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Il était une fois la maladie: la cirrhose du foie

Le terme «cirrhose» ne fit son apparition qu'au 19e siècle. Et on le doit à l'illustre inventeur du stéthoscope.
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«Si on ne meurt pas aussi promptement d'une maladie de Foie que d'une maladie de Cœur, on en périt plus douloureusement.» C'est ce qu'écrivait Arétée de Capadocce dans son livre sur les maladies aigues au chapitre VI: «Des maladies aiguës du Foie».

Selon ce médecin grec né au premier ou deuxième siècle après J.C. (selon les historiens), cinq causes pouvaient amener une maladie grave du foie: une blessure sérieuse, un amas putride et continuel de crudités (les temps ont changé, de nos jours, on encourage plutôt à en manger plus!), un excès de boisson, ou un refroidissement considérable.

Il se produisait alors une inflammation dans la région des «portes», qui annonçait inexorablement la mort à assez brève échéance.

Quelques siècles avant lui, Hippocrate avait dit: «Chez les ictériques, il est funeste que le foie devienne dur».

Pour un autre médecin célèbre de l'Antiquité, celui qu'on nomma le père de la pharmacie, Claude Galien (Claudius Galienus), le foie est le lieu de fabrication du sang veineux (le sang artériel serait produit par le cœur). De ces observations, Galien proposa dès le premier siècle de notre ère un remède qui allait perdurer jusqu'au XIXème siècle: la saignée.

Tant dans l'Antiquité qu'au Moyen Âge, philosophie, religion et médecine étaient intimement liés. Ainsi, selon Platon, le corps humain doit sa vie à quatre âmes: l'âme intelligente pensante, située dans le crâne. Cette âme est isolée du corps, mais peut communiquer avec lui par un isthme, le cou. Suit l'âme sensitive, sise au niveau du thorax et qui est responsable des émotions et du contact avec le monde environnant. Elle est isolée des niveaux inférieurs par le diaphragme, que les anciens considéraient comme poreux, ce qui permettait une communication entre l'âme sensitive et celle qui suivait: l'âme appétitive. Son siège principal en était le foie. Cette âme est responsable du désir, de la faim, de la soif et du bien-être. L'âme appétitive aurait la possibilité de projeter sur la paroi externe du foie des images que l'âme intelligente pouvait observer. De là, l'origine des rêves, des pressentiments et des divers états d'âme.

C'est pourquoi les augures, ces prêtres romains que l'on consultait avant de prendre une décision importante, cherchaient dans les foies d'animaux sacrifiés les présages et autres divinations, d'où l'expression: de bons (ou mauvais) augures.

Plus bas encore serait l'âme de la reproduction responsable de l'envie de l'union charnelle. Ainsi peut-on lire dans Histoire du développement de la biologie Volume III, de Hendrik C.D. de Wit (Presses Polytechniques et universitaires Romandes, page 261-262), qu'il est écrit dans le Timée de Platon: «L'âme appétitive (du désir) habite dans la cavité abdominale au-dessus du nombril. Elle est complètement séparée de l'âme sensitive par le diaphragme. L'âme appétitive n'a pas de réflexion, elle n'a pas l'intelligence raisonnable et est entièrement passive. Elle enregistre la faim et la soif, l'envie, le bien-être et les crispations. L'âme des plantes descend de l'âme appétitive. (...) Plus loin encore, il semble que les organismes animaux aient une possibilité d'avertir l'âme intelligente par le biais de l'âme appétitive. Celle-ci peut projeter des images sur la surface plate et lisse du foie, images que l'âme intelligente observe et c'est là l'origine des rêves, des pressentiments et de toutes sortes d'états d'âme dans notre conscience. Il semble bien qu'aucune âme ne puisse habiter dans cette cavité située au-dessous du nombril, remplie des méandres intestinaux. Pourtant une quatrième âme y réside, l'envie de l'union charnelle; c'est une âme dont la qualité est si basse qu'elle mérite à peine le nom d'âme.» (Référence).

Ceux qui croient que les tabous sexuels sont d'origine judéo-chrétienne doivent admettre que Platon, plus de quatre siècles avant Jésus-Christ, n'avait donc pas en haute estime cette quatrième âme...

