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Le caractère à la fois unique et exceptionnel du crucifix qu'on retrouve à l'Assemblée nationale contrevient directement au principe de neutralité de l'État. Aucun autre cas ne peut lui être comparé : le symbole même d'une alliance préjudiciable entre l'Église et l'État. Déplacer ce crucifix dans le hall des présidents, adjacent au Salon bleu, pourrait pourtant permettre d'en préserver la valeur patrimoniale et d'en restaurer la place dans l'histoire.
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Il s'agit bien d'une Charte des valeurs québécoises - et non de la laïcité - pour la raison toute simple que l'une transcende l'autre en proposant de concilier la neutralité religieuse de l'État avec des valeurs communes, y compris un certain patrimoine religieux. Églises, cimetières, croix de chemin, calvaires et autres toponymes religieux doivent donc être préservés comme une part essentielle de notre héritage collectif et au bénéfice des générations futures. Cette préoccupation est sans limites. Le patrimoine religieux québécois n'est d'ailleurs pas que catholique et inclut aussi les autres cultes qui ont marqué l'histoire : des cimetières autochtones, aux synagogues en passant par les temples protestants.

Ce souci patrimonial concerne aussi l'industrie touristique, la mission éducative et la recherche scientifique dans le but de préserver la diversité culturelle, conformément aux chartes de l'UNESCO et de l'ONU. Le patrimoine religieux du Québec implique en outre la mémoire immatérielle, les savoir-faire, les fêtes rituelles et les traditions religieuses, un patrimoine d'autant plus menacé que diminue la pratique religieuse et que vieillissent les célébrants. Qui plus est, ces usages demeurent à l'origine de bon nombre de valeurs qui nous sont demeurées chères, de la fidélité conjugale au rôle de la famille en passant par le respect de la vie sous toutes ses formes.

À titre de président du MNQ, j'ai récemment consulté nos 18 sociétés nationales et St-Jean-Baptiste sur cet enjeu et pu constater leur grand attachement à ce patrimoine. Une seule question les faisait hésiter : l'opportunité de conserver mordicus le crucifix qu'on retrouve à l'Assemblée nationale.

Le caractère à la fois unique et exceptionnel de ce crucifix vient qu'il contrevient directement au principe de neutralité de l'État. Aucun autre cas ne peut lui être comparé : le symbole même d'une alliance préjudiciable entre l'Église et l'État.

Déplacer le crucifix dans le hall des présidents, adjacent au Salon bleu, pourrait pourtant permettre d'en préserver la valeur patrimoniale et d'en restaurer la place dans l'histoire, en tout cas beaucoup mieux que la fameuse motion du 22 mai 2008, votée à l'unanimité; pas le moindre empêchement au retrait du crucifix :

Que l'Assemblée nationale réitère sa volonté de promouvoir la langue, l'histoire, la culture et les valeurs de la nation québécoise, favorise l'intégration de chacun à notre nation dans un esprit d'ouverture et de réciprocité et témoigne de son attachement à notre patrimoine religieux et historique représenté par le crucifix de notre Salon bleu et nos armoiries ornant nos institutions.

Or jamais ce crucifix n'était destiné à garantir les vertus qu'on lui prête. Cette motion détourne donc complètement le sens véritable du geste autrefois posé en 1936.

Reste que la décision de retirer le crucifix implique désormais de renverser une décision unanime de l'Assemblée nationale. Est-ce que le gouvernement minoritaire de Pauline Marois a la légitimité de l'inclure dans sa charte ? En tout état de cause, le projet de loi devrait s'en tenir à la préservation du patrimoine religieux. Quant à la stricte question du crucifix, elle devrait être déférée au président de l'Assemblée nationale, d'ailleurs responsable de l'aménagement du Salon bleu, afin qu'il consulte les chefs de tous les partis et règle cet enjeu à la satisfaction de tous, idéalement à l'unanimité. En 1936, c'est d'ailleurs sur une décision du président de l'Assemblée législative, l'honorable Paul Sauvé lui-même, qu'on a installé ce crucifix, et non à la suite d'un arrêté en conseil ou d'un vote en Chambre. Confier la responsabilité de le retirer ou non au président de l'Assemblée nationale, de concert avec tous les partis, respecte donc les usages et constitue une issue honorable pour renverser la motion unanime de 2008.

Plus généralement, il est essentiel qu'on cesse de voir dans ce geste le signe avant-coureur de la dilapidation du patrimoine religieux. Il s'agit bien d'un cas unique et exemplaire, du fait qu'il contrevient de manière accablante au principe de neutralité, et en guise de signal positif envoyé à ceux et celles qui auront à se conformer aux dispositions plus contraignantes de la Charte des valeurs.

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