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Juste des bonnes nouvelles #4 : Des clowns, des chèvres et des canards

Au moment d'écrire ces lignes, c'est pour moi la fin d'une incroyable aventure de plusieurs semaines. Aujourd'hui, l'adrénaline tombe. Je suis présentement dans un p'tit café, à Thessalonique, en Grèce.
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Bonjour chers amis du Québec! Au moment d'écrire ces lignes, c'est pour moi la fin d'une incroyable aventure de plusieurs semaines. Aujourd'hui, l'adrénaline tombe. Je suis présentement dans un p'tit café, à Thessalonique, en Grèce. Dire qu'il n'y a pas si longtemps, mon avion atterrissait à Londres, où je rejoignais une troupe d'étranges créatures, aux grands cœurs et aux grands talents : The Flying Seagull Project. Eux, qui m'ont instantanément et affectueusement surnommé "Quack-Quack". Parce que selon eux, les Québécois qui parlent anglais, ça sonne comme des canards... comparativement aux Français, qui sonnent comme des grenouilles.

Notre plan était simple, mais ambitieux : à bord de deux camions, tirant chacun une remorque remplie de magie, de cirque, de musique, de jeux et de plein d'autres trucs amusants... on allait parcourir les 3000 km qui séparent Londres de Katsikas, en Grèce. L'objectif était d'y installer un chapiteau dans un camp de réfugiés, en permanence et pour plusieurs mois. Afin que tous les jours, les enfants puissent avoir un endroit où jouer et s'amuser en toute sécurité et simplicité. OK, je retire ce que je viens de dire... notre plan n'était pas simple du tout! Ça fait qu'on est parti de Londres à 5 heures du matin et on a roulé environ 10 heures par jour, pendant une semaine. On est passé par la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Autriche, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie. En chemin, on s'est s'arrêté pour offrir des spectacles dans le camp de réfugiés de Calais (France), dans un orphelinat en Roumanie et dans une communauté de gitans, vivant dans la pauvreté extrême.

Visite d'une communauté de gitans, Roumanie.

Vous pouvez imaginer, chers amis, que cet intense road trip était bien rempli en émotions et qu'il a passé très vite! J'ai eu l'impression d'être littéralement téléporté au nord de la Grèce, d'un coup sec... BOOM! Une fois sur place, je fus immédiatement submergé d'un puissant sentiment de nostalgie. Car, il y a plusieurs mois, j'habitais ici, au nord de la Grèce. J'y donnais entre 4 et 7 spectacles par jour, dans des camps de réfugiés aux besoins particulièrement criants. Pendant plusieurs semaines, je voyais les mêmes enfants, chaque jour.

Ça fait qu'à notre arrivée, on s'est empressé d'aller visiter l'un des plus gros camps du coin. Les enfants étaient tellement contents de nous revoir, qu'ils ont chargé vers nous pour nous sauter dans les bras et nous couvrir de câlins. Ils se souvenaient de chaque détail, de chacun de nos jeux et de chacune de nos chansons. C'était tout simplement merveilleux. Mais ces retrouvailles touchantes furent de courte durée. Notre destination finale était dans une région plus au sud. Parce qu'on nous avait informés de la présence de plusieurs camps par là, avec des besoins encore plus importants et très peu d'organismes d'aide humanitaire.

On a donc continué notre chemin au sud, jusqu'à Vassiliki, un charmant petit village de 400 personnes et environ 10 fois plus de chèvres. Ces dernières, d'ailleurs, ont la fâcheuse habitude de toujours se ramasser en plein milieu de la rue au mauvais moment. Imaginez le spectacle... une fourgonnette de cirque toute colorée, pleine de clowns qui commencent à perdre sérieusement patience, parce que le véhicule est enseveli sous une centaine de chèvres. Mémorable! On était à Vassiliki parce que la mère de l'ami de l'ami du cousin du frère d'un ami, y possédait une maison. Elle avait la gentillesse de nous la louer pour plusieurs mois, à très bon prix. Vous auriez dû voir la face des habitants de ce coin perdu en montagnes, des fermiers ultras traditionnels et qui ne parlent que le grec, lorsqu'une gang de clowns débarque dans le coin. « Salut, on est vos nouveaux voisins! ». N'empêche, ils sont tous venus nous souhaiter la bienvenue, un à un. On ne comprenait pas ce qu'ils disaient, mais ils avaient l'air bien contents de nous voir, même s'ils ne comprenaient pas trop ce qu'on pouvait bien faire ici.

