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L'esprit hacker s'est principalement développé en symbiose avec la contre-culture californienne au fil des courants contestataires successifs qui l'ont caractérisée.
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Le Chaos Communication Congress (CCC) vient d'accueillir à Hambourg 12 000 passionnés de la culture hacker. Ils ont écouté des conférences sur la sécurité informatique, l'évolution des modes de gouvernance politique, l'éthique ou la science.

Or, comme l'a écrit Eric Raymond, qui a contribué à populariser le terme de logiciel open source, « ce sont des hackers qui ont créé l'Internet. Ce sont des hackers qui ont fait du système d'exploitation Unix ce qu'il est de nos jours. Ce sont des hackers qui font tourner les newsgroups Usenet et le World Wide Web2. »

Quelques hackers devenus célèbres

1976, Steve Jobs est de retour des Indes où il a vécu sept mois dans un âshram au pied de l'Himalaya. Il n'a passé, auparavant, qu'un seul semestre au Reed College à Portland dans l'Oregon. Démuni de tout diplôme, il rencontre Steve Wozniak qui a dessiné les plans de son premier micro-ordinateur à l'âge de 13 ans. Ils se mettent à construire, en toute illégalité, des Blue boxes : elles permettent à leurs premiers clients de pirater les lignes téléphoniques.

1991, un autre étudiant, Linus Torvalds, qui a appris tout seul l'informatique à l'âge de 11 ans sur l'ordinateur de son grand-père, bricole un émulateur. Son objectif ? Accéder en toute illégalité - mais en totale transparence vis-à-vis des usagers de l'université d'Helsinki -, aux fiches de lecture de la bibliothèque. Son programme va devenir le noyau de Linux, le système d'exploitation qui fait fonctionner aujourd'hui la plupart des appareils connectés et les superordinateurs de la recherche scientifique.

1994, David Filo et Jerry Yang, étudiants en informatique à Stanford font héberger clandestinement leur société, simple annuaire pour répertorier et catégoriser les sites web, sur les serveurs de leur université. Excédés, ses responsables les obligent à déménager. Ils créent Yahoo!

La même année, un autre étudiant, Jimmy Wales, quitte l'université de l'Alabama avant la fin de la première année de son Master de finances. Il bricole un moteur d'images érotiques sur le Net. Il lui fait gagnersuffisamment d'argent pour créer, en 2003, une organisation à but non lucratif, Wikipédia.

1995, Jeff Bezos vient d'obtenir une simple licence à l'Université de Princeton. Il fonde à Seattle un petit commerce en ligne de livres et d'appareils électroniques grand public : Amazon.com. Son idée ? Mettre en concurrence ses fournisseurs afin de les obliger à baisser leurs prix tout en autorisant ses clients à publier ce qu'ils pensent de leurs produits. Sa PME fait aujourd'hui partie des quatre grands d'Internet.

2004, un autre étudiant, Mark Zuckerberg, crée un annuaire sur Internet, Facebook, où il diffuse les photos des étudiantes qu'il a piratées sur les serveurs de Harvard. Son projet ? Permettre à leurs condisciples de voter pour la fille la plus sexy avant d'échanger les derniers potins sur la vie sentimentale du campus. Cet outil de réseautage social compte plus d'un milliard d'utilisateurs actifs en 2014.

Dix ans plus tôt, deux autres hackers à l'université Stanford, Larry Page et Sergueï Brin, observent le fonctionnement d'une guirlande électrique sur un sapin de Noël : lorsqu'une ampoule s'éteint, les autres demeurent allumées. Elle leur donne l'idée d'un moteur de recherche qui fonctionnerait de la même manière : un réseau de simples PC analysant constamment l'évolution du trafic entre les sites web. Google vient de naître. Valorisée à la hauteur de 158,84 milliards de dollars en 2014, c'est l'entreprise la plus puissante au monde.

L'esprit hacker

Aucun de ces innovateurs n'est parti d'une théorie préétablie : procédant par essais et par erreurs, ils ont suivi un processus de découverte que l'on peut définir en 6 points.

1. Ne pas hésiter à se retrousser les manches pour surmonter les difficultés.

2. Toute information doit être libre.

3. Se méfier de l'autorité et encourager la décentralisation.

4. Evaluer les apports des uns et des autres en fonction de leurs réalisations numériques et non de faux semblants comme leurs diplômes, leurs âges, leurs origines ethniques ou leur rang social.

5. Admettre que l'on peut créer de la beauté avec un ordinateur.

6. Savoir que les ordinateurs peuvent améliorer notre vie.

Trois vagues successives

L'esprit hacker apparaît alors comme la troisième des trois grandes vagues qui ont permis le développement de l'humanité.

La deuxième vague apparaît au début du XVIIIème siècle en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Inséparable de la montée en puissance des Etats-nations, elle se confond avec la révolution industrielle.

La troisième vague, la révolution numérique, a commencé à se former dans les pays les plus avancés à partir du moment où les premiers ordinateurs y ont accéléré le traitement et l'échange des informations.

Faire le ménage dans sa tête

Le rôle de l'esprit hacker dans cette troisième grande mutation de l'humanité peut être mieux compris en analysant la manière dont les deux précédentes ont démarré.

Il y a découvert des statuettes anthropomorphes -la Déesse-Mère et le Dieu à tête de Taureau- au sein de séries stratigraphiques où il n'y a pas encore de traces d'activités agricoles ou pastorales.

Elles apparaissent après.

C'est donc la rupture implicite avec les codes chamaniques du paléolithique - autrement dit l'invention des dieux au début du néolithique - qui a permis aux chasseurs/cueilleurs de comprendre, par une analogie sexuelle évidente, qu'ils pouvaient féconder la terre-mère avec leurs instruments aratoires.

Le capitalisme n'a donc pas pris son essor sur les rivages de la Mer de Chine ou ceux du Golfe Persique où, depuis longtemps, oeuvraient pourtant des dynasties prospères de marchands chinois, indiens ou arabes. Il s'est développé là où une morale collective austère s'était installée qui interdisait toute accumulation de richesses pour elles-mêmes.

Il en a été de même avec l'esprit hacker à partir des années 1960. Il s'est principalement développé en symbiose avec la contre-culture californienne au fil des courants contestataires successifs qui l'ont caractérisée.

La France jacobine a donc fait tout faux en voulant créer, de manière colbertiste, des pôles régionaux de compétitivité sous la tutelle de l'Etat. Dix ans après leur lancement, ils ne représentent que 1,5 % des brevets, 4,5 % des dépenses de R&D et 5 % des créations des entreprises innovantes.

A l'inverse, si la Silicon Valley peut générer un PIB équivalent à celui du Chili, c'est du fait d'un écosystème constitué, entre autres, par une prestigieuse université privée (Stanford), des sources abondantes de financement (capital riskers) et, par dessus tout, l'omniprésence des immigrés (48 % des foyers y parlent une autre langue que l'anglais).

Et quant à l'esprit hacker qui en a marqué la culture d'un sceau indélébile, il s'est développé au sein de toute l'effervescence générée par le mouvement de défense des droits civiques des Afro-américains dans les années 1950 et 60, la lutte contre la politique vietnamienne de l'administration Nixon dans la décennie qui suivit et, plus récemment, contre les empiètements de l'Agence de sécurité nationale (NSA) en matière de libertés individuelles

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