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Je suis une sans-cœur qui s'en prend aux plus démunis

Je crois qu'il est impératif de réformer le programme d'aide sociale et de calquer un des modèles qui ont été utilisés dans d'autres provinces ou états américains. Partout où on a imposé le «workfare» combiné à un maximum cumulatif à vie d'admissibilité, on a vu le nombre de prestataires d'aide sociale chuter de façon draconienne.
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Je suis une sans-cœur qui s'en prend aux plus démunis. Du moins, c'est ce que certains prétendent. Et peut-être que ce sera aussi votre cas si vous ne lisez cet article que partiellement.

En 2013, au Québec, il y a plus de 122 000 adultes sans aucune contrainte à l'emploi qui retirent un chèque d'aide sociale. Ceux-ci représentent 57,8 % de l'ensemble des adultes prestataires du Programme d'aide sociale et bénéficient de ce programme, en moyenne, depuis plus de 167 mois, soit 9 ans et demi. Dans le cas de couples sans contrainte sévère, cette durée moyenne s'élève à plus de 216 mois, soit 18 ans.

Je crois qu'il est impératif de réformer le programme d'aide sociale et de calquer un des modèles qui ont été utilisés dans d'autres provinces ou états américains. Partout où on a imposé le workfare combiné à un maximum cumulatif à vie d'admissibilité, on a vu le nombre de prestataires d'aide sociale chuter de façon draconienne. Évidemment, les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi ne sont pas soumises à ces mesures.

Qu'est-ce que le workfare? C'est l'obligation de fournir un travail en échange du chèque d'aide sociale. Plusieurs modèles sont utilisés, parfois avec une période de grâce de 3 à 6 mois de prestations avant d'être assujetti à cette obligation.

Le principe reste toujours le même, soit de fournir une quantité de travail proportionnelle au montant reçu. À titre d'exemple, supposons qu'une personne retire un chèque de 500$ par mois et que le salaire minimum est de 10$ de l'heure, cette personne devrait donc fournir 50 heures de travail par mois pour la communauté.

Ainsi, on élimine les fraudeurs qui reçoivent trois chèques différents, de même que la nécessité d'avoir des enquêteurs qui tentent de démasquer ces mêmes fraudeurs. Les enquêteurs, devenus inutiles, peuvent se transformer en «agents de placement» qui orientent les bénéficiaires d'aide sociale vers les «postes disponibles», entendre ici les besoins de travail communautaire.

Et le prestataire d'aide sociale peut se libérer des préjugés sociaux, étant donné que nous saurions désormais de façon certaine qu'il ne s'agit ni d'un lâche, ni d'un fraudeur, mais bel et bien d'une personne qui vit des difficultés temporaires.

Par ailleurs, via ce travail, les personnes peuvent contribuer à la société malgré leur situation, se faire valoir, se faire des contacts en vue de trouver un travail plus intéressant et développer une confiance en eux-mêmes. Le meilleur programme social, n'est-il pas un emploi?

Évidemment, comme les personnes n'ayant pas complété leur diplôme d'études secondaires sont largement surreprésentées à l'aide sociale, il est bon de combiner le workfare avec le learnfare, soit la possibilité de compléter ses cours tout en recevant l'aide. Un diplôme facilitera grandement leur employabilité. Mais je ne m'étendrai pas sur le sujet étant donné que pour l'aide aux études, je crois que nous faisons déjà très bien les choses.

Alors, vous trouvez que je suis une sans-cœur qui veut s'en prendre aux plus démunis?

«Oui, parce que tu n'as pas idée du nombre de personnes qui sont malades, mais ne réussissent pas à avoir un statut de contrainte sévère ni temporaire.» Ceci ne constitue pas un argument valable contre une telle réforme, bien qu'il soit important de corriger le statut médical de ces personnes, de telle sorte qu'elles puissent recevoir l'aide appropriée.

«Oui, mais si on coupe dans l'aide sociale, la criminalité va augmenter.» Faux. En fait, lorsque le «workfare» est imposé, non seulement la criminalité n'augmente pas, mais il semblerait au contraire qu'elle soit en baisse.

Le meilleur programme social, n'est-il pas un emploi?

C'est ici que je vais vous parler d'Alain. Alain est un ami. Il a environ 40 ans et est très lourdement handicapé. Il a une maladie qui lui a fait perdre son tonus musculaire au point qu'il n'a désormais plus l'usage de ses bras ni de ses jambes.

Pour assurer son maintien à domicile, il lui en coûte 70 000$ annuellement, majoritairement en salaire pour des préposés qu'il appelle ses «p'tits anges». Il a besoin d'aide pour se lever, pour son hygiène, pour s'alimenter, pour replacer son masque respiratoire qui se déplace la nuit, et j'en passe. Il est presque complètement paralysé.

Or, l'aide gouvernementale qui lui est allouée se limite à 26 000$. Ce que le gouvernement lui offre, c'est d'aller en CHSLD (oui, oui, à 40 ans, en CHSLD!) ce qui coûterait entre 80 et 90 000 dollars par an à notre gouvernement. Aberrant, certes, et c'est là où je vous ramène au workfare.

Alain habite tout près du Centre les rivières. Or, il s'avère que tout près du Centre les rivières, à moins de cinq minutes à pieds, il y a un quartier de gens très pauvres, dont on sait qu'une forte proportion est prestataire d'aide sociale.

Si on instaurait le workfare, imaginez à quel point Alain aurait accès à plus de ressources, sans même devoir les payer. Ainsi, combien on parie que les 26 000$ qui lui sont alloués par le gouvernement seraient suffisants pour assurer son maintien à domicile? Et qu'on ne tenterait plus de le diriger, à 40 ans, vers les listes d'attentes de CHSLD, à 80, 90 000 dollars par année?

L'aide sociale, toutes catégories confondues, nous coûte plus ou moins 235 millions de dollars par mois, soit environ 2,8 milliards de dollars par année dont 1,6 milliard de dollars pour des gens parfaitement aptes à l'emploi, à qui on ne demande aucune contrepartie.

Considérant que seulement 3,6 millions de Québécois paient des impôts, ça veut dire que chaque Québécois qui paie de l'impôt verse environ 444$ chaque année, uniquement pour les bénéficiaires d'aide sociale qui n'ont aucune contrainte à l'emploi. Dérangeant, non?

Mais en fait, il y a beaucoup plus grave que mon 444$ et le vôtre. Il y a toute cette force de travail qui reste inutilisée. Toutes ces ressources humaines dormantes, alors qu'il y a tant de besoins criants, hurlants pour accéder à ces ressources.

Je veux bien continuer de payer mon 444$ par année pour les gens qui n'ont aucune contrainte à l'emploi. J'en ai les moyens. Mais j'ai hâte au jour où les dirigeants du Québec auront le cran d'en demander la contrepartie, et qu'ainsi, Alain et toutes les autres personnes qui, comme lui, vivent avec un handicap lourd pourront bénéficier de la retombée de mon argent.

Si je suis scandalisée des doubles chèques émis par erreur? Bof, une gaffe, sans plus. Rien à cirer de la petite monnaie!

Alors, vous trouvez encore que je suis une sans-cœur qui s'en prend aux plus démunis?

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