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Bonjour-santé ou bonjour la rétention?

Si le comportement de Bonjour-santé n’est peut-être pas illégal, sa transparence à l’égard de son processus de désabonnement est fortement discutable.
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Saisie d'écran du site web Bonjour-santé

On l'a tous remarqué, le dernier temps des Fêtes aura été l'incubateur parfait pour une poignée de virus qui courent toujours, d'ailleurs. Ma famille n'a malheureusement pas été épargnée par cette vague d'infections.

Après plusieurs tentatives d'obtenir une ligne téléphonique dans les cliniques et espérer enfin voir un médecin pour un membre de ma famille, je me suis résigné à utiliser «Bonjour-santéⓇ». Et comme je n'arrivais pas à trouver des offres de rendez-vous avec le forfait «à la carte» (à 17,25 $ la recherche), j'ai choisi de m'abonner à son service à 5,95 $ par mois (sans compter les 25,95$ de frais unique d'inscription), rien que pour voir si - à tout hasard - je n'y trouverais pas là une fabuleuse solution.

Magie ! Effectivement, des offres de rendez-vous se sont mises à apparaître comme par enchantement. Ceux qui sont abonnés semblent avoir beaucoup plus de choix que ceux qui font des recherches à la carte; constat d'ailleurs confirmé par le service à la clientèle téléphonique de Bonjour-santé. Voilà donc un système à deux vitesses bien assumé qui, aux dires de Bonjour-santé, aurait servi plus de 2 192 000 patient$...

La bonne nouvelle, c'est que ma famille a retrouvé la santé depuis. C'est pourquoi j'ai décidé de me désabonner ce jeudi 1er février. Je ne voyais pas l'intérêt de payer près de 6 $ par mois jusqu'à la prochaine vague de grippe.

Selon mes recherches auprès de la Régie des Entreprises du Québec, Bonjour-santé est un service Web appartenant à une entreprise privée nommée Tootelo Inc., comptant comme actionnaires Benoît Brunel, Éric Desrosiers et François Rémillard. Or, déjà qu'il est, à mon humble avis, «éthiquement douteux» que le ministre Barrette permette à des intérêts privés de capitaliser sur l'accès à notre système de santé public, mon étonnement ne s'est pas arrêté là...

Un cul-de-sac pour utilisateurs planifié?

Voulant cesser de payer pour ce service, j'ai cherché partout le bouton de désabonnement sur bonjour-santé.com : en étant connecté dans mon compte; en fouillant sur la Foire aux questions; en regardant dans le pied de page du site... Hélas, je n'ai trouvé aucune mention de marche à suivre pour me désabonner. Finalement, j'ai trouvé le numéro du service à la clientèle. J'ai appelé et parlé à une agente qui m'a expliqué qu'il n'existe pas d'outil en ligne pour se désabonner de Bonjour-santé. Chose qui m'a aussi été confirmée par un courriel de l'entreprise. Elle m'a néanmoins désabonné manuellement. J'ai rappelé et parlé ensuite à une autre préposée. Je lui ai demandé «est-ce qu'il existe une procédure écrite sur le site qui indique comment se désabonner?» Sa réponse a été clairement «non». Elle me dit candidement que «ça ne fait que 2 mois que des utilisateurs cherchent à se désabonner.» que l'entreprise travaille là-dessus...

J'ai tout de même cherché à valider si l'instruction de désabonnement est clairement indiquée dans leurs conditions d'utilisation (une pratique répandue, en commerce électronique). Après une recherche manuelle infructueuse sur leur site (d'ailleurs sans moteur de recherche), j'ai fait une requête sur leur site avec Google «site:bonjour-sante.ca conditions». Cela m'a enfin permis de débusquer (enfin!) leur page de conditions d'utilisation ici.

En repassant à travers le processus d'inscription, j'ai aussi découvert que le seul endroit où Bonjour-santé donne aux utilisateurs un accès à ses «Modalités du service d'abonnement» serait sur sa page «Débuter votre abonnement», là où la plupart des utilisateurs ont sans doute cliqué sans lire ceci : « ☑ J'accepte les conditions générales d'utilisation et les modalités du service d'abonnement de Bonjour-Santé».

C'est donc à la lecture de ces conditions d'utilisation que j'ai pu prendre connaissance de ceci : «Pour résilier votre abonnement, veuillez suivre les instructions à cet effet sur votre compte.» (dont j'ai fait une capture d'écran ici, en date du 1er février). Or, après vérification en étant connecté sur mon propre compte, il n'y existe aucune instruction pour résilier mon abonnement, tel que promis dans leurs conditions d'utilisation. Tandis que sur leur FAQ, on peut lire «Q : Est-ce que je peux me désabonner à n'importe quel moment? R : Oui, vous pouvez vous désabonner en tout temps [...].» Encore une fois, sans mentionner quelle est la marche à suivre !

On nous promet dans les conditions d'utilisation des instructions de désabonnement accessibles via notre compte personnel, tandis qu'une fois connecté, on n'y retrouve d'aucune façon de telles instructions.

Entendons-nous bien : si le comportement de Bonjour-santé n'est peut-être pas illégal, sa transparence à l'égard de son processus de désabonnement est fortement discutable. Et dans le cas qui nous concerne, cette situation a des allures de fausse représentation. Je m'explique. On nous promet dans les conditions d'utilisation des instructions de désabonnement accessibles via notre compte personnel, tandis qu'une fois connecté, on n'y retrouve d'aucune façon de telles instructions. Pourquoi? Si ce n'est pas par mauvaise foi ou par omission volontaire à dessein de rétention de l'utilisateur, serait-ce alors par pure incompétence? On peut en douter, puisque selon la Régie des entreprises du Québec, Tootelo cumule 24 ans d'activités.

D'un point de vue «expérience utilisateur», il est bien facile de s'abonner à Bonjour-santé. Mais même pour moi - qui maîtrise bien les logiques du web - l'expérience de sortir de ce cul-de-sac en ligne a été assez ardue.

Ce cas de figure ne devrait-il pas inspirer notre gouvernement pour encadrer la procédure d'annulation d'un service Web par abonnement? Posez la question, c'est d'y répondre. Mais fondamentalement, je crois que nos élus ont le devoir de légiférer pour éviter que l'accès à nos propres services publics en ligne ne soit jeté en pâture au monde des affaires.

P.S. à Tootelo : (Cette analyse d'expérience utilisateur est gratuite...).

Avril 2018

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