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L'évasion fiscale des grandes multinationales

La fiscaliste Brigitte Alepin a su montré, comment les multinationales finiront par ne plus payer un seul dollar d'impôt, en faisant du « shopping fiscal » d'un continent à l'autre et en multipliant les stratégies pour éviter de payer leur juste part d'impôts.
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Flickr: Poetprince

Dans son livre (La Crise), la fiscaliste Brigitte Alepin a su montré, comment les multinationales finiront par ne plus payer un seul dollar d'impôt, en faisant du « shopping fiscal » d'un continent à l'autre et en multipliant les stratégies pour éviter de payer leur juste part d'impôts.

La stratégie d'évasion fiscale de Microsoft

La filiale de Microsoft en France a réalisé un chiffre d'affaires de 493 millions d'euros pour l'exercice clos à la mi-2011 (source : sociétés). Microsoft France a payé 22 millions d'impôts sur le même exercice. Une somme totalement ridicule. En effet, le chiffre d'affaires effectivement réalisé par Microsoft en France peut être estimé à 2,5 milliards d'euros pour la même période (source : les cabinets d'étude IDC et Pierre Audoin Conseil). Si tout le chiffre d'affaires effectivement réalisé en France était déclaré, l'impôt à payer avoisinerait les 260 millions d'euros d'impôts sur les sociétés.

La stratégie d'évitement de l'impôt de Microsoft est très simple : Tous les revenus pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique sont enregistrés par sa filiale Irlandaise Microsoft Ireland Operations Limited (MIOL). Ainsi, tous les clients européens, du Moyen-Orient et d'Afrique signent leur contrat avec sa filiale irlandaise. Les filiales en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique ont le statut d'agent commissionné. Lorsqu'un produit Microsoft est vendu dans une filiale comme la France, elle ne comptabilise pas le prix de vente du produit, mais la commission, qui est un pourcentage de ce prix de vente (18 à 26% pour une activité de commerce de détail). Au final, c'est la filiale irlandaise qui comptabilise et encaisse les revenus. Le choix de l'Irlande pour comptabiliser ses revenus est purement d'évitement fiscal. En effet, l'Irlande offre un taux d'impôt sur les sociétés de 12,5% qui est le plus bas d'Europe.

Les revenus hors États-Unis de Microsoft sont facturés depuis Singapour et Puerto Rico, qui offrent aussi des taux d'impositions moins élevés que les États-Unis. Ainsi, pour éviter de payer 33 à 35% d'impôts au fisc américain, Microsoft préfère laisser la quasi-totalité de sa trésorerie hors des États-Unis, soit près de 64 milliards de dollars.

Rappelons que Microsoft a 1400 collaborateurs en France, un campus et est considéré comme le numéro 1 des entreprises où il fait bon vivre. Il possède un laboratoire commun avec l'INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique). Elle verse la somme de 1,25 million d'euros par an au laboratoire et sa filiale française utilise les réductions d'impôt au titre du mécénat.

Google n'a payé que cinq millions d'euros d'impôts en France l'an dernier

Sur un chiffre d'affaires estimatif entre1,3 et 1,5 milliards d'euros en France en 2011 (Google a refusé de communiquer son chiffre d'affaires réel. Selon Vivaki, le marché britannique de la publicité en ligne est 2,5 fois plus grand que le marché français. Le chiffre d'affaires effectif réalisé par Google en Grande-Bretagne est de 3,1 milliards d'euros en 2011), Google n'a payé que 5,5 millions d'impôts. En effet, sa filiale française n'a déclaré que 138 millions d'euros de chiffre d'affaires, selon l'arrêté de ses comptes. Google aurait dû payer 166 millions d'euros d'impôts, si le chiffre d'affaires de 1,5 milliards était déclaré en France. Si Google a payé une telle somme dérisoire au fisc français, c'est que le chiffre d'affaires réalisé en France est presque totalement facturé en Irlande.

Google a déclaré en Irlande un chiffre d'affaires de 10 milliards d'euros en 2010. On pourrait donc penser que l'Irlande qui offre le taux d'impôt sur les sociétés le plus bas d'Europe (12,5%) récupère les impôts que Google ne paye pas dans les pays à imposition élevée. Absolument pas, Google paye peu ou ne paye quasiment pas d'impôts en Irlande. En effet, après un passage rapide par les Pays-Bas, la presque totalité des revenus déclarés en Irlande est ensuite transférée vers sa filiale aux Bermudes, une boîte aux lettres sans salariés. Aux Bermudes, on ne paie pas d'impôts sur les sociétés. Pour y arriver, Google déduit d'énormes frais administratifs des revenus déclarés en Irlande pour les envoyer sous forme de royalties aux Bermudes.

Tout comme Microsoft, pour éviter que le fisc américain impose tous ses revenus de 33 à 35%, Google laisse la moitié de sa trésorerie dormir en dehors des États-Unis. Début 2012, sa trésorerie à l'extérieur des États-Unis s'élevait à presque 25 milliards de dollars.

Rappelons que des montages d'évasion fiscale similaires sont utilisés par d'autres firmes internationales. Le sentiment d'injustice que les citoyens éprouvent est très fort quand des multinationales les plus prospères du monde s'affranchissent de la quasi-totalité de l'impôt dont elles devraient s'acquitter.

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