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Sommet humanitaire mondial: le Canada doit prendre de véritables engagements

L'aide humanitaire a atteint un seuil critique: la souffrance humaine a aujourd'hui atteint un niveau inégalé depuis des dizaines d'années, et l'on assiste à une érosion toujours plus marquée du respect du droit international humanitaire.
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Le Sommet mondial sur l'action humanitaire débutera dans quelques jours à Istanbul. Convoqué par le secrétaire général de l'ONU, ce sommet aura requis des années de préparation. Il rassemblera gouvernements, organisations humanitaires, société civile et secteur privé en vue de leur adhésion au nouveau Programme d'action pour l'humanité, qui vise à trouver de meilleures solutions pour répondre aux besoins de celles et ceux qui sont touchés par les trop nombreux conflits et catastrophes humanitaires actuels.

Le Canada n'a toujours pas annoncé qui sera son représentant au sommet. J'espérais que le premier ministre Justin Trudeau y assisterait, à l'instar de nombreux chefs d'État, mais cela semble peu probable. En son absence, il sera d'autant plus important que le Canada joue un rôle prépondérant dans les négociations et qu'il soit disposé à prendre de véritables engagements.

L'aide humanitaire a atteint un seuil critique: la souffrance humaine a aujourd'hui atteint un niveau inégalé depuis des dizaines d'années, et l'on assiste à une érosion toujours plus marquée du respect du droit international humanitaire. Médecins Sans Frontières a d'ailleurs annoncé son retrait du sommet, citant les violations systématiques et sa perte de confiance envers la volonté des États à protéger les travailleurs humanitaires. L'an dernier, 75 hôpitaux gérés ou soutenus par Médecins Sans Frontières ont été bombardés.

Je comprends la position de l'organisation après l'horrible et inacceptable bombardement de leurs installations. Nous, la communauté internationale, sommes également responsables de multiples lacunes en ce qui concerne l'action humanitaire et notre intervention en cas d'urgence. Il nous incombe, à titre de politiciens et de dirigeants, de bien écouter les organismes humanitaires et d'améliorer notre intervention.

Au sommet, le Canada doit réitérer son appui inconditionnel au droit international humanitaire. Les bombardements fréquents des travailleurs humanitaires et des installations médicales sont carrément intolérables et doivent être dénoncés. En ce sens, j'ai été fort encouragée lorsque le gouvernement du Canada a annoncé son co-parrainage d'une résolution ferme de l'ONU sur le droit humanitaire international. Il s'agit là d'un heureux changement après le silence relatif que le Canada entretenait à ce sujet ces dernières années. Cependant, il nous faut faire plus et dénoncer vivement les auteurs de ces actes, incluant nos alliés. À titre d'exemple, des parlementaires du Royaume-Uni ont, la semaine dernière, exhorté leur gouvernement à prendre une position plus tranchée sur le droit humanitaire international et sur les actes commis par l'Arabie saoudite au Yémen. En ma qualité de parlementaire du Canada, j'exhorte le Canada à faire de même.

Voilà qui m'amène à mon deuxième point: la vente d'armes. À Istanbul, le Canada devrait réaffirmer son intention, de manière officielle et aux yeux du monde entier, d'accéder immédiatement au Traité sur le commerce des armes. Il est essentiel que le Canada s'engage à appliquer d'emblée le traité et à en respecter l'esprit. Ainsi, le pays placera le droit humanitaire international et le droit international en matière des droits de la personne au cœur de ses décisions sur le transfert d'armes. Les considérations commerciales devraient être subordonnées au respect du droit humanitaire international.

Dans les faits, nous ne devrions plus transférer d'armes vers les pays où les droits de la personne ne sont pas respectés. Nous savons que l'Arabie saoudite commet des violations à ces droits au Yémen. Nous détenons aussi des preuves de plus en plus convaincantes que les Saoudiens se servent d'armes semblables aux véhicules blindés légers du Canada contre ses propres citoyens. Armés de ces preuves, nous devrions suspendre le permis d'exportation d'armes à l'Arabie saoudite accordé par les libéraux il y a quelques semaines. En toute bonne conscience, le Canada ne peut risquer d'être complice de ces violations des droits de la personne.

J'en profite pour souligner qu'il nous faut aussi un meilleur contrôle de l'ensemble du processus d'exportation des armes canadiennes. Je suis extrêmement déçue que les Libéraux aient bloqué ma motion visant la création d'un comité parlementaire sur les exportations d'armes. Ce comité aurait permis aux députés d'enquêter sur ces questions au nom de leurs électeurs.

Je fonde un troisième espoir pour le Canada au Sommet mondial sur l'action humanitaire: celui qu'on augmente les engagements en matière de financement et de ressources pour l'éducation et la protection des enfants. Un enfant sur dix dans le monde vit dans une zone touchée par un conflit et la perte d'accès à l'éducation engendre un coût élevé. Nous sommes en train de perdre une génération en Syrie et dans d'autres zones de conflit où les enfants font face au désespoir et à un risque croissant de radicalisation.

Il est bien connu que l'investissement dans l'éducation en temps de crise prévient d'autres problèmes et favorise une société plus florissante. Pourtant, la protection et l'éducation demeurent parmi les pans de l'aide humanitaire les plus sous-financés. Il est donc essentiel de mieux arrimer nos ressources aux besoins des enfants et d'augmenter notre soutien à l'éducation en cas d'urgence. Au sommet, le nouveau fonds «L'éducation ne peut pas attendre» sera lancé, initialement administré par UNICEF. Une aide sera ainsi donnée aux enfants touchés par les crises afin de leur permettre d'accéder à l'éducation. Or, le Canada n'a pas pris d'engagement financier en ce sens. J'ose espérer qu'il en prendra un au sommet.

Notre gouvernement doit également profiter de l'occasion pour prendre des engagements fermes sur les questions de genre et sur les changements climatiques. En effet, notre intervention humanitaire doit mieux intégrer l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes. Par ailleurs, les effets des changements climatiques sur le nombre croissant de catastrophes sont bien connus. J'aimerais voir le Canada s'engager sérieusement dans ces deux domaines, échéanciers de financement et objectifs précis à l'appui.

Il nous faut également songer à revoir le modèle de financement. Il y a quelques jours, j'ai assisté à un panel lors d'une conférence sur le Canada et le sommet à laquelle participait M. James Orbinski, l'un de nos plus brillants travailleurs humanitaires. Celui-ci a proposé de remplacer le modèle caritatif de financement par un financement de base pluriannuel des organismes onusiens. Dans cette veine, j'aimerais voir notre pays adopter des modèles de financement flexibles et pluriannuels pour les organismes humanitaires. Les crises humanitaires sont de nature imprévisible et exigent souvent une adaptation rapide aux besoins sans cesse changeants sur le terrain. Il nous faut réformer le modèle de financement pour être en mesure d'apporter une aide nécessaire sur-le-champ. Il faut aussi faire confiance à nos partenaires sur le terrain et leur accorder la liberté ainsi que les ressources pour faire des choix qui sauveront des vies.

Pour terminer, il importe que nous, les politiciens, n'utilisions pas l'aide humanitaire pour masquer l'échec collectif de la communauté internationale à maintenir la paix. Nous avons la responsabilité politique et morale de nous employer davantage à prévenir les conflits et à consolider la paix. N'oublions pas que la prévention des crises reste toujours l'approche la plus efficace et la plus économique. Le Canada, comme tous les pays, doit en faire plus pour prévenir ces crises à la source.

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