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Le fiasco de la formation des enseignants en histoire

Pour défendre un programme d'histoire bancal et discrédité, ses partisans ne brandissent, pour toute réponse, que le péril de «l'endoctrinement par le nationalisme». Ont-ils seulement pris acte de l'échec pédagogique que constitue le programme de 2006, lui-même une version édulcorée et «bricolée» d'une première mouture universellement dénoncée en 2005?
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desk and chairs in classroom.
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desk and chairs in classroom.

Pour défendre un programme d'histoire bancal et discrédité, ses partisans ne brandissent, pour toute réponse, que le péril de «l'endoctrinement par le nationalisme». Ont-ils seulement pris acte de l'échec pédagogique que constitue le programme de 2006, lui-même une version édulcorée et «bricolée» d'une première mouture universellement dénoncée en 2005?

À titre de président du MNQ, promoteur de l'identité québécoise depuis 1947, il va de soi que je souhaite que tous les Québécois se sentent unis par un sentiment d'appartenance et fiers d'appartenir à une communauté ouverte et solidaire, enracinée en Amérique depuis quatre siècles. Ceux qui ne peuvent comprendre cela ne considèrent «légitime» que l'adhésion libre à un État de droit, où des «citoyens» post-modernes s'abritent derrière la défense de leurs droits individuels, sans racines historiques.

Malgré tout cela, on peut aisément démontrer que le programme d'histoire actuel présente des lacunes affligeantes qui n'ont strictement rien à voir avec la conception qu'on se fait de la nation québécoise et qui méritent en soi qu'on s'y penche de toute urgence. Dans mes prochains billets j'aborderai certaines calamités du programme d'histoire, dont les plus fameuses sont assurément le découpage chronologique-thématique de la matière, le mélange d'histoire et d'éducation à la citoyenneté et la formation des maîtres. Aucune de ces aberrations ne met à quelque égard en jeu la fameuse «question nationale». Les sophistes qui contrôlent présentement la direction des programmes devront donc trouver d'autres échappatoires que leur peur du nationalisme pour justifier la situation actuelle. En attendant, ce sont les professeurs du Québec et leurs élèves qui font les frais de cette entreprise de désinformation.

Une des plus belles inepties du programme d'histoire a trait à la formation des futurs enseignants. Le programme universitaire actuel consiste en un baccalauréat de quatre années où pas moins de la moitié de la formation consiste en un salmigondis de stages et de cours de didactique ou de pédagogie, où le futur prof apprend «comment enseigner». Des cours entiers sont donc consacrés à savoir rédiger un examen à choix multiples, concevoir une «Situation d'apprentissage et d'évaluation (SAÉ)» ou à «gérer» des troubles du comportement. De telles compétences sont utiles, mais ce qu'on apprend dans ces cours n'est nullement de niveau universitaire.

Surtout, qu'on y pense, deux années entières y passent, au prix d'effrayantes redondances, tout ça pour préparer un prof à faire face à 30 redoutables ados! Les titres de cours sont éloquents: Conduite pédagogique et organisation de la classe, Relations du groupe-classe et citoyenneté scolaire ou Éducation, épistémologie et métacognition. Qu'on ne se méprenne pas, ces drôles d'oiseaux ne sont nullement optionnels, il s'agit bien tous de cours obligatoires pour tous ceux qui comptent devenir enseignants au pays de Maria Chapdeleine.

À l'inverse, ces futurs profs n'auront que dix cours pour faire l'apprentissage de deux disciplines. En ce qui a trait à l'histoire, c'est seulement trois ou quatre cours qui portent sur l'histoire nationale, dont un seul sur le Canada depuis la Confédération de 1867. J'ai moi-même, pendant dix ans, enseigné ce cours pour des candidats au bac en enseignement au secondaire. En 45 heures seulement, j'ai fait ce que j'ai pu pour parcourir un siècle et demi d'histoire canadienne et québécoise devant des auditoriums peuplés de 90, 100, parfois 120 futurs enseignants.

Ce cours d'histoire générale est le seul qu'ils recevront de toute leur formation avant d'aller d'eux-mêmes l'enseigner durant toute leur carrière à des générations entières. Il s'agit du seul cours obligatoire en lien avec la matière qu'ils auront à enseigner. Un court plutôt « allégé » d'ailleurs, assorti de deux examens, d'un travail de session et d'une poignée d'ateliers. Devant parcourir 150 ans d'histoire, j'y passais généralement une heure sur la Confédération, 20 minutes sur la Seconde Guerre mondiale et à peine dix sur chacun des référendums. Si un futur enseignant ne poursuit pas son perfectionnement au travers de ses multiples autres tâches, c'est avec ce seul bagage de connaissances qu'il est ensuite réputé pouvoir enseigner cette matière.

