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Suivant le premier ministre, notre gouvernement serait aussi bien intentionné et désintéressé que les Batman, Superman, Iron Man, Wonder Woman, Spiderman, etc., dans la défense des intérêts des Québécoises et des Québécois. Plus réalistement, nous pourrions dire que le désintéressement du gouvernement Couillard est plutôt modulé sur son slogan électoral de 2014: s'occuper des!
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La semaine dernière, nous avons appris que le gouvernement Couillard était notre sauveur, mais que nous tardions à le reconnaître.

Ainsi, suivant le premier ministre, notre gouvernement serait aussi bien intentionné et désintéressé que les Batman, Superman, Iron Man, Wonder Woman, Spiderman, etc., dans la défense des intérêts des Québécoises et des Québécois.

Plus réalistement, nous pourrions dire que le désintéressement du gouvernement Couillard est plutôt modulé sur son slogan électoral de 2014 dont il n'a jamais dérogé dans toutes ses législations : s'occuper des vraies affaires! S'il y a des intérêts qu'il a défendus sans relâche depuis son élection, ce sont ceux-là.

Des finances publiques mal en point, un mur vers lequel nous nous dirigions selon Philippe Couillard, ont servi de prétexte à sabrer des milliards de dollars dans les dépenses publiques, en santé, en éducation, dans le développement régional, etc. Ces compressions ont surtout servi à réduire des structures de démocratie (CRD, CLD, CA d'établissements en santé), à diluer l'expertise publique et la capacité d'action du secteur public, ouvrant grand les portes, voire forçant le recours au privé dans de plus en plus de domaines des services publics.

C'était l'objectif dès le début.

Pour preuve, rappelons la déclaration du ministre Coiteux, alors président du Conseil du Trésor, selon laquelle « l'opération de révision des programmes dépassait largement l'objectif du déficit zéro et visait un "repositionnement" de l'État. »

M. Couillard peut bien répéter ad nauseam que les services n'ont jamais été touchés et que les coupes n'ont affecté que la bureaucratie, la population n'est pas dupe quand c'est elle qui en écope dans toutes les régions, et qu'elle en voit l'impact jusque dans le domaine de la justice : des procès criminels avortés à cause des délais trop longs pour leur mise en branle et leur déroulement, faute de ressources.

Le ministre Barrette, l'un des membres les plus importants de ce gouvernement de sauveurs, en a remis une couche en entrevue sur sa réforme.

Selon lui, il n'y a pas un de ses gestes « qui n'est pas pro-patient. » Bien des gestes qu'il a posés et des décisions qu'il a prises « relèvent pourtant de l'évidence », dit-il.

Pour l'évidence, rappelons ce qu'il déclarait en commission parlementaire sur le PL 10 : « Je n'ai pas besoin de faire d'études puis de consultations, là, je vis ça à tous les jours. Pas besoin, moi, là, de grandes conférences cosmiques, là, de whatever, là, pour me faire dire par David Levine, ou Pierre-André Contandriopoulos, son fils, ou sa belle-fille qu'est-ce qui ne marche pas dans le service de santé. Je le vis à tous les jours. Alors, ce à quoi on s'adresse, c'est... Le projet de loi n° 10, c'est exactement ça. C'est tout. »

Son évidence à lui allait pourtant à l'encontre d'un rapport de la Direction de l'évaluation du MSSS, datant de 2010, sur les premières fusions qui avaient vu naître les CSSS, et qui observait qu'après 6 ans de fusion «peu de réallocations budgétaires sont constatées de la deuxième et de la troisième ligne vers la première [...] L'accessibilité aux services médicaux ne s'est guère améliorée. [...] La surcharge de travail observée chez les gestionnaires dès le début de la fusion est toujours aussi importante près de quatre ans plus tard, sinon plus qu'avant.[...] La distance entre les installations demeure, pour la moitié des sites, un facteur qui complexifie la gestion. [...] Pour le personnel, cela peut aussi vouloir dire avoir plus d'un supérieur puisque la structure organisationnelle n'est pas encore totalement stabilisée. De plus, les membres du personnel évoquent toujours une perte de contact avec leurs supérieurs, ils se sentent isolés et peu soutenus [...] Dans plusieurs CSSS, la stabilité de l'organisation n'est pas encore gagnée et il règne toujours un sentiment de confusion à savoir «qui relève de qui et qui fait quoi ». [...] Presque tous les sites ont eu recours à des consultants ou à des firmes extérieures pour certains dossiers tel le soutien des cadres intermédiaires dans la gestion du changement ou la rédaction de documents stratégiques.»

Mais les évidences de ce rapport n'ont pas arrêté notre sauveur. En fait, il semble que rien ne l'arrêtera quand il déclare « Alors moi, écoutez bien, tout le monde peut bien m'écœurer, mais je vais continuer pareil [...] Envers et contre tous. » Et pourquoi s'entêtera-t-il? « Parce que ça fonctionne», déclare-t-il, même s'il admet que «ça prend huit ans pour faire un changement et le consolider.»

Chose certaine, pour évaluer les résultats, on ne pourra compter sur le Commissaire à la santé et au bien-être que le ministre a aboli pour sauver un ou deux millions de dollars sur un budget annuel de 38 milliards en santé. Sauver de l'argent ou sauver la face?...

Mais le plus intéressant de cette entrevue, c'est quand le ministre avoue avoir eu un plan caché qu'il n'a pas « dévoilé à l'avance [...] pour éviter d'être torpillé. » N'en déplaise à tous ceux qui, depuis deux ans, ont affirmé que ce ministre ne savait pas où il allait, Gaétan Barrette avait un plan qu'il n'a pas révélé. Il ajoute : «Je l'ai fait à dessein [...] Les plans, c'est comme un peu la guerre. Surtout que la politique, c'est une guerre d'opinion publique.»

Ainsi donc, notre sauveur est allé à la guerre. Sommes-nous encore en démocratie? Qui était donc l'ennemi pour que ce ministre, responsable du tiers du budget du gouvernement, élu par la population, payé par nos deniers publics, à notre service, au service public, ait un plan caché?

En commission parlementaire sur son PL 10, il avait déclaré « Où elle est, la privatisation, là-dedans, là? Ça, je ne le vois absolument pas. »

Si nous ne pouvions à ce moment déposer des preuves, nous avons depuis documenté et rapporté nombre d'exemples d'entreprises privées qui s'activent pour s'accaparer des budgets des services en SSS (par exemple ICI, et encore ICI).

Tout cela n'est pas « pro-patient » comme le prétend le ministre, mais se fait plutôt au détriment de la population, qui se voit de plus en plus obligée de payer pour obtenir les services dont elle a besoin.

Tout cela se fait au détriment du personnel qui se retrouve en nombre de plus en plus réduit pour rendre les services. Tout cela se fait aussi au détriment de leur propre santé.

«Ça ne me dérange pas ce que vous me dites [...] Ça, c'est le versant sombre de l'affaire. Bien oui, quand on fait la loi 10, ça bouscule des gens. Je le sais. Trouvez-moi un changement qui se fait sans bousculer quelqu'un », déclare le ministre.

On voit mieux qui était l'ennemi.

Le ministre a raison : il vaut effectivement mieux avoir un plan caché quand on veut agir au détriment d'autant de personnes. Finalement, comme sauveur, le ministre Barrette donne plutôt l'image d'un Hulk en pleine crise de transformation, démolissant notre réseau public de SSS pour plus de privatisation.

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