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Harper en Israël: le Québec face au conservatisme religieux

Contrairement aux États anglo-saxons qui ont toujours valorisé une liberté religieuse devenue plutôt liberticide, le Québec est traversé par la pensée laïque. Le Québec est une nation privilégiée qui a reçu en héritage des pans importants de la pensée républicaine et ce n'est pas demain la veille qu'il troquera ce noble patrimoine pour le multiculturalisme.
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Le récent voyage de Stephen Harper en Israël a fait couler beaucoup d'encre. L'acoquinement du premier ministre avec différents groupes chrétiens évangélistes traduit l'influence d'une certaine droite morale au sein du gouvernement conservateur et ses grands déploiements de symbolique religieuse n'ont pas laissé indifférents la plupart des défenseurs de la laïcité. En un mot, le voyage de Stephen Harper en Israël fait prendre conscience à plusieurs Québécois(e)s que ce pays ne leur ressemble pas.

De quel conservatisme parle-t-on ?

Dans un récent article, le philosophe Michel Seymour établissait un parallèle entre le gouvernement Harper et le gouvernement de Pauline Marois. Sur son blogue au Huffington Post, il affirmait que le nationalisme québécois était engagé dans un tournant que l'on pouvait qualifier de «conservateur». Il stipulait ainsi que le Québec s'engageait sur la voie du «repli identitaire» en mettant de l'avant sa Charte des valeurs québécoises. Qu'en est-il vraiment ?

Il est plutôt étrange que des gens puissent percevoir la laïcité comme une mesure conservatrice alors qu'historiquement, la plupart des partis de droite s'y sont opposés. La laïcité a beau viser principalement l'interdiction d'un symbole religieux associé par la gauche à une minorité culturelle opprimée (voir mon dernier blogue), il n'en demeure pas moins que la laïcité est une mesure progressiste exprimant une aversion profonde envers l'empiétement du religieux dans la sphère publique.

Si le gouvernement Marois est véritablement conservateur, ses politiques reflètent donc un «conservatisme laïque» qui n'a absolument rien à voir avec le conservatisme canadien de Stephen Harper et les méthodes qui l'accompagnent. Le puritanisme anglo-saxon, une composante idéologique incontournable des partis conservateurs de l'Amérique du Nord anglophone, est difficilement assimilable à l'esprit désinvolte de la laïcité à la française.

Contrairement aux États anglo-saxons qui ont toujours valorisé une liberté religieuse devenue plutôt liberticide, le Québec est traversé par la pensée laïque. Le Québec est une nation privilégiée qui a reçu en héritage des pans importants de la pensée républicaine et ce n'est pas demain la veille qu'il troquera ce noble patrimoine pour le multiculturalisme.

Encourager le sionisme, mais pas n'importe lequel

Il ne s'agit pas ici de discréditer la politique étrangère de M. Harper concernant Israël. L'État d'Israël a le droit d'exister et les critiques extrémistes qui plongent l'État hébreu dans un état de solitude absolu ne devraient pas influencer outre mesure nos politiciens.

Mais Stephen Harper ne s'est peut-être pas rendu en Israël pour les bonnes raisons. Évidemment, plusieurs personnes parlent des enjeux électoralistes derrière le pèlerinage de M. Harper. Ses affinités idéologiques - voire théologiques - avec certains groupes chrétiens évangélistes sont évidemment à la source d'une telle théâtralisation.

Il ne faut pas s'y méprendre: certains de ces groupes religieux croient que le retour des Juifs en Palestine est une étape préfigurant le retour du Messie. Selon certaines associations protestantes fondamentalistes, le sionisme serait indispensable à la Parousie du fils de l'homme.

Au courant de la seconde partie du XXe siècle, un nouveau messianisme chrétien et juif est apparu et il représente maintenant une véritable théologie de l'histoire qui sert les intérêts de certains partis politiques. Parmi ces derniers, nous retrouvons le Parti conservateur au Canada et les partis israéliens qui s'inspirent toujours des idées de Zvi Yehouda haCohen Kook, l'un des principaux leaders du sionisme religieux.

Ce n'est pas très surprenant: si le sionisme demeure l'aboutissement d'une évolution idéologique plutôt laïque et surtout nationaliste, l'État d'Israël est avant tout une construction religieuse dont les premières aventures sont toujours racontées dans certains livres de la Bible.

En bref, toutes ces fioritures théologiques ne ressemblent guère au caractère laïque de l'identité québécoise, et c'est pourquoi jamais le «conservatisme» du Parti québécois, tel que décrit par Michel Seymour, ne s'apparentera de près ou de loin à celui du Parti conservateur canadien. Le support à Israël n'est aucunement illégitime. Cependant, ce n'est pas la dimension religieuse de l'État hébreu qui devrait être encouragée par un Québec souverain, mais bien sa matrice démocratique, nationale et humaniste.

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