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Compromis en Syrie: les grands dictateurs jubilent

Une chose est d'ores et déjà certaine: les grands et dangereux dictateurs jubilent. En dehors de Poutine, grand gagnant diplomatique et médiatique, le président Assad se comporte en vainqueur, multipliant les déclarations orgueilleuses et n'hésitant pas à poser des conditions.
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Les présidents des États-Unis et de la Russie devraient se remercier mutuellement pour services rendus dans la crise syrienne. Obama, étant embourbé dans une impasse par ses déclarations pompeuses sur la punition imminente de Damas, s'en sort, du moins provisoirement, en accédant à l'initiative de Poutine. Lequel ne cesse de marquer des points pour apparaître comme le nouveau maître du jeu.

Même à la suite de l'accord obtenu à Genève entre Américains et Russes les lauriers vont à Poutine, tandis qu'Obama est le grand perdant. Hésitant, mou, perdant la face aux yeux du monde et de ses concitoyens, il voit son image de marque baisser. Même si en fin de compte l'initiative américaine de mettre les armes interdites syriennes sous contrôle international, va s'avérer être un succès, les lauriers iront à Poutine.

Obama s'est montré hésitant, manquant de détermination, qualité indispensable pour un dirigeant se voulant "policier du globe". Son hésitation à agir contre la Syrie, sous prétexte d'attendre l'approbation du Congrès, mérite une comparaison avec certains de ses prédécesseurs.

Roosevelt n'avait pas requis l'accord du Congrès pour entrer en guerre à la suite de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor. Décision de loin plus décisive. Bien plus, Harry Truman, un inconnu non élu, mais ayant hérité de la présidence à la mort de Roosevelt, n'avait pas demandé l'autorisation du Congrès avant de lancer sur le Japon les bombes atomiques, sans doute l'une des décisions les plus graves et historiques qui soient. Et plus récemment Kennedy ayant risqué une troisième guerre mondiale en imposant l'embargo maritime sur les navires soviétiques en route pour Cuba avec des missiles destinés à menacer les États-Unis.

Or, tous ces risques étaient bien plus graves que l'éventualité d'un désaveu de la part de Poutine, voire du Congrès. Il est vrai qu'au-delà du Congrès l'opinion publique américaine ne favorisait guère une attaque américaine. Une population, dont le tiers environ ignore où se trouve la Syrie, et préoccupée par les problèmes intérieurs, se montre indifférente aux événements de cette zone lointaine. D'autant plus que les Américains retiennent encore le souvenir des soldats tués au Vietnam, en Afghanistan et en Iraq. Et même les assurances données, de ne pas envoyer en Syrie des soldats américains n'était pas suffisantes pour calmer les esprits.

Est-ce donc un retour vers l'isolationnisme cher au Président Wilson avant la Première Guerre mondiale et même à Roosevelt avant Pearl Harbor? Trop tôt pour l'affirmer, mais impossible aussi d'ignorer cette éventualité.

Or, une chose est d'ores et déjà certaine: les grands et dangereux dictateurs jubilent. En dehors de Poutine, grand gagnant diplomatique et médiatique, le président Assad se comporte

en vainqueur, multipliant les déclarations orgueilleuses et n'hésitant pas à poser des conditions avant de laisser se réaliser l'initiative russe, à savoir: pas de menaces contre lui, éloignement des navires de guerre américains, mesures de désarmement d'Israël pour certaines armes.

Surplus d'assurance aussi du côté de l'Iran concernant son programme nucléaire. ("On ne renoncera jamais"). Ainsi que de la Corée du Nord, réactivant un site de fabrication de plutonium. Si le tigre américain s'avère être en papier, profitons-en, disent-ils.

Rien d'étonnant donc si la promesse du président syrien de renoncer aux armes chimiques suscite beaucoup de doutes. Il a bien gagné cette méfiance, contrairement à son prédécesseur Assad père, ayant gagné l'image d'un homme, tout en étant dictateur cruel, dont les engagements étaient fiables.

Aussi, l'idée de s'emparer et de détruire les armes illégales risque de faire long feu, malgré les engagements d'Assad. Des experts internationaux estiment à plus de dix ans le temps nécessaire pour réaliser la destruction des armes chimiques syriennes. Cette estimation est fondée sur le précedent américain: le projet de destruction de l'arsenal chimique américain ayant débuté dans les années 90 ne sera terminé qu'en 2023, sans compter le coût estimé à 35 milliards de dollars. Certes, l'arsenal américain était de loin plus important, mais il était beaucoup moins éparpillé. Tandis qu'Assad est en train de diffuser ses stocks dans une cinquantaine de sites, afin de brouiller les pistes, tâche confiée à "l'unité 450" fonctionnant dans le plus grand secret, sous le commandement personnel d'Assad.

Rien d'étonnant donc à ce que l'idée de démantèlement de ces armes ne rassure nullement les pays directement concernés par les armes chimiques syriennes, à savoir la Turquie, l'Arabie Saoudite, les Émirats du Golfe et notamment Israël.

L'État hébreu a le sentiment que l'indifférence voire la faiblesse de l'Occident risquent de l'abandonner à son sort, tant face à la Syrie qu'à un Iran nucléaire. Ce qui probablement a inspiré le premier ministre Nethanyahu lors de cette déclaration: "On n'est jamais mieux servi que par soi-même". Et les interprétations et commentaires vont bon train, à savoir qu'Israël risque d'être acculé à agir seul, sans pouvoir compter sur les Américains, contre le projet nucléaire iranien.

Et en marge de ces commentaires, peut-être pas par hasard, les médias étrangers et notamment le "Foreign Policy", affirment qu'Israël possède des armes chimiques, stockées dans une usine secrète aux environs de la ville de Ness Tziyona. Ces informations ne sont pas confirmées, mais l'on se souvient que par le passé un espion communiste, Marcus Klienberg, lequel était vice-directeur "d'une certaine usine à Ness Tziyona", avait été qualifié lors de son procès comme "ayant causé les plus grands dégâts à Israël".

Dans cette ambiance les Israëliens, s'étant abstenus de prendre position dans la crise syrienne, suivent avec sérénité, mais aussi scepticisme l'évolution des tractations diplomatiques actuelles. Tout en se demandant, comme le secrétaire d'État américain John Kerry, si l'issue n'en sera pas un nouveau Munich.

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