Au Moyen Âge, certains «médicaments» feront leur apparition. On les retrouve chez les apothicaires (ancêtres des pharmaciens). Ils sont sensés rééquilibrer les humeurs. Ils doivent être composés d'ingrédients appartenant aux trois règnes: animal, végétal et minéral. On y ajoute très souvent des pierres précieuses, dont la réputation d'être magique est reconnue. Il n'y avait alors pas trop de gêne à mélanger chimie et magie! De plus, elles servaient à améliorer l'aspect des remèdes, de là est née l'expression: dorer la pilule.

Le terme «cirrhose» ne fit son apparition qu'au début du dix-neuvième siècle. Et on le doit à l'illustre inventeur du stéthoscope.

Une plante au nom évocateur

Au Moyen Âge, on utilisait souvent une plante nommée Chardon-Marie pour chasser la mélancolie, cette bile noire associée à diverses maladies du foie. L'usage en avait été emprunté à la période de l'Antiquité où Pline le jeune recommandait à tous ceux qui souffraient de problèmes hépatiques ou biliaires de boire le jus de cette plante.

Quant qu'au nom sous lequel, elle était connue au Moyen Âge, son histoire mérite d'être citée. Elle était connue d'abord sous le nom latin de Sylibum, qui signifie: chardon comestible. S'est ajoutée le terme marianum. Une légende raconte que la Vierge Marie, dans la fuite de sa famille vers l'Égypte, se serait cachée dans un bosquet avec l'enfant Jésus pour échapper aux soldats d'Hérode. Elle aurait alors donné le sein à son enfant et quelques gouttes de lait sont tombées sur les feuilles du chardon, ce qui lui conféra des nervures blanches. C'est pourquoi, en plus des applications thérapeutiques confirmées pour les problèmes hépatiques, la plante connut une certaine application, non encore démontrée, comme favorisant la lactation chez les nouvelles mères.

Le mot «cirrhose»

Bien que, comme nous l'avons vu, la maladie était connue depuis l'Antiquité, le terme «cirrhose» ne fit son apparition qu'au début du dix-neuvième siècle. Et on le doit à l'illustre inventeur du stéthoscope: René Laennec. Il ajouta au suffixe «ose» le terme grec «kirrhos», qui signifie: d'un jaune roux. C'est ainsi qu'en 1819, cette maladie fut enfin identifiée.

Une courte vie bien remplie

René Laennec est né à Quimper en 1781. Bien des carrières se décident en bas âge causées par des grands chocs émotifs. Ainsi, la mère de René décéda de tuberculose alors que celui-ci n'avait que 5 ans. Confié à un de ses oncles, médecin et directeur du département de médecine à Nantes, le jeune Laennec décide d'y faire carrière.

Très tôt, il se spécialisa dans les maladies pulmonaires et adopta une nouvelle technique inventée par le docteur autrichien Leopold Auenbrugger, médecin personnel de Napoléon. Le docteur Auenbrugger avait mis au point une méthode d'auscultation en frappant avec le doigt un organe et en écoutant le bruit qui en résultait. Cette méthode s'avérait particulièrement efficace pour ausculter les tuberculeux et déterminer l'étendue de la maladie.

Pratiquant cette méthode, le jeune docteur Laennec remarqua en passant près d'un parc que des enfants s'amusaient en grattant l'extrémité d'une longue poutre avec une épingle, tandis qu'à l'autre bout de la poutre, d'autres écoutaient les sons ainsi produits. De retour à l'hôpital où il exerçait, il s'empressa de prendre une feuille de papier, l'enroula et en posa une extrémité sur le thorax d'un patient et l'autre sur son oreille, il entendit alors nettement les bruits du cœur et ceux de la respiration. Il venait d'inventer ce qu'il appela d'abord, le «pectorilogue», pour le perfectionner et lui donner son nom définitif: le stéthoscope.

Laennec contribua à plusieurs autres domaines de la médecine, étant le premier à reconnaître comme telle la maladie qu'il appela cirrhose, la péritonite, le mélanome. Il a aussi fait une description bien détaillée des métastases pulmonaires du mélanome. Sa devise était inscrite dans l'ouvrage qu'il publia en 1819 et pouvait se lire ainsi: «la partie la plus importante de notre art consiste à être en mesure d'observer correctement».

René Laennec mourut, à peine âgé de 45 ans, d'une tuberculose que son neveu diagnostiqua avec le stéthoscope qu'il avait inventé. René Laennec était aussi reconnu comme un fervent croyant et sa charité envers les pauvres était de notoriété publique.

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