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Innovation: après la tempête, enfin le beau temps... annoncé!

Il n'est pas normal en 2017 d'avoir à attendre plusieurs mois avant de pouvoir obtenir le médicament le plus efficace pour traiter son cancer.
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Le monde a changé et l'innovation est l'essence même de ce changement. C'est particulièrement vrai dans le monde de la santé. Alors que l'espérance de vie atteignait à peine les 50 ans en début du vingtième siècle, elle dépasse les 85 ans aujourd'hui. Nous devons ce succès unique dans l'histoire humaine aux découvertes successives des vaccins, puis des antibiotiques, à l'arrivée de médicaments qui ont permis de transformer certaines maladies rapidement mortelles en maladies chroniques (exemple: médicaments contre le SIDA), à toutes les chimiothérapies, hormonothérapies et immunothérapies qui nous ont permis de survivre, voire de guérir, à bien des cancers, aux médicaments en prévention des maladies cardiaques, de l'hypertension et j'en passe. Bien sûr, certains s'empresseront d'ajouter: «Mais il n'y a pas que les médicaments¸ les conditions de vie et de salubrité ont aussi contribué à ce succès.» Et ils n'auront pas tort. Mais n'empêche que sans tout cet arsenal pharmacologique, l'hygiène et le mode de vie ne feraient figure que de vœux pieux face aux infections et autres maladies qui, avant, décimaient des populations entières. On n'a qu'à se souvenir de la variole, de la poliomyélite, de la tuberculose. Même chose pour les cancers. En 1950, on ne survivait que quelques mois après l'annonce d'un cancer. Et le Québec a grandement participé à cet essor des sciences de la vie.

La tempête du siècle

Cette tempête toucha de plein fouet l'industrie pharmaceutique vers la fin du vingtième siècle. Et elle fut totale. Plusieurs facteurs se sont combinés pour en arriver à cette météo dans lequel l'innovation faisait tout à coup figure d'un soleil caché par les sombres nuages. Le premier fut certainement l'explosion des coûts en santé. La réaction du gouvernement d'alors fut de favoriser l'adoption des médicaments génériques. Il faut savoir qu'une vision à long terme pour notre gouvernement représente tout au plus quatre ans et que la découverte d'un nouveau médicament prend entre 10 et 15 ans comme je l'écrivais dans un article paru le 15 avril dernier . L'un entraînant l'autre, le deuxième facteur fut une diminution importante de projets de recherche sur de nouveaux médicaments. L'industrie se retrouvait avec de moins en moins de médicaments en recherche (dans le jargon du métier, on dit qu'il n'y a plus beaucoup de projets dans le pipeline). Le troisième facteur, et non le moindre, fut que les nouveaux médicaments à inventer ne touchent plus de larges pans de la population comme c'était le cas auparavant alors qu'on découvrait des médicaments contre le diabète, les problèmes cardiaques, les dépressions et autres grands vendeurs (ce que l'industrie appelle les bluckbosters). Les nouveaux médicaments s'adressent souvent de nos jours à des maladies orphelines (maladies rares) ou à des groupes restreints de patients (voir médecine personnalisée). Finalement, le quatrième facteur pour rendre cette tempête parfaite fut qu'au moment même de ces perturbations, la plupart des brevets arrivaient à échéance. Ainsi, les revenus diminuaient de partout (achats gouvernementaux et brevets arrivés à terme) alors que les coûts de recherche fulminaient (moins de médicaments dans le pipeline et des médicaments qui s'adresseront à des populations bien moins nombreuses). C'est pourquoi on dit de cette tempête qu'elle fut aussi la tempête parfaite.

Mais déjà à l'aube du 21e siècle, le Québec travaillait à créer un nouvel écosystème des sciences de la vie. Un nouveau modèle d'affaires s'imposait dans lequel chacun devient partenaire de l'autre, du chercheur au patient en passant par l'industrie et le gouvernement.

Mais déjà à l'aube du 21e siècle, le Québec travaillait à créer un nouvel écosystème des sciences de la vie. Un nouveau modèle d'affaires s'imposait dans lequel chacun devient partenaire de l'autre, du chercheur au patient en passant par l'industrie et le gouvernement.

