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Les années 1960, les médicaments et aujourd’hui

Il est devenu de bonne presse de critiquer les «méchantes et voraces» compagnies pharmaceutiques. Mais on oublie facilement ses succès.
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Darwin Brandis via Getty Images

Le monde avait traversé une grande crise économique (1929-1939) et la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) qui se termina dans l'horreur des bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki au Japon. La reconstruction, le baby boom et l'essor technologique et scientifique de l'après-guerre allaient nous mener jusqu'aux années 1960.

«Sky is the limit» était la devise du temps, et c'était tout aussi vrai au naturel qu'au figuré. Les premiers Spoutnik russes avaient déjà entamé l'exploration spatiale et bientôt l'homme foulerait le sol lunaire (1969).

Une ère de repos et de loisirs annoncée

La santé et la médecine suivaient les mêmes aspirations. Comme la machine s'imposait graduellement, on voyait déjà l'ère où l'humain n'aurait plus à s'éreinter et à user son cœur et son corps à l'ouvrage et pourrait donc vivre jusqu'à 100 ans et même plus. Au début des années 1960, un homme vivait en moyenne un peu plus de 60 ans et une femme plus de 70 ans. On croyait alors que cet écart d'une dizaine d'années était dû au fait que les hommes travaillaient plus dur physiquement que les femmes, ce qui expliquait qu'ils s'épuisaient et mourraient plus vite. Quand mon père fit son premier infarctus en 1965, son médecin lui dit de quitter son travail et de pas faire d'activités physiques pour économiser son cœur. Il lui recommanda aussi de diminuer sa consommation de cigarettes, car trop de cigarettes faisait tousser et la toux forçait son cœur, ce qui était dangereux.

On imaginait alors les années 2000 avec des voitures volantes, des villes où les trottoirs se déplaceraient, plus besoin de marcher, on n'aurait qu'à monter sur le trottoir qui nous amènerait là où on voudrait aller. Quant au travail, plus personne n'en aurait besoin, les machines et les ordinateurs s'occuperaient de tout. Ce serait la civilisation du loisir et l'on n'aurait dorénavant qu'à s'amuser et qu'à profiter de la vie. Et pour nous en donner un avant-goût c'était le début de la publicité : Voyagez maintenant, payer plus tard...

Le même optimisme prévalait du côté des maladies. On avait déjà trouvé des vaccins efficaces qui tenaient la civilisation à l'abri des épidémies meurtrières du passé (variole, tuberculose, poliomyélite, etc.) et on découvrait des médicaments pour le diabète, les problèmes cardiaques, le rhume, etc... Ce n'était qu'une question de temps pour que l'on puisse trouver un remède pour toutes les maladies.

La réalité nous a rattrapé

On s'habitua bien vite à ne plus avoir des kilomètres à marcher pour aller à l'école et plus tard au travail. De même qu'il fut aussi bien plus facile de tourner le bouton du système de chauffage que d'avoir à couper du bois à la hache et nourrir le foyer. Il est aussi rapidement passé dans les mœurs la facilité de se rendre en automobile au supermarché et d'emplir le panier à provision plutôt que d'avoir à entretenir un jardin et nourrir des bêtes pour pouvoir se nourrir. Résultat : nous avons, c'est vrai, éliminé les grandes famines qui décimaient des populations et les avons remplacées par de grandes obésités qui font, aussi, des ravages. Il a donc fallu, à grands frais de publicité, inciter les populations à revenir à un mode de vie plus actif au niveau physique et moins gourmand au niveau alimentaire : un travail colossal qui se perpétue de nos jours.

Pour toutes sortes de raisons (qui le plus souvent ne tiennent justement pas de la raison) les médicaments sont présentés de façon négative sur la place publique.

Et pour les médicaments?

L'essor fulgurant des découvertes en termes de médicaments a aussi enflammé l'opinion publique qui y voyait autant de succès dans la lutte contre les maladies. Avec les découvertes des vaccins et des antibiotiques, nous avions bien cru pouvoir éliminer les maladies infectieuses. Et que dire des autres médicaments ? La lutte contre les cancers connait de grands succès. Alors qu'un diagnostic de cancer dans les années 1950 était la garantie d'une mortalité dans les mois qui suivaient, aujourd'hui les rémissions sont le plus souvent de plusieurs années et les guérisons sont aussi souvent envisageables.

Mais on oublie facilement tous ces succès. Et pour toutes sortes de raisons (qui le plus souvent ne tiennent justement pas de la raison) les médicaments sont présentés de façon négative sur la place publique. Il est devenu de bonne presse (surtout si vous souhaitez augmenter vos cotes d'écoute) de critiquer les «méchantes et voraces» compagnies pharmaceutiques. Les campagnes antivaccination font régulièrement la une, sinon ce sont des nouvelles qui nous apprennent, oh scandale, que nos vieux consomment trop de médicaments. Pourtant personne ne s'est posé la question à savoir si l'usage de ces médicaments est, justement, ce qui leur a permis de vivre vieux. D'autres fois, ce sont les médicaments antidépresseurs, les somnifères ou les anxiolytiques qui sont mis sur la sellette. On les utiliserait trop et ces médicaments n'auraient pas l'efficacité espérée. Bien sûr la pilule du bonheur n'a pas été inventée et si on s'attend à ce que tous ces médicaments règlent tous les problèmes, on risque fort d'être déçus.

Pourtant qui voudrait revenir à l'époque d'avant ces médicaments, lorsque les confinements attachés, les électrochocs et les lobotomies étaient les seuls traitements disponibles ? C'est certain qu'une personne qui croule sous les dettes et qui ne peut pas travailler puisse se sentir anxieuse, déprimée et insomniaque. Les meilleurs médicaments ne règleront pas ces problèmes, mais s'ils arrivent à empêcher cette personne de trop dépérir, jusqu'au point de se suicider ou encore d'éclater dans une colère furieuse qui l'incitera à prendre une arme et abattre le plus grand nombre d'innocents possible, alors ces médicaments n'auront pas seulement été utiles, mais essentiels.

Donc avant de décider de ne pas faire vacciner ses enfants, de cesser de prendre sa médication ou encore d'enlever les médicaments aux personnes âgées, aux déprimés et aux insomniaques, il vaudrait probablement la peine d'y penser à deux fois.

Il est certain que l'on doive s'assurer du meilleur usage possible des médicaments en administrant les bons médicaments à celles et ceux qui en ont besoin. Ce sont aux instances reconnues en santé publique comme par exemple l'INESSS (institut national d'excellence en santé et services sociaux), à l'Ordre des pharmaciens et au Collège des médecins à qui il revient de décider de l'usage optimal des médicaments. Alors avant de sauter aux conclusions faciles, il convient de bien étudier la situation et se fier aux professionnels concernés plutôt qu'aux nouvelles alarmistes.

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