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L'adoption au Québec: une mission presque impossible

Deux à cinq ans pour accueillir un enfant? Ben voyons donc! L'enfant sans parents n'a pas une seule minute à perdre pour reprendre les semaines, les mois perdus; il doit être pris en charge et surtoutetà une famille... C'est une urgence, ça devrait être une priorité!
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On ne me fouettera jamais pour avoir écrit ce texte. Raif Badawi, lui, a été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans prison pour avoir blogué.

Le projet nous trotte dans la tête, mais surtout dans le cœur depuis un bon bout de temps. Nous en parlons souvent lorsqu'une fois la journée terminée, nous sommes dans notre lit, collés l'un contre l'autre: nous aimerions accueillir un autre enfant dans notre famille. Nous sommes amoureux depuis plus de 30 ans, parents de 5 enfants (un enfant naturel et 4 enfants adoptés à 17 mois, 2 ans et 9 mois, 5 ans et 20 ans), provenant d'Haïti pour les trois premiers et du Congo pour le dernier.

Nos enfants ont tous des parcours différents remplis de diverses embûches, mais nous les avons tous entourés d'amour et de soutien, nous leur avons donné un toit chaleureux, serein et propice à leur épanouissement. Nos enfants sont maintenant âgés de 24, 23, 22, 19 et 12 ans, ils sont très équilibrés, souriants et épanouis. Donc, notre rêve d'accueillir un autre enfant dans notre famille fait l'unanimité : nous en avons parlé et la décision s'est prise tout naturellement. Nous voilà prêts à entreprendre les démarches.

Puisque l'adoption internationale est rendue d'une lourdeur atroce, nous nous sommes tournés vers les Centres Jeunesse de Montréal. Après quelques recherches pour avoir de l'information sur les démarches, nous arrêtons notre choix sur l'adoption en banques mixtes : les critères correspondent vraiment à notre profil, tous les espoirs nous sont permis!

Nous sommes prêts à aimer et accueillir un enfant. Point à la ligne. Son âge, la couleur de sa peau, son sexe, son passé, son état physique, rien de tout cela nous importe. Nous voulons un enfant pour l'aimer, pour l'encadrer, pour lui donner cette deuxième chance qu'il attend impatiemment où qu'il soit.

Notre confiance en nos chances de succès était nettement exagérée! Même si on est certain de satisfaire tous les critères de « recrutement », on s'est rendu compte que dans le fond, on est bien naïfs! Même à notre âge, même avec la lucidité que nous avons développée à travers toutes les épreuves que la vie nous a mises sur notre parcours!

Quelques coups de fil nous ont fait comprendre que les délais moyens pour adopter un enfant, même « différent », pouvaient aller de deux à cinq ans au Québec. On nous a expliqué le très long et laborieux processus par lequel il faut passer (ce qui à la limite est très compréhensible), mais faut-il vraiment de deux à cinq ans pour « analyser » le dossier d'une famille qui a le parcours que nous avons et qui est une preuve d'adoptions réussies dans tous les sens du mot?

Avec un peu de bonne volonté de part et d'autre, avec une juste dose de jugement, avec un désir véritable de donner une chance à un seul enfant de sortir rapidement des griffes du système - pour tout simplement sauver un enfant -, ne pourrait-il pas y avoir en amont des processus ardus et compliqués une case qui s'appelle exception? Ou minimalement : accèlérée?

Il n'est nullement question ici de passe-droits, nous ne demandons aucun privilège et nous sommes plus que prêts à nous soumettre à toutes les évaluations requises et à suivre les règles établies, mais pourquoi nous faire attendre de deux à cinq ans pour peut-être nous confier un autre enfant alors que nous sommes là, crédibles et reconnus comme un milieu de vie favorable aux adoptions réussies?

Nous cognons à la porte, nous manifestons notre désir d'aimer un enfant différent, et tout ce que l'on trouve à nous dire c'est : prenez un numéro, mettez-vous en ligne et lorsque nous serons prêts, dans très longtemps, nous vous ferons signe. Et n'oubliez pas de vous inscrire dans la bonne région administrative, car sinon vos démarches et explications seront à recommencer; il n'y a pas de vase communiquant au Québec pour les enfants abandonnés ou poqués... il n'y a que de la maudite bureaucratie!

Deux à cinq ans pour accueillir un enfant? Ben voyons donc! L'enfant différent n'a pas une seule minute à perdre pour reprendre les semaines, les mois perdus; il doit être pris en charge et surtout être aimé et appartenir à une famille... C'est une urgence, ça devrait même être une priorité!

Personne ne va me convaincre qu'ici au Québec, nous aimons nos enfants ni que nous instaurons des règles strictes pour protéger nos enfants pendant que nous laissons nos enfants différents dépérir de jour en jour! Combien d'enfants sont classés par numéro, dans une fiche, dans un classeur?

Lorsque ces jeunes abandonnés atteignent l'adolescence, ils se retrouvent dans un Centre jeunesse, avec souvent une longue liste de problèmes et une vie hypothéquée parce que nous n'avons pas été suffisamment intelligents pour mettre des ressources en place rapidement pour sauver leur vie avant.

Avant d'en finir avec la responsable, je lui ai donné mon numéro de téléphone en lui disant : collez-le sur votre ordinateur, mettez-le sur l'écran de votre patron, et si jamais vous avez un cas urgent, nous serons votre 911!

Je suis certaine que l'appel ne viendra jamais. Ce serait beaucoup trop logique et simple! Et pourquoi simplifier les choses quand tout peut être compliqué?

Durant ce temps, combien d'enfants attendent et espèrent en silence qu'une famille veuille bien les accueillir et se demandent pourquoi personne ne veut d'eux?

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