Un nouveau souffle

Le vendredi 5 mai 2017, trois ministres provinciaux présentaient la Stratégie québécoise des sciences de la vie 2017-2027 assortie d'un financement de 205 millions de dollars pour les 5 premières années. Dominique Anglade, ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation et ministre de la Stratégie numérique y déclarait: «Le développement économique du Québec repose sur trois piliers: l'entrepreneuriat, le manufacturier innovant et les exportations. Le secteur des sciences de la vie compte 630 entreprises au Québec, qui cherchent constamment à développer de nouveaux produits afin de se démarquer de la concurrence et ainsi pouvoir percer de nouveaux marchés.» De son côté, Gaétan Barrette, ministre de la Santé et des Services sociaux ajoutait: «Implantée au cœur du réseau de la santé et des services sociaux, notamment par l'intégration de nouvelles technologies prometteuses, l'innovation est synonyme de performance et de compétitivité pour le Québec.» Le ministre Barrette profitait aussi de l'occasion pour annoncer la création du Bureau de l'innovation, une plateforme et un lieu d'échanges entre tous les intervenants motivés par l'innovation et le ministère. Il s'agit là d'une initiative que je ne puis que supporter ayant moi-même acheminé une telle proposition au ministère de l'Économie, des Sciences et de l'Innovation en fin novembre 2016. D'ailleurs, j'avais aussi proposé au docteur Barrette de créer un Bureau des usagers, une plateforme qui réunirait les usagers du système de santé, les divers intervenants et le ministère, afin d'y discuter de toutes les plaintes et surtout des suggestions susceptibles d'améliorer le système. Mais cette proposition est demeurée lettre morte. Comme on dit: il s'agit là d'un autre dossier...

Des partenaires de taille

Pour en revenir au lancement de la Stratégie québécoise des sciences de la vie, l'initiative mérite certes d'être applaudie. Médicaments novateurs Canada (MNC) a accueilli avec enthousiasme cette stratégie, dans un communiqué remis lors de ce même lancement, on peut lire: «L'industrie pharmaceutique novatrice au Québec a vu récemment son modèle d'affaires transformé. Des activités de recherche favorisant des collaborations exigeant plus d'interfaces et de partenariats entre les milieux de la recherche externe, le monde du financement et celui de la santé.» Dans le même communiqué, Pamela Fralick, présidente de MNC écrivait: «Nous félicitons le gouvernement du Québec d'avoir travaillé en concertation avec l'écosystème des sciences de la vie dans l'élaboration d'une stratégie qui mise sur des facteurs d'attractivité d'investissements. Nous avons bon espoir que le dialogue entamé permettra d'ajouter d'autres actions à celles prévues pour améliorer le temps d'accès aux médicaments pour les patients québécois.» Monsieur Frédéric Fasano, directeur Général de Servier Canada et président du comité Québec de Médicaments novateurs Canada ajoutait: «Des finances publiques équilibrées et l'engagement de Mme Anglade et du Dr Barrette en matière d'innovation en santé sont des facteurs clés qui contribueront à l'atteinte des cibles de la stratégie des sciences de la vie, dont celle de positionner le Québec, d'ici, 2027, parmi les cinq pôles nord-américains les plus importants. L'industrie pharmaceutique innovante offre son entière collaboration pour y arriver. Nos membres sont déterminés à faire partie de la solution pour stimuler l'innovation, créer des emplois, améliorer la vie des patients et accroître l'efficience du réseau de la santé.»

Des conditions gagnantes

Le plan de la Stratégie québécoise des sciences de la vie a bien des chances de réussir. Cette stratégie s'implante dans un terreau fertile. Comme souligné d'entrée de jeu dans cet article, Montréal a, de tout temps, rassemblé les acteurs clés dans le domaine de l'innovation telle des universités d'excellente réputation, des centres de recherche reconnus et une grappe d'industries novatrices en productions médicales et pharmaceutiques. D'ailleurs, l'endroit même où se tenait le lancement de cette stratégie, la compagnie NEOMED, était emblématique et fort représentative de ces conditions. À ces conditions gagnantes, il faut ajouter que les finances publiques sont maintenant en meilleure position, que le pipeline de recherche compte aujourd'hui plus de 7000 médicaments en développement, que les perspectives de croissance mondiale en recherche pharmaceutique sont encourageantes et qu'en plus d'un ministre de l'économie, des sciences et de l'innovation, nous avons aussi un ministre de la santé impliqué dans le processus. C'est ainsi, comme le souligne justement le titre du document de la stratégie québécoise des sciences de la vie, que: l'innovation prend vie.

Mais nous devons rester vigilants. Les tables de concertation annoncées dans ce plan stratégique n'ont pas droit à l'échec. Et elles doivent s'imposer d'agir avec diligence. Elles doivent faire en sorte que les innovations en matière de médicaments et de technologies médicales soient beaucoup plus rapidement accessibles, comme je l'ai souligné dans un article précédent ( Médicaments : une lenteur néfaste pour les patients du Québec, HuffPost Québec, le 25 février 2017 : https://quebec.huffingtonpost.ca/jacques-beaulieu/medicaments-lenteur-nefaste-patients_b_14884322.html )

Ainsi, nous pourrons faire d'une pierre deux coups: supporter les industries novatrices et, surtout, permettre aux patients d'obtenir rapidement le meilleur médicament pour sa condition. Il n'est pas normal en 2017 d'avoir à attendre plusieurs mois avant de pouvoir obtenir le médicament le plus efficace pour traiter son cancer.

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Mai 2017

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