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Entre deux rives, les agneaux du seigneur

Dans le Sud, la question existentielle tourne autour du prix de l'animal à immoler, au nord c'est le tribut moral à payer qui est en question; malaise intercommunautaire, divergences d'avis... discorde à l'infinie! Entre les deux visions, il y a la bête.
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Dans le Sud, c'est un acte de piété et de soumission, dans le Nord un fait religieux rétrograde et barbare. Dans le Sud, la question existentielle tourne autour du prix de l'animal à immoler, au nord c'est le tribut moral à payer qui est en question; malaise intercommunautaire, divergences d'avis... discorde à l'infinie! Entre les deux visions, il y a la bête.

Dans les pays de l'islam, la bête est présumée coupable

S'il se retrouve ligoté à vos pieds un matin, c'est qu'il a été choisi pour la fête. Non pas par vous-même, mais par votre seigneur. Il va être sacrifié. Pour perpétuer un mythe qui sauva votre lignée.

Son odyssée, lui et ses semblables, commencera par l'enfer des marchés, leurs conditions cruelles et les touffeurs des camionnettes bâchées. Les mains baladeuses des engraisseurs, intermédiaires, rabatteurs et vieux gredins viendront tâter et juger le beau et le présumé bon. Ils passeront de main en main, vendus, livrés... trahis!

Vous les entendrez peut-être braire leurs incompréhensions sur les balcons murés. Vous les verrez se lamenter à travers les enclos et les portails rouillés. Perdu, attendant le purgatoire et ruminant leurs angoisses.

Ne sentez-vous pas cette atmosphère lourde et étouffante, par ces journées orageuses et caniculaires. Ces rigoles ruisselantes et rouges, et ces trottoirs fumants. Les miasmes morbides des carbonades, abats, tripes pendantes que l'on étend, que l'on assèche.

Les sacrifiés perçoivent les incantations s'élevant de vos temples. Vos réjouissances et vos attentes. Les lames qui s'aiguisent au rythme des rires d'enfants, les crochets que l'on courbe, les cordes que l'on noue, le bruit de la meule affûtant feuille, hache et couperet. Échafaud et scène du crime, potence participative; comportement grégaire d'une société excitée par le théâtre de mort.

Des papas maculés, des gosses effarouchés que les jérémiades et autres râlements et convulsions, hanteront des années durant. Les gamins qui les verront expirer (les moutons), les garderont vivants longtemps dans leurs cauchemars. Ils reviendront les abattre une fois adulte, dévitalisés, insensibles, formatés et habitués.

«L'immolation du mouton de l'Aïd met l'Occident face à une morale incommodante que l'on aimerait éviter»

La digression du mouton savant

Ne voyez-vous pas là un acte d'un autre temps, sosie des fêtes mortuaires Inca, des rites sacrificiels Mayas, Égyptiens ou Nubiens. Des célébrations fossiles, éteintes et délaissées, remplacées peu à peu, par des rites non sanglants. C'est ce que montrent aussi la mythologie et l'histoire des anciens Grecs, ou les textes bibliques des Hébreux.

Le christianisme, quant à lui, est venu consacrer l'acte de la crucifixion, comme ultime acte sacrificiel qui mettait fin à toutes autres formes d'offrandes dites sanglantes.

À travers Jésus, le Dieu des chrétiens, aurait fait don à l'humanité entière d'une partie de lui-même. Un acte salvateur annonciateur d'une nouvelle ère pour l'homme. Une philosophie qui s'était transmise (par la force?) à la religion juive, qui abandonna peu à peu, après la destruction du temple de Jérusalem par les Romains, les rites sanglants pour ne les pratiquer que pendant les périodes de pèlerinage à la ville sainte.

Cette vision philosophique judéo-chrétienne du sacrifice serait une des sources d'incompréhensions et de tensions entre musulmans d'occident et sociétés d'accueils.

«À la limite, dans la baignoire, le « mouton martyr » serait peut-être bien mieux accueilli, si celle-ci (la baignoire) était une cuve sacrificielle, dans un temple éloigné que l'on appellerait civilement abattoir»

Le mouton dans la baignoire; un cas de conscience occidental?

L'immolation du mouton de l'Aïd met l'Occident face à une morale incommodante que l'on aimerait éviter: celle de la pertinence de l'abattage massif, qui revient à se questionner sur l'éthique de consommer de la viande animale, qui dérive sur le mystère de la supériorité de l'homme en tant qu'espèce omnipotente qui a droit de vie et mort sur l'ensemble des espèces.

Même si le rite sacrificiel est abandonné par la majorité des Occidentaux, il continue à se manifester à travers de belles fêtes religieuses, dans la dinde de Noël ou via l'agneau de Pâques. On continue à abattre et à sacrifier de manière indirecte en se procurant des viandes chez le boucher ou dans les grandes surfaces. Dans cet occident héritier des valeurs judéo-chrétiennes, concepteur des déclarations des droits des hommes et des animaux, le malaise du « mouton martyr de l'Aïd» est d'abord un cas de conscience. Une insulte à la pensée évolutive humaine qui demeure, malgré tout, profondément animale. Un vilain reflet de notre nature crue, cruelle... dure à digérer.

À la limite, dans la baignoire, le « mouton martyr » serait peut-être bien mieux accueilli, si celle-ci (la baignoire) était une cuve sacrificielle, dans un temple éloigné que l'on appellerait civilement abattoir.

Mais revenons à nos moutons...

Dans les pays de l'Islam, nul ne semble se soucier de la moralité de l'acte ou s'interroger sur sa pertinence. Le débat « pléblique » se limite au volet financier, aux coûts, aux musettes et à la panse. Quoi de plus normal, lorsque des populations se débattent toujours, dans les bas-fonds de la pyramide de Maslow, et qu'elles considèrent que la richesse se mesure par la quantité de viandes ingurgitée.

Il y a surtout dans les rites, matière à l'asservissement. Ils font des croyants, des êtres prévisibles dont les besoins sont avant tout mystiques. On assurera simplement le « ftour » (repas de rupture du jeûne) du ramadan, les sucreries du petit Aïd, quelques places pour les pèlerins, des mosquées pour prier et des ovidés pour Al Adha (la « fête » du mouton). Ceux qui les dirigent (les croyants) n'ont qu'à satisfaire des besoins primaires pour se les mettre dans la poche. Mange, prie, dors... «Longanimité narquoise » dirait Kateb Yacine.

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