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Ceux qui jouent aux prédictions observeront qu'en politique les règles sont souvent déjouées. Il faut insister surtout sur une réalité qui est un peu trop vite gommée: les raisons qui ont mis Donald Trump en tête des sondages n'ont pas disparu.
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Les spécialistes qui observent le monde américain ont répété depuis huit mois et sur tous les tons que le début des primaires serait synonyme de coup d'arrêt de l'effet Trump. Et si l'on devait résumer la tonalité des articles au lendemain de ce premier tour dans l'Iowa, on pourrait écrire un énorme «Ouf».

Sauf que l'Iowa n'est que la première marche d'une longue course et que de multiples facteurs devraient nous inciter à la prudence: on peut croire à un effet Iowa et en déduire des règles pour annoncer l'avenir. Certes. Mais ceux qui jouent aux prédictions observeront qu'en politique les règles sont souvent déjouées. Il faut insister surtout sur une réalité qui est un peu trop vite gommée: les raisons qui ont mis Donald Trump en tête des sondages n'ont pas disparu.

Un anti-Washington

Si une seule raison pouvait expliquer l'incroyable succès de Donald Trump pendant huit mois, ce serait bien entendu son opposition à l'élite de Washington, aux politiciens professionnels. Dans un contexte américain, cela signifie le plus souvent être en faveur d'un pouvoir exercé plus localement, du pouvoir des Etats. Ce sont traditionnellement les gouverneurs qui servent de contrepoids et il y en a au moins trois qui sont très importants dans cette campagne: Chris Christie, John Kasich et surtout Jeb Bush.

Donald Trump représente cependant une autre aspiration, car il a été porté par ces Américains qui refusent les deux camps, démocrates comme républicains. La crise est passée par là et elle a frappé durement cette Amérique plus modeste. Aujourd'hui, tous entendent parler d'une reprise, mais elle ne semble pas être là pour eux. S'il y a le plein emploi, les difficultés sont toujours présentes, le niveau de vie d'avant la crise n'a pas été retrouvé, il n'y a pas de congé-maternité, la lutte pour offrir aux enfants une éducation acceptable ou pour les envoyer à l'université reste forte. Les promesses de Trump ont fait mouche. Il a redonné du sens au rêve américain.

Une entrée fracassante

Lorsque Jeb Bush est entré officiellement en campagne, sa déclaration fut simple et brève. Trop peut-être, car il n'a pas eu le loisir de la développer. Dès le lendemain, le 16 juin, Trump a convoqué la presse et a déclaré sa candidature à son tour. Dans un discours décousu, ses propos sur l'immigration ont suscité un tollé: «Le gouvernement mexicain ne nous envoie pas ses meilleurs éléments», a-t-il affirmé. «Ceux qui viennent aux États-Unis sont des criminels, des violeurs».

Loin de s'excuser face à la réaction qu'il a provoquée, il s'est vanté les jours suivants d'être le seul à parler du problème de la frontière. Et Trump compte aussi faire bénéficier le pays de son art, celui de la négociation, afin d'éviter les délocalisations. Enfin, il a annoncé qu'il financerait sa campagne lui-même, une garantie contre l'influence du milieu des affaires dans la politique.

Donald Trump a attiré à lui toute la lumière et les médias n'ont quasiment pas fait de place à un autre candidat.

Un parti qui ne va pas bien

Si, de l'avis général, les Républicains doivent gagner l'élection de 2016 sans le moindre problème -parce qu'ils ont gagné toutes les élections intermédiaires-, la situation du Parti républicain n'est pourtant pas une situation idéale. L'absence d'un leader fort et accepté par tous est aussi le signe révélateur de la crise qui gronde au sein du plus ancien parti politique du pays: il est traversé par des courants qui peuvent se trouver en grande contradiction idéologique et qui se livrent des combats extrêmement rudes. C'est ce qui explique que le Parti a du mal à suivre une ligne claire et cohérente.

Les divisions sont plus fortes que jamais entre les modérés et les radicaux, les Évangéliques, les Libertariens, le Tea Party, l'Establishment ou les Centristes. L'impression est désastreuse: le parti donne le sentiment de partir à la dérive, renforçant ainsi la défiance de millions d'Américains qui ne croient plus en leurs hommes politiques et les considèrent comme des élus professionnels, juste obsédés par leur réélection et coupés de la réalité quotidienne du peuple. Ces électeurs préfèrent alors se tourner vers l'antithèse. Ce fut Ted Cruz en Iowa, mais Trump n'est pas loin et Carson reste en embuscade.

Un showman

Donald Trump a déboulé au milieu d'un scénario qui était trop bien écrit. Dès le premier débat entre les candidats républicains, le 6 août 2015, il a su se propulser au sommet de l'affiche, d'où il n'a plus bougé. Il s'en est pris ce soir-là à la présentatrice Megyn Kelly, expliquant qu'elle l'agressait parce qu'elle avait ses règles. Ce n'était pas la première ni la dernière fois qu'il tenait des propos misogynes. Mais après ses attaques contre les Mexicains, des insultes adressées à tous les autres candidats, une attaque en règle contre John McCain, ancien héros de guerre et ancien candidat à la présidence à qui il reprochait d'avoir été fait prisonnier pendant la guerre et expliquant que cela ne faisait pas de lui un héros, Trump signait là un nouvel épisode dans une série d'outrances qui avaient pour but d'occuper la première page des journaux. Et cela a marché.

Les meetings de Donald Trump se sont remplis, atteignant parfois jusqu'à 30.000 personnes, pendant que les autres candidats se produisaient les mêmes soirs devant quelques dizaines ou quelques centaines de sympathisants tout au plus. Depuis cette date, il n'y a pas eu une semaine sans un coup d'éclat du candidat. Le plus célèbre étant sa proposition d'interdire l'entrée du territoire américain à tous les musulmans.

De Ronald à Donald

Enfin, il faut noter qu'un ancien président est très présent bien malgré lui dans cette campagne: il s'agit de Ronald Reagan, le président le plus admiré de l'après-guerre, si on met à part le mythique John F. Kennedy. Donald Trump lui a tout emprunté, jusqu'à son slogan de campagne, à peine adapté, «Rendons à l'Amérique sa grandeur.» Il se fait également entendre sur le même message que son prestigieux aîné. Reagan insistait sur l'idée que les problèmes de l'Amérique n'étaient pas aussi insurmontables qu'on voulait bien le croire. En 1980, pour la présentation de son programme en matière de politique étrangère, Reagan alla jusqu'à promettre «la paix, même par la force». Il expliquait alors que les Américains seraient si forts qu'aucun pays n'oserait lever une main contre les États-Unis.

La stratégie de Donald Trump est étonnamment semblable. Sa politique en matière d'immigration, à savoir la déportation de ceux qui entreraient illégalement aux États-Unis, de construire un mur le long de la frontière sud et de faire payer le Mexique pour sa construction, a capté l'attention du public et des médias. Ses autres propositions sont bâties sur le même modèle. Que faire avec Daech? «Il suffit de les envoyer en enfer en les bombardant», puis on les encercle et on s'empare du pétrole qui est sous leur contrôle, a-t-il expliqué. C'est simple.

L'Iowa est passé, mais la campagne se poursuivra pendant 280 jours et à travers 49 autres États. Peut-être que Marco Rubio va devenir le candidat de l'Establishment et se retrouvera face à Donald Trump: il devra tenir compte que l'Iowa a aussi envoyé un message qu'il ne faut pas négliger: l'addition des voix de ceux qui s'opposent atteint 60%. La voix de Donald Trump portera encore dans cette campagne.

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