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Un dépressif ne se secoue pas, il se soigne!

Combien de fois ai-je entendu, dans ma vie de médecin, l'entourage excédé se plaindre de l'absence de volonté de mon patient? Nous l'avons pourtant démontré scientifiquement, la dépression est une maladie, une maladie qu'il faut reconnaître et soigner.
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Combien de fois ai-je entendu, dans ma vie de médecin, l'entourage excédé se plaindre de l'absence de volonté de mon patient? Nous l'avons pourtant démontré scientifiquement depuis des années maintenant: la dépression, cette «douleur de l'âme (qui) pèse plus que la souffrance du corps», disait déjà le poète antique, est une maladie, une maladie qu'il faut reconnaître et soigner.

Des anomalies neuronales et endocriniennes surviennent: atrophie de l'hippocampe (noyau profond du cerveau), hyperactivité et hypoactivité de réseaux de neurones, hypersécrétion d'hormones du stress... Poser un diagnostic juste et engager une démarche thérapeutique est essentiel pour cette maladie qui touchera, à un moment de son existence, près d'une personne sur cinq.

On m'objectera que la France est déjà le pays qui consomme le plus d'antidépresseurs. Ce phénomène est plus global, la France consomme davantage de médecine qu'ailleurs : plus de chirurgie, d'antibiotiques, de journées d'hospitalisation... Son système social est généreux. Ailleurs dans le monde, en revanche, pour en revenir à la consommation d'antidépresseurs, plusieurs pays comme l'Allemagne ou l'Angleterre contraignent les médecins à prescrire les médicaments les moins chers.

Ce sont les plus anciens et les plus inducteurs d'effets indésirables - bouche sèche, constipation, tremblements... Mal tolérés par les patients, leur prise est stoppée rapidement, souvent avant la guérison. Les récentes tendances montrent toutefois que la différence de consommation entre la France et les autres pays a tendance à s'effacer, ce qui est heureux.

Des pistes thérapeutiques prometteuses

L'évolution de la recherche est pleine de promesses: les antidépresseurs sont mieux tolérés et peuvent cibler tel ou tel symptôme de la dépression. De nouvelles molécules préviennent les récurrences dépressives - la dépression est une maladie très récurrente : quelqu'un ayant fait deux accès dépressifs dans les cinq dernières années a une probabilité de refaire une dépression dans les deux ans qui viennent.

L'utilisation des nouvelles technologies dans le traitement de la dépression est une voie très prometteuse. Et puis nous avons un meilleur savoir-faire dans les psychothérapies qui sont désormais diversifiées: de type psychanalytique, coginitivo-comportemental, méditation...

Au-delà de la prise en charge médicamenteuse initiale, des thérapies existent qui donnent des résultats positifs importants. Les chercheurs s'attachent également à discerner les différents types de maladies dépressives, ce qui permettra de développer une prise en charge pertinente en fonction des typologies et symptômes identifiés.

Mais un déficit diagnostique

Aujourd'hui, la nécessité de poser un diagnostic rapide afin de mieux soigner ce fléau doit être une priorité de santé publique. On estime que moins de 50 % des malades déprimés sont diagnostiqués et correctement traités. On m'objectera que 6 % de la population souffre de dépression, et environ 6 % de la population reçoit un antidépresseur.

La question qui se pose est: sont-ce bien les malades qui reçoivent ces médicaments? C'est là-dessus que je me permets d'exprimer un gros doute, issu de ma pratique de clinicien à la tête d'un grand service de psychiatrie.

Le Livre blanc de la dépression : un outil au service des patients et des professionnels

Pour aider chacun à y voir plus clair sur une maladie polymorphe, qui touche tous les âges et toutes les catégories socioprofessionnelles, la Fondation Pierre Deniker pour la recherche et la prévention en santé mentale met à la disposition de tous un Livre blanc de la dépression. Plus de 36 fiches, parfois de plusieurs dizaines de pages, pour faire une synthèse, y compris d'aspects de la science psychiatrique apparemment contradictoires. Dépression de la personne âgée, de l'enfant, de l'adolescent, dépression et psychanalyse, dépression et risques suicidaires...

Outre la description des symptômes, les risques, les références aux recherches scientifiques, les aspects thérapeutiques sont traités. La lecture peut en sembler ardue pour le grand public, mais nous avons fait un effort de vulgarisation en introduction de chacune de ces fiches. Les médecins doivent se saisir de cet outil pour les aider dans leur diagnostic et leurs propositions thérapeutiques, les journalistes doivent y puiser l'information sur un sujet qu'il convient de mettre sur la place publique, le grand public peut également s'en saisir pour mieux comprendre ce qui arrive à ses proches ou à lui-même et aller consulter un professionnel en cas de doute.

La dépression est un fléau, c'est une douleur sans nom. Je me permets de recommander une lecture à ceux qui veulent appréhender ce qui se joue alors dans l'individu: «Face aux ténèbres - chronique d'une folie» de William Styron, où l'écrivain décrit admirablement «l'inexplicable torture» de la maladie, «la souffrance inconcevable pour qui ne l'a jamais endurée». Cette souffrance inconcevable, nous devons aider les malades à l'affronter, nous pouvons souvent la vaincre, c'est tout l'enjeu du diagnostic juste et d'une prise en charge patiente et adaptée pour lesquels, je l'espère, notre Livre blanc de la dépression sera utile.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le HuffPost France.

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