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Gouverner avec deux poids, mais deux mesures (bis)

Nos gouvernements à Ottawa et à Québec sont en train de conditionner l'opinion publique. On veut monnayer la privatisation de nos services publics contre la promesse de baisses d'impôts qui seront pourtant très petites pour la plupart du monde.
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D'abord, revenons sur la situation des préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD, dont j'ai parlé dans mon dernier billet. Le ministre Barrette n'a pas fait beaucoup de millage avec son insistance sur le fait qu'un bain par semaine serait adéquat dans les CHSLD pour les personnes aînées. La vaste majorité de la population est capable de comprendre que la directive ministérielle est nettement insuffisante. Il devient clair que l'objectif principal poursuivi par le ministre est d'introduire le privé dans nos établissements publics pour l'octroi des soins.

Le gouvernement cache bien mal son jeu

Que cela ait pour conséquence que les personnes aînées paient davantage, ce n'est pas un problème, selon le ministre. Que l'on multiplie le nombre de personnes qui interviennent auprès des aînés pour des soins intimes en CHSLD, ce n'est pas si grave. Parce que la seule chose qui compte, c'est qu'il y a un budget à équilibrer en coupant dans les dépenses. Et pour y parvenir, le gouvernement en profite en privatisant de plus en plus les services publics. Il faudrait laisser les forces du marché décider du niveau et du prix de ces services.

La capacité de payer de la personne dans le besoin n'est pas un enjeu pour le gouvernement Couillard. De plus, pourquoi paierait-on de 18 à 21 $ de l'heure pour ce travail essentiel dans les établissements publics si l'on peut trouver du monde qui le ferait pour 12 $ de l'heure dans des organisations d'économie sociale? Le gouvernement ne perdra pas son temps à se préoccuper de la qualité de vie des dizaines de milliers de femmes et d'hommes qui font ce travail. Ils et elles ne sont, après tout, que des préposés aux bénéficiaires! Selon ce gouvernement, il faut se préoccuper des mieux nantis et utiliser toutes les occasions de mépriser le personnel du secteur public.

Une austérité qui penche toujours du même bord

Revenons maintenant sur ce qui devait être le cœur de mon dernier billet : l'austérité n'est pas pour tout le monde. Nous le voyons clairement depuis quelques semaines. D'abord, la semaine passée, le président du Conseil du trésor a fait une sortie sur la légitimité des augmentations des directeurs de la Caisse de dépôt et placement du Québec. On voit bien qu'avec ce gouvernement, ce ne sont pas toutes les augmentations salariales qui sont légitimes. Des augmentations qui soi-disant légitimes sont réservées pour une garde très rapprochée du pouvoir! Pourtant, les centaines de millions qu'on va donner aux directeurs de la Caisse au cours des prochaines années proviennent des citoyennes et citoyens.

Dans la même semaine, on apprend que le ministre Barrette récompense de façon extraordinaire (en moyenne de 10 % par année, pouvant aller jusqu'à 34 % annuellement!) les PDG des nouveaux CIUSSS/CISSS, ces directeurs qui ont compris rapidement après les élections des libéraux qu'ils avaient tout intérêt à promouvoir le programme du ministre, malgré une opposition rarement vue lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 10.

Et finalement, il y a la police de la Sécurité du Québec. Le gouvernement, semblerait-il, s'apprête, comme il l'a fait avec les médecins, à donner des augmentations selon les moyennes canadiennes. Si le gouvernement va de l'avant, on parlera d'augmentations qui vont dépasser facilement le 12 %.

À cela, il faut ajouter les nombreuses opportunités d'affaires pour les entrepreneurs, notamment les gros, à prendre des pans de services publics qui ne seront plus livrés par le secteur public. C'est d'ailleurs la carte invisible dans l'idéologie du gouvernement Couillard. Il y a ici beaucoup d'argent en jeu, des milliards! Et les intérêts privés sont avides d'aller mettre la main dans le secteur public. Et qui paiera pour ça ? Les citoyennes et citoyens! Une fois au privé, les coûts de ces services ne feront qu'augmenter. Nous nous retrouverons rapidement à payer beaucoup plus cher pour des services de moindre qualité et sans expertise publique pour juger de la valeur des services livrés.

C'est un drôle de paradoxe, mais la promesse de Couillard de couper les impôts va coûter plus cher pour la vaste majorité de la population. Nous allons payer des tarifs beaucoup plus élevés, où nous aurons à payer pour les services dont nous avons besoin dans le secteur privé. Le privé n'est pas capable de générer des économies d'échelle pour offrir à moindre prix des services comparables à la population. En plus, la première obligation pour une compagnie privée est de faire un profit. C'est donc pour ces raisons que les soins de santé sont beaucoup plus chers aux États-Unis, et pourquoi l'accès n'y est pas universel. Même chose sur nos prix d'assurance automobile. Grâce à la présence de la SAAQ, nous payons beaucoup moins cher nos assurances qu'ailleurs en Amérique du Nord.

Nos gouvernements à Ottawa et à Québec sont en train de conditionner l'opinion publique. On veut monnayer la privatisation de nos services publics contre la promesse de baisses d'impôts (qui seront pourtant très petites pour la plupart du monde). Mais le monde ordinaire va devoir payer beaucoup plus cher pour les services dont il a besoin. Le coût de la vie va augmenter de façon importante.

Si je comprends bien la logique de ce gouvernement, ce n'est pas si grave si le coût de la vie augmente de façon significative. Tout ce qui compte, c'est qu'on donne moins d'argent à l'État.

Ce que le gouvernement n'a pas le courage de dire par contre, c'est que cela servira uniquement les intérêts des mieux nantis. Pendant ce temps, la majorité de la population verra son pouvoir d'achat diminuer.

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