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L'affrontement entre le gouvernement et les syndicats nuit à la modernisation de l'État québécois

Une chose est certaine, il est possible d'être social-démocrate, en faveur des services publics accessibles et de qualité tout en militant pour une accélération de la modernisation de la fonction publique.
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Depuis quelques semaines déjà, la population québécoise est témoin des intenses négociations qui opposent les principales centrales syndicales et le gouvernement du Québec dans le cadre du renouvellement des conventions collectives des employés de l'État. Pour paraphraser le président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux, qui réagissant il y a 2 semaines à la contre-offre du Front commun, « des années-lumière » séparait encore les parties.

L'argumentaire des chiffres voudrait en effet nous laisser croire qu'une entente est toujours bien loin d'être conclu. Les syndicats demandent 6,9% sur 3 ans alors que le gouvernement maintient toujours son offre initiale de 3% sur 5 ans, en plus des 500 millions pour la relativité salariale. D'une part, les travailleurs souhaitent préserver leur pouvoir d'achat et rétablir les disparités comparatives de salaire avec le secteur privé et les sociétés d'État. De l'autre, le gouvernement brandit l'incapacité de payer de la population québécoise. Malheureusement, la logique comptable actuellement mise de l'avant dissimule l'angle mort du gouvernement et des syndicats : faire passer l'État québécois à l'ère de la modernité.

La confusion des genres

Le problème en est d'abord un de perception. Les derniers sondages le démontrent, les Québécois sont divisés, entre leur préoccupation à l'endroit des finances publiques et l'endettement général, mais souhaite le maintien des services de qualité à l'ensemble de la population. À cet égard, afin de soutenir les objectifs de modernisation, il apparaîtrait opportun d'exclure des négociations le groupe des enseignants et des infirmières. La dynamique organisationnelle des écoles et des hôpitaux, ainsi que l'importance de leur mission respective, nécessite une réflexion autonome au-delà des tables sectorielles. Il faudrait également reconsidérer les disparités de traitement qui existent entre les employés des sociétés d'État comme la SAQ, Loto-Québec et Hydro-Québec et les fonctionnaires. Le souci de performance et de qualité des services qui anime le citoyen, alors qu'il est le principal actionnaire et bénéficiaire de ces organisations publiques, ne devrait pas en principe différer. Il s'agit d'une question de cohérence.

L'intérêt idéologique du gouvernement

La modernisation de l'État québécois n'est pas un sujet récent de l'actualité. Difficile de lutter contre ce qui apparaît évident et naturel. L'enjeu se trouve plutôt du côté de l'intention et des moyens utilisés. En 2004, appuyés par le même discours préoccupant sur l'état des finances publiques, les libéraux de Jean Charest promettaient une réduction de 20% des fonctionnaires sur 10 ans. En 2012, l'effectif la fonction publique avait diminué de seulement 6,2% et nous vivions collectivement une grave crise de corruption, notamment expliquée par une perte d'expertise et une faible attractivité pour certains emplois stratégiques dans le secteur public. Qu'avons-nous tiré comme leçons depuis?

Mais au-delà des lignes idéologiques, le gouvernement Couillard et son ministre Coiteux sont avant tout des pragmatiques. Le moyen le plus rapide afin de limiter les dépenses publiques demeure le contrôle des salaires. Les libéraux se souviennent des échecs de la modernisation de 2004 et du mirage des partenariats publics-privés. Pourtant, une bonne modernisation nécessite du leadership, des moyens et de la patience, bien au-delà du prochain cycle électoral fixé à 2018. L'impulsion que devaient générer les nombreux départs à la retraite est à ce jour neutralisé par le gel d'embauche et le peu de considération salariale du gouvernement envers ses employés.

Le corporatisme des syndicats

Bien qu'ils croient nécessaire leur présence, et qu'en général leur présence soit perçue comme une bonne chose, les Québécois sont majoritairement d'avis que les syndicats ont trop de pouvoir. On peut très bien déconstruire cette perception avec des faits, mais il n'en demeure pas moins que les syndicats ont un criant besoin de réinventer leur façon de faire, à commencer par laisser plus de place aux jeunes dans leurs instances. Plusieurs ont d'ailleurs l'impression que les syndicats protègent trop souvent l'incompétence tout en menant des luttes au bénéfice d'une certaine clientèle plus âgée, comme le cumul des journées de maladie ou le maintien de l'âge de la retraite. Le défi demeure entier, mais réussirons-nous à nous extirper d'une logique de sédimentation des conditions de travail ou de simple protection des acquis, pour mieux dialoguer sur les éléments de fond, qui mèneront à terme à une plus grande flexibilité dans la gestion des ressources, dans l'organisation du travail et dans l'évaluation de la performance.

Nous pourrions nous inspirer des pays scandinaves et revoir par exemple la sécurité d'emploi des travailleurs de l'État, sous la forme d'évaluations programmées en contrepartie d'une obligation du gouvernement de mettre à niveau et de former la main d'œuvre qui ne répondrait plus aux critères de l'emploi. Le Québec aurait également avantage à réinvestir dans les mécanismes de concertation dont la responsabilité de la santé économie et du bien-être du pays reposerait de manière équivalente entre les mains du gouvernement, des syndicats et du patronat. Il est question ici de littéralement réinventer le contrat social.

Moderniser sur de nouvelles bases

Il faut le rappeler, la mission gouvernementale et les objectifs de la prestation de services publics ne peuvent répondre aux mêmes impératifs de performance que les entreprises privées. La gestion par résultats, grand pilier de la modernisation, doit s'accompagner d'un style managérial qui privilégie la confiance, le respect, l'autonomie et la responsabilisation. Cette gestion des ressources humaines basées sur la motivation et le sentiment d'appartenance sont des éléments clés pour moderniser notre fonction publique. Il n'est pas normal de constater que certains organismes et ministères sont incapables encore aujourd'hui de mesurer le coût de leur processus.

Dans un contexte de réflexion globale sur nos finances publiques, sur l'accessibilité des services et l'importance de nos institutions, l'enjeu de la performance de la fonction publique doit être une grande priorité pour la société québécoise. Elle commande en contrepartie plus que des slogans et du militantisme de la part des syndicats et un vrai leadership constructif et productif de la part du gouvernement. Une chose est certaine, il est possible d'être social-démocrate, en faveur des services publics accessibles et de qualité tout en militant pour une accélération de la modernisation de la fonction publique.

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Mai 2017

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