Une fois, avoir fait connaissance avec les voisins et les chèvres... il fallait maintenant se mettre au boulot! En commençant par l'ennuyante bureaucratie et les procédures interminables pour avoir l'autorisation d'installer notre chapiteau dans un camp de réfugiés. On enchaînait réunion après réunion, avec le gouvernement, l'armée, les Nations Unies et tout un tas d'autres organismes... de quoi devenir fou! On passait notre temps à faire du "blabla", à serrer des mains et à dire "bonjour bonjour on est gentils et on veut juste faire rire les enfants". Mais rien n'avançait et on n'avait toujours pas la permission de poser notre chapiteau! Mais bon, il n'était pas question qu'on attende d'avoir un chapiteau pour commencer notre travail. Ça fait qu'on s'est mis à visiter environ 3 camps par jour, où on a rapidement développé une relation magnifique avec les jeunes et les familles du coin.

Visite au camp de réfugiés de Sepolovo, Grèce.

Quelques jours plus tard, on a reçu un coup de fil des Nations Unies, pour nous annoncer que le ministère de l'Éducation de la Grèce venait tout juste d'accepter que des enfants réfugiés fréquentent leurs écoles. FANTASTIQUE! Mais vous savez... la première journée d'école, c'est stressant pour tout le monde. Alors, imaginez lorsque vous êtes d'une autre culture, que vous ne parlez pas la langue locale et que vous êtes différents des autres, parce que vous habitez dans une tente, dans un camp de réfugiés. On s'est donc présenté sur place, à la rentrée scolaire. Grâce à des jeux et des spectacles interactifs, on s'est assuré que tous les enfants se mélangent et s'amusent ensemble. Le stress s'est rapidement transformé en une grosse fête, où personne ne faisait la différence entre Syriens et Grecques.

Le stress s'est rapidement transformé en une grosse fête, où personne ne faisait la différence entre Syriens et Grecques.

Malgré tout, la majorité des enfants n'avaient toujours pas la chance d'aller à l'école. C'est pourquoi un groupe de bénévoles fantastiques a ouvert une école, en plein milieu du camp de Katisikas. Les enfants pouvaient y apprendre l'anglais, l'arabe et les mathématiques. Afin de les inciter à s'y présenter, ma gang de clowns et moi, on se levait très tôt, chaque matin. On allait parader à travers les tentes, avec de la musique, des acrobaties et de la jonglerie. Rapidement, tous les enfants se rassemblaient derrière nous. Puis, on terminait la parade devant l'école, où l'on jouait avec eux pendant une bonne demi-heure. Le taux de présence n'avait jamais été aussi élevé et les enfants commençaient toujours leur journée d'école avec le grand sourire!

On a continué sur ce rythme, pendant plusieurs semaines. Les journées commençaient toujours par la parade à Katsikas, puis continuaient avec des prestations dans 3 camps de réfugiés différents. Le tout, entremêlé d'un tas de réunions inefficaces et de paperasses ennuyantes. Parce qu'on avait toujours l'espoir d'obtenir l'autorisation de monter notre chapiteau, afin d'offrir aux enfants une zone permanente de fun! Nos efforts ont fini par payer... le chapiteau a finalement été monté au milieu du camp de réfugiés, le 25 octobre 2016! YEAAAH! Pour l'occasion, il y a eu une grande fête avec tous les enfants, plein de spectacles et une tonne de rires!

L'équipe du Flying Seagull Project, devant le fameux chapiteau... enfin monté!

Mais, c'est avec tristesse que je dois maintenant quitter le pays, les camps de réfugiés et les enfants avec qui je développe une relation depuis plusieurs semaines. Je dois dire au revoir à mon extraordinaire famille de clowns du Flying Seagull Project. Ce n'est pas par choix. Si je pouvais, je resterais à l'année. Mais, en tant que Canadien, j'ai droit à seulement 90 jours sur le territoire européen. J'avais les yeux pleins d'eau, quand le petit Samir, 8 ou 9 ans, me tirait par le bras, me suppliant de rester et en répétant : « Ne partez pas monsieur! Je vais parler à la police! Je vais leur dire que vous pouvez rester! »

La bonne nouvelle? Avant que je parte, mes amis ont acheté des canards. Il y en a un qui s'appelle Guillaume, en l'honneur du "Quack Quack" de clown québécois. Ça fait que mon souhait s'est réalisé : je suis avec eux, dans les camps de réfugiés... à l'année! Du moins, sous la forme d'un canard! Quack quack!!!

Guillaume fait la connaissance de Guillaume. Entre Quack-Quack, on se comprend!

Ce texte a également été publié dans le Journal La Galère (Vol.14 #6)

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Mai 2017

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