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West Side Story, avec Bernie et Donald

Cette campagne à un curieux goût de Retour vers le Passé.
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La campagne américaine s'est déplacée dans l'ouest des États-Unis et il est peut-être temps de faire le point: si on voit qu'elle s'est surtout distinguée jusqu'à présent par les insultes, les outrances ou les attaques très personnelles, on peut aussi se demander si elle ne s'est pas trompée d'époque?

Pendant huit mois, Donald Trump a prétendu qu'il est le seul à faire rêver des Américains qui sont oppressés par une politique qui ne travaille pas pour la défense de leurs intérêts. Son crédo a été de se poser en recours, en porte-parole de ce peuple en colère, lui offrant ses services pour renverser la table et tout changer.

Personne d'autre n'aurait pu réussir à capter ce vote vu l'état d'usure et de fatigue politique d'une grande partie de l'électorat américain potentiel. Les arguments qu'il a déployés ont toutefois fait mouche: «le cœur du problème», a-t-il expliqué, «vient des lobbies, de ceux qui détiennent l'argent, qui se moquent bien du bon vouloir de la majorité et continuent -avec arrogance- à se remplir les poches».

Mais, parce qu'il est plus riche que la plupart de ceux qu'il dénonce, Donald Trump semble taillé pour leur résister. D'ailleurs, ces outrances, insultes ou attaques démontrent surtout aux yeux de ses supporters qu'il n'a pas froid aux yeux et qu'il ne se laisse pas enfermer dans le politiquement correct. Sa deuxième trouvaille de génie a été de plonger les débats dans une cure de jouvence en empruntant tous ses thèmes à une Amérique du passé: là où l'offre politique moderne semble incapable de proposer un catalogue susceptible de faire rêver, Donald Trump est allé puiser dans les offres d'autrefois, un bon mélange d'années 60, 70 et 80. L'Amérique était alors triomphante, l'American Dream très rayonnant et un modèle pour beaucoup dans le monde.

Les deux combinés renvoient à leur représentation musicale de la fin des années 60: Andrew Loog Oldham, manager de Mick Jagger et sa bande, mettait alors au point cette accroche publicitaire: «Laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stone?» Les parents détestaient le chanteur-provocateur et les noceurs, flambeurs et mauvais garçons (ou mauvaises-filles) décidaient de suivre cette voie vers l'enfer du rock et de la liberté, braillant dans leur chambre et réveillant leurs voisins de pallier qui auraient bien souhaité faire interdire la chaine hi-fi (l'ancêtre du téléchargement à la demande). I can't get no satisfaction, Play with fire, Get off of my cloud, Sympathy for the Devil, ... quand même!

Quarante ans après, la recette fonctionne encore et les aficionados de Donald Trump n'ont que faire des critiques ou du rejet. S'ils sont les cancres de la classe, ils croient également pur et dur qu'ils doivent être entendus, et ils le font savoir. Et ils reprennent volontiers les titres de Donald qui font un bel écho à ceux du passé: «Pas content», «Tous des losers», «Je veux un mur», «Une femme ce n'est pas mieux qu'un homme», «J'aime pas les musulmans».

Face à eux, ils trouvent logiquement les premiers de la classe, les jeunes filles de bonne famille et les rêveurs pacifistes et gentils. En leur temps, les Beatles étaient les idoles de ces gens-là et Brian Epstein avait soigné les profils de gendres idéaux de ses poulains. Les jeunes filles en question sont depuis devenues mères de famille, la plupart d'entre elles sont même grands-mères... Pourtant, les idéaux subsistent, intacts. Et la guerre continue de faire rage.

D'un côté, les adeptes du feng-shui, qui ont abandonné les drogues douces depuis belle lurette et commencé à cuisiner bio avant que ce soit à la mode, ou sont carrément devenus vegan. De l'autre, on trouve de furieux bons vivants, toujours prompts à ripailler autour d'une juteuse viande et d'une bonne bière. Le fan des Beatles médite sur ses trente prochaines vies et voudrait bien laisser une trace de son passage sur cette terre qui ne soit pas synonyme de destruction. Celui des Stones n'en a que faire et veut profiter de tout maintenant.

La rhétorique de Bernie Sanders

Comme cette campagne à un curieux goût de Retour vers le Passé, tous ceux qui -à gauche-, ne veulent pas seulement entendre un discours politique, mais voudraient bien croire qu'une autre voie est possible, ont également leur champion. La rhétorique de Bernie Sanders est maintenant bien huilée et ses propositions phares rythment ses meetings, entrainant des applaudissements chaleureux à chaque nouveau thème qui est abordé, comme des hits incontournables dans un concert de John Lennon: il y parle de protection sociale et de santé «parce que ça doit être un droit pour chacun, pas un privilège», de réforme de l'immigration «où il s'agit d'unir les familles, pas de les diviser», et de salaire minimum «car si vous travaillez 40 heures par semaine vous ne devriez pas vivre dans la pauvreté, peu importe votre emploi.»

S'il avait été le chanteur des Beatles, on aurait souligné que son dernier single parle de paix dans le monde et que l'homme est convaincant sur ce thème: «personne ne proteste ou se bat dans mes meetings car, contrairement à d'autres qui sèment la haine, je sème la paix».

Tel Mick et John, qui se battaient par chansons interposées, Donald et Bernie n'en finissent pas de proposer les deux facettes d'un monde qui n'existe peut-être plus. Mais en politique, comme dans le show biz, les grandes aventures se jouent aussi parfois sur des impondérables, des événements non prévus qui changent tout, en entrainant l'adhésion des foules et le sacre de l'un, ou de l'autre.

Les disciples des Quatre de Liverpool vont très certainement trouver une grande symbolique à ce qui vient de se passer à Portland: Sanders venait de passer de très longues minutes à attaquer Donald Trump et à expliquer pourquoi celui-ci ne doit pas devenir le prochain président. «Mais j'ai une bonne nouvelle pour vous,» a dit le candidat démocrate. «Donald Trump ne sera pas le prochain président des États-Unis. Et la raison est que le peuple américain est trop intelligent pour qu'une telle chose se produise.» Il attaquait ses plus grands tubes et il a alors été interrompu au beau milieu de son plus grand succès (NDLR: «Anti-Wall Street») par un petit oiseau bleu qui a voleté gentiment autour de lui.

Plus encore que le contenu de son discours, cet oiseau a entrainé une hystérie bien compréhensible dans ce rassemblement d'hommes et de femmes qui croient dur comme fer à l'amour et à la paix entre les peuples: «je sais que ça n'en a pas tout à fait l'air», a alors déclaré Bernie en montrant le colibri (car il s'agissait effectivement de ce petit oiseau), «mais nous avons là une colombe qui demande la paix dans le monde».

La salle est en délire.

Ce billet de blogue a été initialement publié sur le Huffington Post France.

Jean-Eric Branaa: Qui veut la peau du Parti républicain? L'incroyable Donald Trump, éditions de Passy, 2016.

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Bernie Sanders, en imágenes

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