes tout seul dans ton coin, hautain dans la raison et déterminé dans la bêtise: « La vie d'ici-bas est composée de trois types de jours : un hier sur lequel tu n'as aucun contrôle, un demain dont tu ne sais si tu l'atteindras, et un aujourd'hui dont tu devrais faire un meilleur usage. »

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