Or, certains de mes étudiants, perdus dans les gradins de l'auditorium, n'étaient pas tous des génies, ni particulièrement doués ou motivés. Certains d'entre eux n'ont obtenu qu'un «C» ou un «D», sans trop avoir à déployer d'efforts. Ils ont quand même été jugés aptes à enseigner cette matière et se sont tous retrouvés, un an ou deux plus tard, devant une classe d'histoire. Aussi mal préparés et aussi peu outillés en connaissances sur l'histoire du Canada, ces jeunes professeurs sont dès lors particulièrement inquiets, incapables d'aller plus loin face à des élèves curieux que ce que propose leur manuel de classe. Selon Éric Bédard, «le maître qui se retrouve en classe devant ses élèves avec pour seul bagage ses quelques cours universitaires sur le passé québécois est donc condamné à suivre l'un des manuels approuvés par le ministère, rédigés le plus souvent par l'un des didacticiens spécialistes en pédagogie qui lui aura enseigné à l'université.»

Comment une telle situation a-t-elle pu s'instaurer? Jusqu'en 1994, nous avons pourtant bénéficié de la formule idéale: un baccalauréat de trois ans dans une discipline, soit littérature, géographie ou histoire, où le jeune s'initiait à fond aux connaissances et aux méthodes d'un champ disciplinaire, suivi, s'il choisit de devenir enseignant, d'une année de pédagogie, assortie de deux stages, menant seuls à l'agrégation pour pouvoir enseigner. Ce système avait en outre l'avantage de susciter de véritables vocations pour la carrière d'enseignant. À l'heure actuelle, nul salut hors du fameux programme de quatre ans. Si bien que l'étudiant doit choisir dès l'âge de 18 ans, avant même d'avoir obtenu son diplôme d'études collégiales, s'il s'engage résolument dans la filière menant à l'enseignement au secondaire.

La situation aberrante où nous nous trouvons découle d'une guerre de pouvoirs bureaucratiques remportée à l'époque par les facultés de sciences de l'éducation. Ces facultés universitaires ont alors pris le contrôle de la formation des maîtres pour toutes les disciplines. Des départements comme ceux de géographie, littérature, mathématiques ou histoire se sont ainsi vus relégués au rang de dispensateurs de cours de service, soumis aux commandes dictées par les facultés d'éducation. La part du lion des cours est donc attribuée à des cours de didactique inutiles ou redondants, où des didacticiens, qui n'ont la plupart jamais eux-mêmes enseigné au niveau secondaire, ont tout le loisir, durant deux ans, de distiller leurs doctrines psychopops et montrer «comment enseigner» à de futurs enseignants qui ne connaissent pas leur matière.

Redisons-le. Un tel problème n'a rien à voir avec le nationalisme ou même avec le contenu des cours en soi. Il concerne une conception de la formation des maitres complètement aberrante qui produit bien des enseignants «polyvalents», adaptés aux contraintes de gestion des écoles, mais nullement formés pour approfondir leur matière en compagnie des élèves et ainsi susciter leur curiosité. Ces enseignants bien intentionnés se retrouvent donc impuissants et inféodés au contenu de leur manuel et, bien sûr, au programme Histoire et éducation à la citoyenneté...

La Coalition pour l'histoire a fait connaitre sa solution à ce problème : réinstaurer le bac disciplinaire pour d'abord permettre à un individu de maitriser les connaissances en histoire du Canada et du Québec. Suite à quoi, arrivé à l'âge de 24 et 25 ans, il pourra se doter d'une formation en pédagogie d'une ou deux années s'il choisit, en toute connaissance de cause, d'embrasser la noble profession d'enseignant.

Or cette formule existe encore. Un programme universitaire conjoint permet à des étudiants qui ont terminé un bac disciplinaire de se doter d'une formation de second cycle en enseignement secondaire et d'accéder à la carrière d'enseignant. Il s'agit clairement de la formule idéale pour former des enseignants compétents et bien préparés. Tous les détails ici .

Reste à faire connaitre cette filière très prometteuse, en attendant que le ministère de l'Éducation entreprenne d'en faire la norme.

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