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À quoi bon multiplier les tribunes souverainistes?

Les souverainistes ne semblent pas saisir l'extraordinaire opportunité offerte par le discrédit qui entache les partis fédéralistes et profiter qu'un gouvernement souverainiste soit en pouvoir à Québec. Tandis qu'ils devraient s'affairer à nourrir la fierté chez ceux désabusés par dix ans de scandales et de malgérance libérale, on les voit surtout multiplier les organisations concurrentes et s'en prendre au seul parti souverainiste capable de réaliser la souveraineté.
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Le cynisme et le dénigrement ont la cote au Québec. Corruption, collusion, fraude et opportunisme encombrent en effet notre quotidien. Or, quand on y regarde de plus près, du scandale des commandites à celui des garderies en passant par la commission Charbonneau, les juges «post-it» et les liens avec la mafia, il est constamment question de libéraux notoires. En revanche, quand on cherche qui défend malgré tout les vertus citoyennes, le sens de l'État et de l'éthique, on ne voit guère que des nationalistes. Ceci expliquant cela, l'amour de son pays incite sans doute à défendre le bien commun, tandis que le reniement de sa patrie porte tout naturellement à souhaiter se remplir les poches. C'est logique et amplement démontré par les faits.

Or les souverainistes ne semblent pas saisir l'extraordinaire opportunité offerte par le discrédit qui entache les partis fédéralistes et profiter qu'un gouvernement souverainiste soit en pouvoir à Québec. Tandis qu'ils devraient s'affairer à nourrir la fierté chez ceux désabusés par dix ans de scandales et de malgérance libérale, on les voit surtout multiplier les organisations concurrentes et s'en prendre au seul parti souverainiste capable de réaliser la souveraineté.

Inauguré par les patriotes en 1834, le réseau des sociétés Saint-Jean-Baptiste et des Sociétés nationale des Québécois fut longtemps la seule grande organisation nationaliste à accompagner le peuple québécois: dénonçant la pendaison de Louis Riel en 1885, contre la conscription durant les guerres mondiales, autonomiste sous Duplessis, puis fier partenaire de la souveraineté lors des deux référendums. À titre de président du Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ), mon travail consiste à promouvoir la fierté nationale et à rappeler la capacité du peuple québécois à réaliser de grandes choses. Ce travail repose sur des gestes concrets, menés par des centaines de militants, et destinés à unir tout le peuple autour de sources de fierté et d'appartenance telles que le Jour du drapeau, la Journée nationale des patriotes, la journée internationale de la francophonie, les prix du Mérite en histoire.

Comme tout le monde, le réseau du MNQ a assisté depuis une douzaine d'années à la génération spontanée de nouvelles cellules souverainistes. La liste en serait trop longue ici, mais le réseau Cap sur l'indépendance en offre un bel échantillon sur son site. Au risque de simplifier, la plupart d'entre elles sont nées de deux constats: un, le Parti québécois fait mal son travail pour nous mener aux portes du pays et, deux, il est urgent de provoquer la souveraineté dans les plus brefs délais.

L'ironie est qu'en quittant le Parti québécois ces organisations contribuent à le vider de ses membres les plus motivés. L'ironie en invoquant l'urgence est qu'on mine ainsi le seul parti souverainiste capable de réaliser la souveraineté avant au moins 15 ans! Comble d'ironie, la plupart de ces nouvelles organisations souverainistes ont surtout fait parler d'elles pour leurs critiques adressées au Parti québécois, perpétuant l'impression d'un mouvement souverainiste divisé et querelleur. Ceci dit, le Parti québécois doit admettre qu'il ne fera pas seul la souveraineté du Québec et qu'il doit assumer la direction des forces vives de la société afin de recréer le «camp du changement», comme lors du référendum de 1995, avec la complicité des partenaires pour la souveraineté.

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Référendum de 1995: et le NON l'emporta!

Certains s'en sont rendus compte et on assiste depuis quelques années à un mouvement destiné à fédérer ces cellules souverainistes: de nouvelles organisations regroupant des organisations en vue d'interpeler les partis souverainistes en vue de... s'unir. Se sont ainsi ajouté de nouvelles raisons sociales se disputant le même noyau de militants souverainistes. On en sera bientôt à une organisation par militant qui ne se parleront plus qu'à l'occasion de «sommets » et de «congrès»...

En outre, les coalitions qui souhaitent à l'heure actuelle regrouper la grande famille souverainiste placent de plus en plus leurs alliés dans une situation embarrassante. En effet, que devrais-je faire si je suis un syndicat, un groupe communautaire ou une association féministe invitée à m'y joindre? Tout naturellement je profiterais de ces tribunes pour faire valoir mes intérêts corporatifs et, pourquoi pas, écorcher au passage le gouvernement du Québec. Souverainistes peut-être mais, entre deux référendums, d'abord au service d'une cause particulière. L'effet est qu'en souhaitant réunir toutes les organisations susceptibles d'appuyer le projet souverainiste, ces «réseaux», «convergences» et «sommets» se trouvent ironiquement à l'étriquer davantage et à simplement offrir une nouvelle tribune à des groupes de pression.

Le Mouvement national des Québécoises et Québécois répondra pourtant toujours présent. Nos instances, ainsi que nos 18 sociétés régionales affiliées, n'ont jamais fait mystère de leur engagement pour la souveraineté du Québec. Nos états de services et les mandats exigeants qui nous occupent nous conduisent cependant à se demander où tout cela nous mène-t-il au juste et si c'est vraiment notre rôle de consacrer temps et argent à participer à ces tribunes? Aussi, tout en continuant à travailler avec tous ceux qui ont à cœur l'avènement de la souveraineté, il me semble opportun de formuler certaines lignes directrices qui sont ressorties au travers de nos consultations.

1. Le premier devoir d'une organisation souverainiste devrait consister à convaincre davantage de citoyens à embrasser la cause du Québec, chacun avec ses ressources et selon son expertise, soit en valorisant nos institutions nationales, notre potentiel économique, notre culture, notre histoire et notre langue, en attendant qu'un rendez-vous référendaire soit l'occasion de se regrouper comme en 1995.

2. Les organisations souverainistes n'ont pas à inciter les partis souverainistes à siéger dans leurs instances sous peine d'infidélité à la cause. Au nom du valeureux motif de les unir, on pave en fait la voie à la partisannerie, en n'offrant aux partis qu'une tribune supplémentaire où étaler leurs différends. Si les partis souverainistes souhaitent pactiser ou parler front uni, ils trouveront bien à le faire eux-mêmes.

3. Reconnaitre qu'un gouvernement souverainiste à Québec porte présentement haut et fort le discours national dans les cadres étroits conférés par une très mince pluralité de sièges; que sa défaite signifierait automatiquement le retour au pouvoir d'un parti fédéraliste ce qui, inévitablement, handicapera la marche vers la souveraineté.

Le Mouvement national des Québécoises et Québécois sera aux côtés de quiconque contribue à ce que le peuple québécois prenne décidément en main son destin. Il refuse cependant de se laisser guider par l'urgence, le cynisme, le radicalisme ou la recherche frénétique d'une tribune. Le MNQ reste convaincu qu'on doit d'abord et avant tout travailler à propager la fierté d'être Québécois auprès du plus grand nombre et à restaurer la confiance envers nos institutions nationales. Si certains préfèrent ne jardiner qu'au potager des souverainistes convaincus, le MNQ a plus à faire en défrichant, avec d'autres, des forêts entières de nouveaux patriotes.

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